Théories de la religion. Diversité des pratiques de recherche, changements des contextes socio-culturels, requêtes réflexives
(éds) Pierre Gisel (éds) Jean-Marc TétazTeología - reviewer : Jacques Scheuer s.j.
La troisième partie plonge le lecteur dans les débats entre sciences des religions, théologie et philosophie. B. Gladigow suit, depuis les Lumières, la formation et la différenciation progressive de ces trois disciplines, voire de ces trois cultures. I. Dalferth tente de préciser les méthodes et tâches d'une théologie (protestante) des religions: elle ne pourra nouer des relations fructueuses avec les sciences des religions qu'à condition d'honorer sa perspective propre. R. Célis renoue avec le projet d'une philosophie de la religion d'inspiration kantienne qui, tout en évitant de dissoudre le religieux dans l'éthique, permette de dégager une dimension qui excède l'éthique et garantisse l'espace d'une théologie critique. Partant notamment d'E. Voegelin, J.-M. Ferry examine le potentiel critique des religions dans la construction d'un espace éthique et politique européen. Il revient enfin à P. Gisel de recueillir bien des éléments de ce copieux dossier et de définir, à partir d'une mise en perspective historique et notamment de la généalogie moderne des disciplines du religieux, les requêtes et les tâches d'une théorie de la religion et, articulée sur elle, d'une théorie du christianisme. La «généalogie de l'Occident» est ainsi désignée comme un (le?) «lieu de l'exercice théologique aujourd'hui» (384). Il est clair que cet «Occident»déborde les frontières géographiques du monde occidental. Reste à se demander dans quelle mesure cette entreprise indispensable et passionnante est susceptible d'intéresser les adeptes d'autres religions et même les théologiens chrétiens dont l'arbre généalogique parfois bien touffu est planté en d'autres régions du monde. Si le christianisme, après le judaïsme, peut être considéré comme une «contre-religion» marquée par l'excès d'une transcendance qui cependant ne quitte pas le monde, on devra se demander si d'autres civilisations et d'autres traditions religieuses connaissent de semblables ruptures de la totalité et si elles sont aujourd'hui capables, dans le «geste de dépassement» qui leur est propre, de leur donner corps dans l'histoire et la société. À l'heure de la mondialisation, mais aussi de la pluralité des voies religieuses (391), la théologie, la philosophie, voire les sciences des religions seraient-elles plus régionales que jamais? - J. Scheuer, S.J.