Un siècle de témoins. Les martyrs du XXe siècle

Didier Rance
Historia - reviewer : Bernard Joassart s.j.
Si les premiers siècles de notre ère furent profondément marqués entre autres par de violentes persécutions contre les chrétiens, cette période n'est pas la seule à avoir connu des martyrs pour la foi. Le XXe siècle lui aussi, comme d'ailleurs toutes les époques, a eu ses martyrs: bon nombre de chrétiens n'ont pas été épargnés.
L'ouvrage de S.P., moraliste, est issu d'un enseignement qui voulait comprendre ce qui sous-tend le martyre et montrer comment il est à la source de toute forme de spiritualité chrétienne. Relisant tant les évangiles, en particulier les béatitudes, que divers textes majeurs sur le martyre, principalement Clément de Rome, Tertullien, S. Augustin et S. Thomas, l'A. montre combien l'évangile requiert un témoignage qui engage tout l'homme, dans tous les aspects de sa condition, et peut aller jusqu'au don de sa vie, ce qui peut réellement interpeller universellement, même au-delà de toutes les divergences d'opinions. Si Dieu, en son Fils, s'est donné totalement à et pour l'humanité, celle-ci est appelée à se donner totalement pour affirmer ce don.
Diacre et directeur de l'Aide à l'Église en Détresse, D.R. a dressé un «panorama» (si l'on peut dire, car le sujet est bien autre qu'esthétique) du martyre au cours du XXe siècle, montrant combien les persécutions à l'encontre des croyants - et pas seulement les catholiques, mais aussi les membres des autres Églises chrétiennes, voire des adeptes d'autres religions - ont été nombreuses et variées, souvent sous des formes d'une cruauté qui laisse sans voix, quand bien même elle n'aboutit pas à la mort, et ce partout dans le monde. Au fil de ce livre, on ne peut s'empêcher de se rappeler la phrase de Pascal:« le Christ est en agonie jusqu'à la fin des temps».
J. Cebula naquit en 1902, dans une famille très simple de Haute-Silésie. Malgré sa constitution fragile, il entra chez les Oblats de Marie Immaculée en 1921 et, au terme de sa formation, il fut enseignant et supérieur de juniorat (collège) avant de devenir maître des novices de sa Province. Interdit de tout ministère par les autorités allemandes, il sera arrêté le 2 avril 1941, déporté au camp de concentration d'Inowrocław, puis, le 18 avril de la même année, transféré au camp de Monthausen où il sera abattu le 9 mai. Jean-Paul II l'a béatifié en 1999 avec 107 autres victimes du nazisme. Brève, la biographie ici donnée par J.P. n'en est pas moins digne d'un grand intérêt, car l'A. n'a pas écrit ce livre uniquement en tant qu'historien: lui-même membre de la Congrégation de J. Cebula, il fut aussi son élève au temps de ses études secondaires et de son novice; il fut donc témoin direct de la vie de ce religieux. Un des intérêts de l'ouvrage est de fournir le texte des quelques écrits (à savoir 11 lettres et un souvenir de première messe) de J.C. qui ont échappé à la destruction, et bon nombre de témoignages de ses contemporains.
Le livre de Ch.A. (ancien directeur de l'agence de Diffusion de l'information sur l'Amérique Latine - DIAL) ne présente certes pas des martyrs au sens où ils auraient été officiellement béatifiés ou canonisés; mais il serait impossible de nier que les «héros» de l'ouvrage soient morts pour leur foi. Un livre «accablant». Non qu'il serait mal fait, mais bien par ce qu'il nous révèle. On connaît «le» fait principal: le 16 novembre 1989, six jésuites de l'Université de San Salvador et deux membres du personnel de leur communauté sont assassinés par un commando de l'armée nationale. D'autres, dont l'A. rappelle aussi le cheminement, les avaient précédés, notamment Rutilio Grande en 1977, et Mgr Romero en 1980. Apparaissent ici dans toute leur cruauté les circonstances qui ont présidé à la mort de ces personnes et au silence qui l'entoure dix ans après. Le processus fut certes complexe: à l'époque, le marxisme est au centre de bien des discussions et il s'avérait encore nécessaire d'en rappeler à temps et à contretemps toute la perversité. On oubliait sans doute un peu trop vite que ce marxisme était un enfant, illégitime sans doute, d'un père plus terrible encore. Même en tenant compte des circonstances, y compris - et elles sont d'un autre ordre, quoique connexes - les relations tendues entre le Saint-Siège et la Compagnie de Jésus, on est abasourdi devant la volonté délibérée de tuer et la complicité plus ou moins occulte ou non de chrétiens, y compris des responsables d'Église. On rencontre une barbarie identique à celle qui frappa le P. Cebula. Plus étonnante encore est la foi qui résista à cette barbarie. - B. Joassart, S.J.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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