Thérèse de Lisieux et Dietrich Bonhoeffer. Kénose et altérité

S. Destrempes
Espiritualidad - reviewer : Bruno Clarot s.j.
Le rapprochement de la jeune carmélite et du pasteur luthérien exécuté par les nazis en 1945 peut surprendre. Bonhoeffer est un penseur, un philosophe, alors que Thérèse est une «mystique», mais ce livre montre leurs nombreux points de convergence chrétienne. Dans une première partie, la confrontation entre le jeune Bonhoeffer (1906-1945) et le philosophe jésuite Przywara illustre l'impasse du dialogue oecuménique au seul plan philosophique. Par contre, la théologie du pasteur intégrant l'humain à une théologie de la rédemption offre une ouverture au dialogue oecuménique, de même que la voie thérésienne d'«enfance spirituelle». Créé à l'image de Dieu-Trinité, l'être humain est relationnel, dépossession de soi, kénose, ouverture à la grâce: c'est à peu près en ces termes que l'on peut résumer la thèse du livre. Le message oecuménique thérésien se rapproche du «sola gratia, sola fide» luthérien, car la carmélite découvre le salut gratuit, la foi comme réponse demandée par Dieu à la créature, l'amour du Christ seul Seigneur et Sauveur, la Parole de Dieu dans la Bible, la liberté de l'âme pour aller à Dieu, c'està- dire les fondements de sa «petite voie», l'équivalent de la grâce prévenante et de la gratuité absolue du salut chez Bonhoeffer. Mais celui-ci insiste sur la différenciation alors que Thérèse, plus mystique, parle de «fusion» dans l'amour, selon le langage de son temps qui ne réalisait pas encore que le véritable amour personnalise davantage chacun des deux partenaires. Chez tous deux, la libération de soi passe par la conformité à la kénose du Christ par amour, pour être recréés par Lui à l'image de Dieu. Destrempes étudie particulièrement trois points de convergence: la justification par la foi, l'altérité et l'unification de soi. Bonhoeffer a redécouvert que Dieu laisse à l'homme le champ d'exercice de sa liberté autonome dans le monde, car, par la kénose, l'agir humain ne fait plus qu'un avec l'agir divin dans le Christ (Ga 2,20). Pour Thérèse, le «mérite» se situe dans le fait de recevoir l'amour divin à travers le Christ. La foi est confiance dans l'agir divin justifiant et humilité de l'obéissance dans le Christ. L'amour est l'unique réponse humaine et le lieu du processus justifiant; cet amour, Bonhoeffer le traduit par «être-pour-les autres ». La théologie de la croix est au coeur des deux spiritualités par la conformation au don total du Christ crucifié. C'est l'Esprit Saint habitant en nous qui nous appelle et nous habilite à accomplir des oeuvres bonnes. La foi est active dans l'amour, un amour agissant. Si la première partie du livre, partie philosophique, est quelque peu décevante, la seconde révèle des perspectives profondes et enrichissantes pour le dialogue avec les luthériens et les protestants en général. - B. Clarot, S.J.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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