Prendre part à l'intransmissible. La communication spirituelle à travers la correspondance de Jean-Joseph Surin

P. Goujon
Espiritualidad - reviewer : Hubert Jacobs
Issu d'une thèse, ce volumineux ouvrage veut répondre à la question: que faut-il entendre par le qualificatif «spirituelles» quand on parle des relations que tissait la correspondance du P. Surin? Qu'est-ce que lui-même et ses lecteurs comprenaient par ce mot? Plus radicale encore est l'interrogation: «comment penser la communication quand elle est sans cesse menacée par l'incapacité des correspondants à entendre l'impossibilité de Dieu à se laisser être dit»? Nous ne trouverons dans ce livre ni une biographie de Surin ni l'exposé de sa doctrine spirituelle. Mais c'est la notion de communication que l'A., jésuite, veut analyser chez lui et «les relations que la lettre instaure entre son auteur et son lecteur».
On y découvrira que «la relation épistolaire est conçue par Surin comme une invitation, souvent pressante, faite à chacun de prendre part à ce qui ne peut se transmettre»: Dieu qui, par grâce, se communique lui-même. On comprend dès lors le titre donné à cette étude où se déploient la finesse de la lecture, l'exigence de la méthode et l'ampleur d'une information considérable. Tour à tour sont étudiés Surin, écrivain et correspondant; son activité épistolaire; son enseignement spirituel; son langage; la lettre spirituelle. On signalera plus particulièrement certains développements, comme l'étude de la pédagogie spirituelle de saint Ignace dans la correspondance de Surin, les pages consacrées au «statut d'écrivain jésuite», ou encore les notations consacrées aux jésuites des villes et des campagnes. On est heureux de voir évoquer «l'insistance d'Aquaviva sur la rénovation de l'esprit de la Compagnie par le moyen de la mission intérieure dans la mesure où celle-ci fait vivre aux jésuites ce que les premiers compagnons avaient choisi de vivre: pauvreté et itinérance à l'imitation de Jésus». L'expérience spirituelle vécue et communiquée par Surin donne lieu à des exposés substantiels et nuancés, tel celui sur l'humilité qui conduit à cette conclusion: «il importe surtout de retenir que le thème de la conformité au Christ fait ainsi son entrée par la porte de l'humilité. Le Christ est chez Surin essentiellement 'Jésus-Christ humilié'».
On le voit, l'étude du langage et de la lettre chez Surin, pour subtil qu'elle soit, n'en est pas moins d'une richesse inépuisable pour qui s'intéresse au spirituel qu'il fut et à l'expérience dont il se fit le témoin. Mais pour en rester au point de vue formellement choisi comme objet de la thèse, on ne cachera pas son intérêt pour les multiples dialogues de l'A. avec M. de Certeau, P. Ricoeur et bien d'autres. On ne pourra que tomber d'accord avec lui pour reconnaître que, dans sa correspondance, Surin «élabore et pratique une pensée du style et de la communication qui lui permet, non de transmettre son expérience du sentir de Dieu en son existence, mais de remettre son lecteur, par le texte qu'il lui tend, face à sa propre expérience».
On peut signaler quelques rares distractions faciles à corriger comme par ex.: p. 7, Nouvelle Revue théologique; p. 212, Blosius, ou Louis de Blois; p. 212, J.Chr. de Saint-Lô n'était pas capucin, mais Tertiaire de Saint François; … - H. Jacobs sj

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