La reconnaissance de la toute-puissance divine, l'accueil de la
révélation coranique et la vénération du prophète de l'islam
constituent le fondement de la mystique musulmane. Très tôt, dès la
fin du premier siècle de l'hégire, une sorte de proto-soufisme
pieux et ascétique prit naissance en réaction à l'inévitable
mondanisation de l'islam. Désireux d'une toujours plus profonde
union à Dieu et soucieux d'une imitation de l'homme parfait,
Muhammad, les milieux mystiques s'attachèrent à la répétition
constante du nom de Dieu et à la remise de soi aux mains d'un
maître. L'âge d'or du soufisme fut le Xe siècle, avec de grands
mystiques dont la fine fleur fut sans conteste al-Hallaj. Les
outrances verbales des fous de Dieu ayant provoqué une réaction de
rejet de la part de la stricte orthodoxie sunnite, on vit se
développer un important travail d'apologétique théologique du côté
soufi. Parmi les «théosophes» musulmans des XIe - XIIIe siècles,
les plus grands furent sans conteste al-Ghazzali, initiateur d'une
mystique de la lumière que devait développer le persan Suhrawardi
et enfin Ibn 'Arabi, auteur dont l'influence s'étend jusqu'à nos
jours.
Le soufisme eut un impact considérable sur les productions
littéraires arabe, persane et turque; dans l'océan des auteurs et
des oeuvres émergent les noms bien connus d'Attar ou de Roumi. Le
chapitre V présente un aspect du soufisme souvent méconnu, celui de
son organisation en ordres et confraternités. On peut regretter que
l'auteur n'ait pas pris la peine de dresser un tableau synthétique
d'une matière aussi vaste et complexe, par exemple sous forme
d'arbre généalogique; cela aurait permis au lecteur de s'y
retrouver avec plus de facilité! Une rapide présentation du
soufisme populaire et de la mystique musulmane contemporaine
conclut le volume: les noms du grand poète pakistanais Iqbal et du
cheik algérien al-Alawi témoignent de la vitalité de ce courant qui
irrigue aujourd'hui la diaspora musulmane de l'Indonésie à San
Francisco. - Fr. Vermorel.