De 40 à 45, il est prisonnier de guerre en Allemagne. En 45, il redevient professeur au Saulchoir rentré en France, mais le livre de Chenu exposant la méthode théologique du Saulchoir a été mis à l'index en 42 et Chenu, exclu de l'enseignement. Lui-même est suspect au Saint-Office. Malgré tout il publie «Vraie et fausse réforme de l'Église» et «Jalons pour une théologie du laïcat». En 54, il est à son tour exclu de l'enseignement avec 3 autres dominicains et exilé à Cambridge. Mais en 56, Mgr Wéber l'appelle à Strasbourg. Jean XXIII annonce le concile en 59 et nomme Congar dans la commission théologique préparatoire.
Durant le concile, Congar prend de plus en plus d'influence pour amorcer une réforme de l'Église sans rupture. Il collabore de près avec «l'équipe belge» bien organisée et efficace et intervient dans la composition des principaux documents du concile. Ses grandes intuitions sont acceptées et passent dans les textes. Il lance une collection de commentaires des textes conciliaires et collabore à la revue «Concilium». En 68, il redevient professeur au Saulchoir et, en 72, aux Facultés catholiques de Paris. Il écrit encore deux livres importants: «Je crois au Saint-Esprit» (79-80) et «Diversité et communion» (82). Impotent, il est hospitalisé en 84, devient Cardinal en 94 et meurt en 95.
La pensée de Congar se forma autour des années 30, période de transformations culturelles importantes, écrit A. Salucci: Déclin du rôle du sujet, émergence de nouvelles disciplines telles l'herméneutique, la psychologie, l'approche scientifique de l'histoire, le processus de construction de la culture, la théologie ouverte au dialogue avec la culture. V. Caprara explique en quoi consistait la nouveauté de l'École du Saulchoir. P. Giacobbi précise la contribution de Congar à la redécouverte du Saint-Esprit en Occident grâce aux théologiens russes de la diaspora, Berdiaeff et Lossky. Après que Lagrange eut introduit l'histoire en exégèse, Chenu et le Saulchoir l'introduisirent en théologie, écrit A. Cortesi. Dieu se révèle et sauve dans l'histoire. L'Église progresse dans l'intelligence de la foi et comprend aujourd'hui que l'oecuménisme est une nécessité pour elle. Congar étudie les réformes des structures historiques et sociologiques de l'Église au cours des siècles, déclare A. Simoni, et conclut que toute réforme doit se faire dans la charité et la communion avec l'ensemble, dans la patience, en tenant compte de la tradition. Jean XXIII a rendu confiance à l'Église parce qu'il a laissé les évêques s'exprimer librement au concile, ce que n'a pas su faire Paul VI. Congar parlait de «la grâce du concile» parce que celui-ci avait apporté deux faits décisifs, dit Gibellini: l'ecclésiologie du peuple de Dieu et l'oecuménisme, deux points que Congar a contribué à faire découvrir dès avant 60 au risque de se rendre suspect. L'Église doit sortir de sa constitution lourdement hiérarchique et cléricale pour pouvoir faire face au pluralisme des cultures et des religions. Jean-Paul II a reconnu que Congar «a été un don de Dieu à son Église». Ce prophète humble et courageux que fut Congar mérite d'être mieux connu de tous les théologiens et rendra confiance aux chrétiens qui aiment une Église toujours jeune et vivante. - B. Clarot sj