Traité d'athéologie. Physique de la métaphysique

M. Onfray
Filosofía - reviewer : Hubert Thomas
L'on parle encore trop de Dieu et des dieux, des arrières-mondes qu'ils impliquent, de haine de ce monde-ci qu'ils imposent. Quand va-t-on en finir avec les religions? Enfin! Voilà ce qui taraude Michel Onfray car, à ses yeux, l'Aufklärung pâtit de cet ombrage. C'est pourquoi il part au combat, muni d'un arsenal impressionnant d'arguments, contre les trois monothéismes. En bon disciple de Nietzsche, il pratique une «philosophie à coups de marteau» dont l'objectif est de déconstruire systématiquement les monothéismes. Cette déconstruction, cette «tabula rasa», rendra possible une véritable athéologie et une sereine laïcité post-chrétienne.
En effet, l'épistémè (au sens de Foucault) de toute notre culture est encore fondamentalement religieuse et principalement judéo-chrétienne. Un mot-clé peut la caractériser: la pulsion de mort. À examiner les doctrines et les pratiques de chacune des trois grandes religions (car n'oublions pas l'Islam de plus en plus présent), on doit conclure qu'elles sont finalement mues par Thanatos contre Eros. «Avec le christianisme, la pulsion de mort entreprend de gangrener la planète entière». Ce n'est pas gai! Il faut arrêter cela.Ce travail de sape soulève cependant un certain nombre de questions. Avec M.O., on est toujours dans le registre de l'accusation. Jamais la parole n'est donnée à ce qui est vécu dans l'histoire comme réalisations positives. N'est-ce pas du prélèvement idéologique? D'autre part, jamais l'A. ne se demande ce qu'il en est aujourd'hui de l'expérience croyante, ni de la critique que Jésus fait de la religion. Tout cela est d'emblée enseveli sous un vocabulaire un peu fixe: «fables, fictions, histoires pour les enfants». René Girard, connais pas!
On peut aussi s'interroger sur l'interprétation des textes. Faut-il lire dans le récit de Genèse 1 un interdit de l'intelligence? Peut-on dire que le récit johannique des marchands chassés du temple signifie un projet violent chez Jésus? Où trouve-t-on que Paul appelle à tuer la science? À moins de pratiquer une exégèse fondamentaliste? On doit aussi constater que l'A. prend certaines libertés. Où Luc parle-t-il du titulus autour du cou du supplicié? Jean-Paul II aurait défendu activement le massacre de centaines de Tutsis par les Hutus catholiques?
Toute la réflexion ici proposée ne relève-t-elle pas encore du vieux schème concurrentiel entre Dieu et l'homme (des croyants en sont quelques fois encore là)? Il est vrai que l'Occident chrétien a généré un Dieu cruel, voire pervers, d'où est issu l'athéisme de Nietzsche. Ce livre-ci révèle que dans les mentalités profondes, il n'a pas disparu. Peut-être l'A. ne pense-t-il pas encore assez à fond la raison. Ne fait-il pas l'impasse sur une raison qui peut devenir aveugle ou sourde? Elle n'est pas toujours, hélas, que la belle clarté dissipant les ténèbres de l'ignorance.
Cet ouvrage polémique qui accumule les preuves contre, devrait certes aider à repenser toute la question de l'herméneutique des Écritures fondatrices, mais on aurait attendu un esprit de dialogue pour faire avancer la question. Il n'est pas sûr que la laïcité post-chrétienne gagne tellement à se fourvoyer dans ce genre de pamphlet. On peut toujours bricoler une cible religieuse sur laquelle on se doit de tirer. Mais est-ce là philosopher? - H. Thomas osb

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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