Un interprète et une interprétation de l'identité jésuite. Le Père Louis Lallemant et sa Doctrine spirituelle au carrefour de l'histoire, de l'analyse institutionnelle et de la pensée d'auteurs jésuites antérieurs et contemporains

Tibor Bartók s.j.
Espiritualidad - reviewer : Jean Burton s.j.
Les familiers de l'enseignement spirituel du p. Louis Lallemant, jésuite de la deuxième génération (1588-1635), connaissent la précision accompagnant l'édition de son oeuvre par Dominique Salin (Christus, DDB, 2011), pour qui « contrairement à ce qu'on a toujours cru, c'est Lallemant que nous lisons, et non une amplification due à son disciple Rigoleuc ». Voici du neuf ! Nous avons en mains la monumentale publication des résultats d'un énorme travail de thèse que le jésuite hongrois Tibor Bartók s.j. a défendue au Centre Sèvres de Paris. Plus qu'un prolongement des études antérieures, il offre une discussion de la place du p. Lallemant non seulement à partir de la mystique contenue dans sa Doctrine spirituelle mais aussi, moins connue à l'extérieur de la Compagnie, en fonction de la présentation qu'on peut faire de sa « figure » comme instructeur du « troisième An » jésuite (année de formation spirituelle avant les derniers voeux dans la Compagnie) et donc en vue de son interprétation de l'identité jésuite. On en voit l'enjeu pour la conception de la vie religieuse apostolique, et spécialement celle de la Compagnie de Jésus aujourd'hui.
L'ensemble est ainsi exhaustivement documenté et le résultat de la recherche est présenté en trois parties : 1) figure et représentation du p. Lallemant et statut de la Doctrine Spirituelle ; 2) genèse d'un formateur et d'une formation 3) l'esprit de la Compagnie et la perfection de son Institut. Cette triple enquête a puisé dans les ressources de la correspondance du p. Lallemant (citée souvent dans la langue originale, en latin ou en italien) avec, entre autres, son préposé général Acquaviva. Les questions de gouvernement, mais aussi celles qui étaient relatives au style de la vie jésuite, étaient débattues à l'intérieur de la Compagnie et généraient en effet une masse documentaire, car la curie romaine était souvent sollicitée. Il n'est pas possible de citer ici tous les points étudiés dans cette thèse en lien avec la position de la Doctrine spirituelle et avec l'émergence du « cas Lallemant » controversé (comment comprenait-il les Exercices spirituels, et quelle fut sa spiritualité, finalement ?). Outre le recours à la correspondance interne (et autres documents officiels), on notera une bibliographie importante très diversifiée (p. 685 à 849) qui servira de point de départ à toute étude dorénavant.
L'étude de la situation de « l'idéal jésuite à l'épreuve de la monarchie française » suscitera probablement des commentaires. Il en sera de même pour les « conclusions » des trois grandes parties de l'ouvrage. Le travail demandé pour les étayer est maintenant à la disposition de qui voudra étudier la Compagnie et sa place actuelle dans le monde. Notre présentation, elle aussi très matérielle, n'a pour prétention que de signaler aux bibliothèques et aux chercheurs de théologie spirituelle la parution d'un ouvrage essentiel à bien des points de vue. L'ampleur de cette enquête est à saluer. Elle servira à d'autres recherches contextualisées, soucieuses de situer la présence des jésuites dans notre XXIe siècle et attentives à la « figure » que demande leur engagement apostolique ad maiorem Dei gloriam. - J. Burton s.j.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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