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« Ceci est mon corps ». Traversée de l’ecclésiologie eucharistique de Jean Zizioulas

Pascal Nègre
L’unité de l’Église est une unité de communion, et cette communion est eucharistique. Sur cette conviction des premiers siècles se déploie l’ecclésiologie de Jean Zizioulas. En contemplant l’événement de communion qu’est l’eucharistie, où la multitude qui a part au même pain est unifiée en un seul corps, le Métropolite trouve la clé de sa réflexion sur l’unité : aussi vrai que le corps du Christ, formé par l’Esprit Saint, ne peut être compris isolément, mais qu’il est toujours lié à la communauté de l’Église, de même l’un et le multiple sont mutuellement constitutifs dans la communion ecclésiale. Ceci est vrai au niveau de l’Église locale pour l’évêque (un) entouré de sa communauté (multiple), et cela est aussi nécessaire au niveau de l’Eglise universelle : dans la multiplicité des Églises locales, la figure d’un primat universel conditionne l’unité, la catholicité et l’identité du Corps du Christ.

L’ecclésiologie de communion est au plus profond d’elle-même une ecclésiologie eucharistique. Elle se situe ainsi très près de l’ecclésiologie eucharistique que des théologiens orthodoxes ont développée d’une manière convaincante au cours de notre siècle. Par elle, l’ecclésiologie devient plus concrète et reste néanmoins en même temps totalement spirituelle, transcendante et eschatologique1.

Disciple de G. Florovsky dont il fut l’étudiant dans les années 50, et de G. Koniris sous la direction de qui il soutint sa thèse de doctorat dix ans plus tard, Jean Zizioulas rencontra aussi les professeurs J. Meyendorff et A. Schmemann, tous deux formés par le Père Afanassieff, qui l’orienteront vers l’ecclésiologie des trois premiers siècles. Zizioulas s’inscrit ainsi dans l’immédiate lignée de l’ecclésiologie eucharistique de communion des « théologiens orthodoxes » désignés ci-dessus par le Cardinal Ratzinger. Il en partage l’élan et la nouveauté, de même que l’attention prioritaire aux Pères des premiers siècles. Au sein de cet héritage, toutefois, la réflexion qu’il déploie comme professeur est profondément originale et personnelle. Elle lui valut très tôt la confiance de la Grande Église de Constantinople, dont il fut consacré métropolite pour le siège de Pergame en 1986, de même qu’une grande audience dans les milieux œcuméniques internationaux2.

Le Père Congar désigne Zizioulas comme l’« un des théologiens les plus originaux et les plus profonds de notre époque ». Son originalité et sa profondeur viennent pour lui « d’une lecture pénétrante et cohérente des Pères grecs sur la réalité vivante qu’est l’Église »3. Or, il est assez marquant de percevoir que, quoique venant dans un contexte ecclésial différent et au sein d’une tout autre tradition théologique, les éléments de son ecclésiologie eucharistique se fondent sur des intuitions semblables à celles que l’Occident catholique a réaffirmées en relisant les Pères, et dont le Concile Vatican II formulera l’essentiel. « Il est significatif, écrit le Père Tillard, que d’une façon parallèle, sans s’être au départ influencées mutuellement, l’ecclésiologie orthodoxe et l’ecclésiologie de l’Occident catholique aient ainsi retrouvé la conviction des premiers siècles : l’Église est une communion, et cette communion est eucharistique »4.

Dans un contexte d’efforts redoublés pour travailler à l’unité des chrétiens, la pensée ecclésiologique de Jean Zizioulas représente donc une rare opportunité pour un lecteur occidental d’ouvrir un vrai dialogue avec la partie orientale de l’Église, et ce à partir de sources patristiques communes à l’Orient et à l’Occident. Peu traduit, étudié et connu dans le monde francophone, Zizioulas n’a toutefois pas proposé de synthèse globale de sa pensée ni de ses recherches, et il le regrette. Les premiers fondements de sa pensée sont contenus dans sa thèse sur l’unité de l’Église dans l’Eucharistie durant les trois premiers siècles5, publiée au milieu des années soixante, et qui fit date. S’y trouvent contenus, au moins en germe, les axes majeurs de son ecclésiologie eucharistique. Cependant, la réflexion de Zizioulas n’a pas cessé, depuis lors, de se déployer, de se compléter, voire de se modifier. On trouve ces prolongements dans de très nombreux articles, cours ou conférences, parfois rassemblés en volumes6. Ce ne serait pas rendre justice à l’ampleur et la précision de sa pensée que de s’arrêter à ses premières élaborations. Il convient aujourd’hui, à la lecture de ces nombreux textes, d’essayer de dégager les clés essentielles de sa pensée pour en comprendre l’originalité et l’articulation : l’importance de l’Esprit Saint, en particulier, qui assemble l’un et le multiple dans la constitution du corps ecclésial (I) ; la question de l’Église locale au sein de l’Église universelle et autour d’un unique évêque (II) ; et enfin l’interrogation fondamentale sur la primauté comme condition de la catholicité de l’Église (III).

I Le corps total du Christ formé par l’Esprit Saint

La première théologie concernant l’Église n’a pas été développée entant que spéculation sur l’idée ou sur le concept d’Église, mais elle est apparue à l’origine comme l’expérience d’un fait, d’une situation dans laquelle les chrétiens vivaient en permanence7.

En effet, on ne trouve pas de définition théorique de l’Église dans les sources les plus anciennes auxquelles nous ayons accès, à commencer par la Sainte Écriture elle-même. Il y est avant tout question de la description ou de l’évocation d’une réalité concrète dans l’espace, celle d’une réunion en un lieu déterminé et non pas des chrétiens en un sens général. Or, l’étude du corpus paulinien permet à Zizioulas de montrer d’emblée que cette réunion en un lieu déterminé n’était pas une réunion parmi d’autres, mais bien la synaxe eucharistique locale, expression dans le temps et l’espace, de l’Église de Dieu8. Célébration eucharistique et unique Église de Dieu sont alors clairement identifiées, et cela oriente immédiatement la conscience que l’Église avait de sa propre unité : la multitude (hoi polloi) peut s’unir en un seul corps dans l’Eucharistie, et ce corps n’est pas anonyme, c’est le corps du Christ lui-même, l’unique Seigneur. « La coupe de bénédiction que nous bénissons, n’est-elle pas communion au sang du Christ ? Le pain que nous rompons, n’est-il pas communion au corps du Christ ? Parce qu’il n’y a qu’un seul pain, à plusieurs nous ne sommes qu’un seul corps, car tous nous participons à ce pain unique » (1 Co 10,16-17). Pour Zizioulas, le rapport de la multitude à l’unique, tel qu’il est vécu dans l’expérience eucharistique de l’Église naissante est ainsi la base incontournable de la compréhension de l’Église dans le Nouveau Testament.

Tel est le point de départ de sa recherche qui entend interroger d’abord le vécu de l’Église et l’histoire de son unité, lorsqu’il rédige sa thèse au milieu des années soixante. Il n’a pas de peine à y mettre en évidence qu’une unique Eucharistie était célébrée dans chaque Église locale, autour de l’unique évêque, signe et manifestation de l’unique corps du Christ constitué. C’est sur cette base, témoignant de la conscience vive que l’Église avait de son unité dans l’Eucharistie, qu’il construira la suite de ses recherches et élaborations théologiques.

1 L’un et le multiple

« Au cours de ses travaux ultérieurs, écrit Zizioulas, tout l’effort de l’auteur a été de réaliser une synthèse correcte entre christologie et pneumatologie »9, pour comprendre comment et pourquoi le Christ assemble ainsi en son unité la multiplicité innombrable des hommes. L’Esprit de Dieu, en effet, avant d’être un envoyé du Christ, est d’abord, aux yeux de Zizioulas, celui qui fait que le Christ est ce qu’il est, c’est-à-dire Christos-oint. « Rien de plus anti-biblique, que de ne considérer l’Esprit qu’après que la figure du Christ a été accomplie »10. C’est sous l’ombre de l’Esprit, note Zizioulas, que le Christ est formé dans le sein de la Vierge (Lc 1,35), c’est de lui qu’il est oint à son Baptême (Mt 3,16 ; Lc 3,22), c’est par lui qu’il est poussé au désert (Mt 4,1), par lui qu’il s’offre sur la croix (He 9,14), par sa puissance qu’il ressuscite d’entre les morts (Rm 8,11). L’Esprit est constitutif de l’identité même du Christ. Or, deux caractéristiques bibliques essentielles de l’Esprit Saint sont les suivantes : il est d’une part le don des derniers jours, qui confronte donc l’histoire à sa fin ultime, à l’eschaton ; et il est d’autre part toujours associé à la notion de communion-koinonia11. D’où une conséquence ontologique immédiate pour le Christ lui-même : constituée par l’Esprit de communion qui ouvre toute réalité à la relation, son identité est tout entière conditionnée par le multiple. L’Esprit de Dieu n’est pas compatible avec l’individualisme, et puisqu’il naît de l’Esprit, le Christ ne peut être seulement compris comme individu, il est nécessairement un être relationnel. « L’un sans le multiple serait un individu qui ne serait pas touché par l’Esprit. Il ne peut pas être le Christ de notre foi »12. Et pour les mêmes raisons, le « milieu » relationnel du Christ est donc essentiellement eschatologique :

La personne du Christ est automatiquement liée (…) à une communauté. Cette communauté est la compagnie eschatologique des saints qui entourent le Christ dans le Royaume. L’Église est une partie de la définition du Christ. Le corps du Christ n’est pas d’abord le corps d’un Christ individuel puis une communauté de « plusieurs », il est simultanément les deux à la fois. Ainsi, on ne peut avoir le corps du Christ individuel (l’un) sans avoir simultanément la communauté de l’Église (le multiple)13.

L’un et le multiple sont en lui mutuellement constitutifs. Si bien que pour parler du Christ et de l’Église il faut recourir à l’idée de « personnalité corporative », peu familière à des esprits occidentaux, mais qui constitue véritablement l’un des concepts centraux de la pensée du Métropolite. L’Ancien Testament est riche de figures de ce type et Zizioulas est d’ailleurs loin d’être le premier à s’y pencher. Toutefois, lorsqu’il le fait, il apporte une nuance importante aux études réalisées précédemment sur la question14. Pour lui, en effet, la « personnalité corporative » n’est pas seulement une question de simple identification fonctionnelle, mais plus profondément d’identification ontologique entre l’un et le multiple. Il n’est pas seulement question d’un groupe qui, incluant ses membres passés, présents et futurs, fonctionne comme un individu unique grâce à la médiation de l’un de ses membres considéré comme représentatif. Plus que cela, la personnalité corporative « rend le passé présent et le futur présent dans le passé. Elle réalise une unité d’hommes, vraiment, ontologiquement présents en une personne »15. Et c’est en cela que les figures corporatives vétéro-testamentaires demeurent toujours en un sens inaccomplies aux yeux de Zizioulas. Toutes les personnes de l’Ancien Testament en effet, hormis Adam, se trouvent dans l’état de l’humanité après la chute, dans lequel « la communion n’est plus constitutive de l’être (…). C’est une existence fragmentée dans laquelle les êtres sont particuliers avant de pouvoir être en relation les uns avec les autres : on « est » d’abord, ensuite seulement on est en relation »16.

Or la personnalité corporative nécessite une relation constante entre l’un et le multiple dans leur existence personnelle. Quelqu’un qui est mort ne peut pas me constituer personnellement. C’est donc le Christ seul qui est garant pour Zizioulas de l’état de personnalité corporative. « Jésus Christ apporte à l’histoire la réalité même de la personne et en fait le fondement et “l’hypostase” de la personne pour tout homme »17. Je peux être une personne en relation au Christ parce qu’il est ressuscité, qu’il est vivant, et que son « moi » ne meurt pas car il est le « moi » incréé du Fils. La personnalité corporative requiert une présence personnelle actuelle, une constante présence l’une à l’autre des personnes concernées, un ancrage constant dans un « événement de communion » que Zizioulas décrit souvent comme la vie trinitaire elle-même.

Nous devons trouver la règle d’or, le bon équilibre entre l’un et le multiple, et ceci, je le crains, ne peut se faire sans plonger nos regards à l’intérieur même de la théologie trinitaire. Le Dieu en qui nous croyons est « un » en étant (by being) « plusieurs », et il est « plusieurs » en étant (by being) « un »18.

C’est bien sûr dans le contexte eucharistique que s’éclaire et se confirme l’identité du Christ comme personnalité corporative. Zizioulas souligne à cet égard deux traditions scripturaires importantes que nous pouvons nommer ici brièvement. La première est celle du Fils de l’Homme, titre que le Seigneur se donne à lui-même. Nous savons combien cette figure ne représentait pas seulement l’aspect glorieux du Christ à venir, mais aussi (et dès sa mention en Dn 7,13), son caractère corporatif : il est le rassemblement eschatologique des saints dans le Christ. Or, dans le quatrième Évangile, la relation entre le « Fils de l’homme » et l’Eucharistie est justement aussi comprise à la lumière de l’unique qui résume en lui la multitude.

Le quatrième Évangile décrit l’Eucharistie comme la manducation, non simplement de la chair du Christ, mais de la chair du Fils de l’Homme : « Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’Homme et ne buvez son sang, vous n’aurez pas la vie en vous (v. 53) ». Et c’est pour cette raison aussi que le Christ apparaît spécifiquement en tant que « Fils de l’Homme » quand lui-même explique qu’il incorpore la multitude : « Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui » (v. 56)19.

La seconde tradition importante évoquée par Jésus pour se définir lui-même et qui, comme celle du Fils de l’Homme, se rend accessible dans le contexte eucharistique, est celle du Serviteur de Dieu. La caractéristique principale de cette figure (Ebed YHWH) se trouve justement dans le fait de prendre sur lui les péchés de la multitude (cf. Is 40-55), à tel point qu’il s’identifie pleinement à elle : « ce sont nos souffrances qu’il portait et nos douleurs dont il était chargé (…). Par sa connaissance, le juste, mon serviteur, justifiera la multitude… » (Is 53,4.5.11). La figure du Serviteur fournit ainsi aux exégètes qui l’ont étudiée, l’un des ancrages principaux de la notion de personnalité corporative. Or, tous les récits de la dernière Cène usent précisément de cette terminologie : « Lorsqu’il explique la signification du repas, Notre Seigneur n’identifie pas seulement le pain et le vin à son corps et à son sang, mais il relie cette identification à une autre notion : c’est “pour” ou “à la place de” une “multitude” ou “vous” qu’il s’offre lui-même (Mt 26,28 ; Mc 14,24 ; Lc 22,20 ; 1 Co 11,25) »20. Ces deux traditions, convoquées par le Christ dans un contexte eucharistique partagent donc la même conviction fondamentale : dans l’Eucharistie la multitude devient une, un seul prend sur lui ou en lui la multitude.

2 Le temps et l’éternité

Dans la célébration eucharistique, l’expression « corps du Christ » signifie simultanément le corps de Jésus et le corps de l’Église, il s’agit alors du corps du Christ ressuscité, du Christ eschatologique, et donc de toute la communauté eschatologique. La personnalité corporative qu’est l’Église, fondée dans l’Eucharistie est donc aussi une réalité eschatologique. Jetée dans un monde avec lequel elle ne peut être qu’en tension, l’Église a donc ses racines en avant d’elle : « Bien souvent [l’Église] est tentée elle-même, que ce soit pour survivre ou pour accomplir sa mission, de s’adapter tellement au monde qu’elle en oublie que sa vraie citoyenneté est dans les cieux, et que son identité ne vient pas de l’histoire mais des eschata : elle est ce qu’elle sera ».

L’Église est ainsi une icône du Royaume à venir. En disant icône, Zizioulas n’entend pas, comme on en a facilement l’idée, une ombre, une image platonicienne vide de réalité. La nature iconique de l’Église n’implique pas un manque de réalité, mais une réalité qui ne peut être comprise comme autonome. Deux caractéristiques en sont les suivantes : celle d’être image de quelque chose d’autre qui la transcende, et en même temps d’être suffisamment transparente pour que les réalités eschatologiques se reflètent en elle. C’est donc évidemment dans le culte, et en particulier dans l’Eucharistie21, que cette transcendance et cette transparence sont expérimentées de la manière la plus excellente.« L’Eucharistie est le moment de la vie de l’Église où l’anticipation des eschata a lieu. (…) Dans l’Eucharistie, l’Église devient le reflet de la communauté eschatologique du Christ, le Messie, une image aussi de la vie trinitaire de Dieu »22. Et cela ne signifie en aucun cas que l’Église évolue hors du temps. Si Zizioulas place résolument le Royaume dans le futur, c’est au contraire pour souligner combien il rassemble et assume en lui l’entièreté du projet historique de Dieu : « la vision eucharistique du Royaume ne laisse pas l’histoire derrière elle, elle l’intègre »23. En d’autres termes, l’Eucharistie ne nous extrait pas du temps en méprisant l’histoire, mais nous mène, dans le temps, jusqu’à sa consommation. Et cela est possible car l’Esprit Saint qui rend le Royaume présent n’est pas celui qui dévoile seulement « les choses à venir » (Jn 16,13), mais qui fait aussi mémoire pour l’Église de tout ce que le Christ a fait et dit.

Toutefois, de manière équivalente et pour les mêmes raisons, il doit être clair que ce qui est dès lors assumé et rappelé par l’Église dans l’Eucharistie n’est pas seulement l’œuvre passée du Christ, mais bien aussi cette œuvre menée à son accomplissement dans les « choses à venir ». L’anamnèse de l’Église est dans l’Eucharistie ce qu’une conscience historique ne peut qu’à grand peine appréhender : une paradoxale mémoire du futur : « Comprendre ainsi l’anamnèse fait de l’Eucharistie non seulement une re-présentation du sacrifice et de la résurrection du Christ, mais aussi un avant-goût du Royaume à venir »24.

À vrai dire, l’attention que Zizioulas porte au temps comme création de Dieu est décisive pour bien comprendre son propos. Comme c’est le cas pour l’entièreté de la Création dans laquelle le péché originel a brisé la communion et qu’il a fragmentée en objets, le temps aussi a été fragmenté. Il demeure lui aussi en attente de rédemption. Or, en rendant présente par avance dans le temps la totalité de l’Économie, l’Église vient déjà régénérer le temps fragmenté en « remplissant » ses fissures. Elle en fait « un temps qui ne va pas du plus précoce au plus tardif, de l’ancien au nouveau, et qui ne passe par l’intermédiaire de rien d’autre que celui du Royaume à venir »25. Pour Zizioulas, il n’y a que le Royaume futur qui puisse donner sa continuité au temps. En ce sens, rien du Christ ne peut être possédé et « transmis » d’un fragment temporel à l’autre, tout ne peut être que reçu chaque fois de nouveau dans le présent, et depuis le futur. On comprend dès lors l’importance décisive de l’Eucharistie dans la vie et la constitution de l’Église, puisqu’elle est le lieu et l’événement où le temps et l’histoire sont sauvés, « renouvelés » par le futur du Royaume.

La vision de Zizioulas implique que l’activité divine soit l’unique cause de l’existence de l’Église dans l’histoire. Il faut que l’Esprit y soit sans cesse à l’œuvre. L’existence de l’Église, son identité et son agir, sont, comme pour le Christ, étroitement liés à l’Esprit, ils sont essentiellement épiclétiques. De même que les Apôtres reçurent l’Esprit du Christ et durent pourtant l’invoquer de nouveau sur les sept26, de même, l’Église aussi l’invoque chaque fois de nouveau à chaque Eucharistie. « La pneumatologie et l’eschatologie, en conditionnant la christologie et l’histoire [et donc l’ecclésiologie], libèrent Dieu de l’histoire. Le futur décide de l’histoire, et le futur demeure dans la liberté de Dieu »27. C’est donc un jeu de libertés que Zizioulas oppose à la causalité historique : liberté de l’évêque et du peuple qui expriment dans l’Eucharistie leur désir d’être le Christ, et liberté de Dieu comblant ce désir par l’envoi de l’Esprit qui forme le Christ-corporatif dans un événement de communion. « L’Esprit n’est pas enfermé dans une Heilsgeschichte linéaire ; il est le Seigneur et, comme tel, il transcende l’histoire linéaire et transforme la continuité historique en présence »28.

II La communion des membres dans l’unité du corps

Si donc l’Eucharistie de l’Église rend présent le Royaume tel qu’il sera, si dans l’Eucharistie l’Église devient reflet de la communauté eschatologique du Christ avec les saints, alors chacun des membres de cette Église a une place et un rôle à jouer dans cette manifestation du Royaume. La place que chacun tient au cœur de la synaxe n’est pas arbitraire, interchangeable ou facultative : puisque chacun a un rôle éternel dans le dessein de Dieu, puisque chacun a un futur dans le Royaume de Dieu, chacun a une place propre à tenir dans la célébration de l’Eucharistie, etdonc dans la structure de l’Église, qui manifestent ce futur.

1 L’évêque dans l’Église locale

Zizioulas, en lisant Paul et Ignace, éclairé aussi par la vision « liturgique » de l’Apocalypse, identifie donc les différents ordres dans l’Église des premiers siècles. L’évêque est celui qui, derrière l’autel, un parmi la multitude, se tient à la place du Christ comme tête du corps ; en face de lui, essentiels à l’accomplissement de la personnalité corporative, se tiennent les laïcs qui répondent librement Amen et scellent de la sorte l’offrande eucharistique qu’ils confirment ; les diacres assurent par leur ministère aux côtés de l’évêque la relation du mystère de l’Église à toute la création : dans un double mouvement, ils offrent les biens du monde à l’évêque pour qu’ils deviennent Eucharistie, puis ils offrent l’Eucharistie au monde comme communion à la vie de Dieu ; les presbytres enfin se tiennent autour du trône et de l’autel comme les Apôtres autour du Christ et comme les anciens de l’Apocalypse qui guident la louange céleste autour de l’Agneau. Conseil de l’évêque, ils prennent part au jugement qu’opère l’Eucharistie en vue de conformer le monde et l’Église au Royaume.

De telle sorte que « le rôle et la signification de l’évêque représentent la conséquence immédiate et fondamentale du caractère ecclésiologique de la synaxe eucharistique »29. Aucune Eucharistie n’était concevable sans évêque, de même qu’aucun évêque n’eût été concevable sans son rôle de présidence de l’Eucharistie, dont il recevait seul la charge, au nom de tous par sa prière de chirotonie. Et puisque l’Eucharistie est l’antitype véritable du culte céleste, l’évêque siégeait véritablement sur la terre à la place de Dieu. « Il était le seul à offrir l’Eucharistie au nom de l’Église, élevant ainsi jusqu’au trône de Dieu le corps total du Christ »30. Si bien que le principe fondateur que Cyprien exprima dans les premiers siècles : « là où se trouve l’évêque ; làest l’Église », vient avant tout de cette conception eucharistiqueforte de l’épiscopat : « Dès lors que l’Église était le corps du Christ, et puisque la synaxe eucharistique était ce corps, la tête de cette synaxe devenait automatiquement la tête visible de l’Église en ce lieu »31.

Bien sûr, des conséquences visibles découlent de ce lien initial très étroit de l’évêque à l’Eucharistie. D’abord, puisqu’il n’y a qu’une Eucharistie, il ne peut y avoir qu’un seul évêque dans chaque Église. Multiplier les évêques en un même lieu signifierait multiplier les Eucharisties, et par conséquent manifester plus que l’unique Église en ce lieu. Ce ne fut jamais le cas à l’origine. En outre, et c’est une seconde conséquence qui lui est liée, il en découla rapidement, dans les premiers siècles, la nécessité de définir des limites géographiques à chaque Église. C’est donc un principe ecclésiologique et non pas une ordonnance canonique abstraite, qui se trouve au fondement du fait que chaque évêque soit depuis l’origine inséparablement lié à un espace géographique, à un lieu, à une terre. « Un évêque qui ne constituerait pas le centre d’unité d’une Église déterminée, ou encore un évêque qui dépendrait d’un autre évêque, serait un évêque incomplet »32. Pour les mêmes motifs enfin, Zizioulas justifie de manière ecclésiologique et eucharistique une troisième conséquence : le principe d’égalité absolue de tous les évêques. À la tête d’une synaxe eucharistique, l’évêque, quel qu’il soit, conduit une Église complète, catholique, l’Église de Dieu, corps du Christ en ce lieu.

Pour préciser encore la nature de l’unité qui se réalise ainsi autour de l’évêque, il est possible au point où nous en sommes de resituer trois « événements de communion » que Zizioulas désigne et met en parallèle comme autant d’icônes successives qui « découlent » en quelque sorte l’une de l’autre, qui s’éclairent mutuellement et se rejoignent toutes dans l’événement central qu’est l’Eucharistie.

1. Avant tout, l’unique Père, entouré du Fils et de l’Esprit, constitue avec eux, par leur être de communion, la clé de compréhension de « l’être corporatif » : un et pourtant multiples, ils sont le premier « événement de communion ». Leur être même est relation. Il n’y a pas de priorité du Dieu un sur le Dieu trine :en Dieu, le multiple est constitutif de l’unité.

2. Icône de cet être trinitaire, l’unique Christ entouré de la multitude des saints qui sont l’Église, son corps, constitue également avec elle une seule et même personnalité corporative. Formé par l’Esprit Saint qui est Esprit de communion, le Christ ne peut pas être défini sans l’Église, ni l’Église sans le Christ. La multitude est constitutive de son identité comme de son unité personnelle, tout autant que son unicité garantit, au sein de la multitude, l’unité du corps et sa communion. Le Christ, Oint, est simultanément un et multiple, de la même manière qu’il ne peut y avoir de tête sans corps ou de corps sans tête.

3. Or il en va de même pour l’évêque au sein de son Église locale. Ils forment en quelque sorte un troisième « événement de communion » à mettre en étroite relation aux deux précédents, pour « remonter » jusqu’à la contemplation de la Trinité même. Au sein de la Trinité, le Père n’est pas supérieur aux deux autres personnes, tout en restant l’un de cette « multitude ». Il est en relation avec le Fils et l’Esprit. Il est relation. Il les constitue et ils le constituent. De manière très similaire, on peut dire de l’évêque qu’il n’est pas au dessus ni en dehors de la multitude de l’Église qui lui est confiée, il est au cœur de cette multitude. Il en est partie intégrante. L’un et l’autre, l’évêque et l’Église, sont mutuellement constitutifs. À cet égard il n’est d’ailleurs pas anecdotique pour Zizioulas que le nom de l’Église locale pour laquelle est ordonnée un évêque soit clairement mentionné en Orient dans sa prière de consécration. Celle-ci devient en quelque sorte partie intégrante de son ontologie, de son identité. Il devient évêque dans et avec son Église.

Si la communion des membres de l’Église autour de leur évêque est ainsi pensée sur le modèle même de la communion trinitaire où la relation définit l’être, c’est que tout dans l’Église trouve son modèle en Dieu. Zizioulas cherchera toujours à reconnaître, même dans les éléments institutionnels, un reflet de l’être divin. Quand et comment ce « modèle » existant en Dieu est-il donc communiqué à l’Église ? Il l’est par l’Esprit saint, l’Esprit de communion, dans l’Eucharistie, où les trois « événements de communion » évoqués se rejoignent et se touchent et où la Trinité communique son être de communion au monde.

2 L’Église locale dans l’Église universelle

Une première question découle naturellement du rapport fondateur entre l’Eucharistie et l’Église, ainsi que du rôle central qui y a été reconnu à l’évêque. Prenant en compte la révolution que l’apparition des paroisses a dû constituer, elle se pose ainsi : « si l’unique Eucharistie célébrée par l’évêque représente bien la manifestation du corps entier du Christ en un lieu donné, comment faut-il comprendre la multiplicité des synaxes paroissiales célébrées sous un même évêque ? N’introduisent-elles pas une multiplication des Églises dans la même Église », provoquant ainsi un éclatement de l’unité du corps ?33 Or, l’étude de Zizioulas atteste que durant les trois premiers siècles l’Église a bien su garder vive la conscience que son unité se manifestait dans l’unique Eucharistie épiscopale. Les paroisses, commençant déjà à apparaître alors, étaient comprises non comme des unités eucharistiques indépendantes, mais bien comme des rameaux de l’unique Eucharistie de l’évêque, ce que vient confirmer entre autres la pratique du Fermentum34. En d’autres termes, l’unique Eucharistie de l’unique évêque ne fut pas fragmentée ou démultipliée, mais ce qui s’opéra alors fut comme « une répartition dans l’espace du synthronon des Presbytres », dans l’unique but de répondre à des besoins importants ou à l’absence des évêques en proie à la persécution.

Il est d’ailleurs caractéristique, écrit Zizioulas, que le presbytre ne siégeait dans aucune des paroisses sur le trône eucharistique (…) comme s’il avait été détaché localement de l’unique temple cathédral, cependant que le trône de l’évêque restait bien le centre unique de l’Eucharistie célébrée dans chaque Église35.

Un second écueil possible se dégage rapidement au sujet de l’unité eucharistique de l’Église autour de l’évêque. On pourrait le formuler ainsi : « si chaque Église et si chaque évêque sont en effet considérés par l’Église ancienne, non pas comme des parties d’un ensemble mais comme cet ensemble même, cela ne voudrait-il pas dire que nous aurions dans le monde non pas une Église unique mais plusieurs », au risque d’isoler et d’enfermer chaque Église locale sur elle-même36 ? L’étude des sources historiques que Zizioulas a choisies pour guider sa recherche répond, dit-il, par elle-même à ce problème : la question d’un choix alternatif entre Église locale et universelle est la question d’un homme de nos jours, elle ne s’est jamais réellement posée en ces termes au cours des premiers siècles. Certes, chaque Église était toute l’Église, le corps plénier du Christ, et pourtant toutes ne formaient ensemble qu’une Église unique, répandue dans le monde.

Comprenons bien : il ne peut y avoir qu’un corps, puisqu’il n’y a qu’une tête. Or, parallèlement, puisque la réalité de ce corps du Christ était non pas abstraite, mais manifestée dans l’espace et le temps au cœur de la synaxe eucharistique, il n’y avait pas lieu de rechercher ce « corps » ailleurs ou plus loin : « ce que chaque communauté eucharistique était appelée à révéler n’était pas une partie du Christ mais le Christ total, non une unité partielle ou locale, mais la pleine unité eschatologique de tous dans le Christ »37. Et dans ce contexte eucharistique, poser la question de l’Église universelle face à l’Église locale aurait déjà représenté pour la conscience de l’Église des premiers siècles, telle que Zizioulas la comprend, une mise à mal de l’unité du Corps mystique.

De même qu’une Eucharistie qui ne transcenderait pas les divisions survenant dans une localité donnée serait une fausse Eucharistie, de même une Eucharistie qui aurait lieu dans l’isolement conscient et intentionnel et la séparation d’avec les autres communautés locales dans le monde, ne serait pas une véritable Eucharistie. Il s’ensuit que, pour qu’une Église locale ne soit pas seulement locale mais aussi Église, elle doit être en communion plénière avec le reste des Églises locales dans le monde38.

Il n’y a pas deux sortes d’Églises, locale et universelle, mais bien une seule Église, comme il n’y a qu’un seul Christ. L’Église est simultanément locale et universelle39. La nature même de l’Eucharistie réclame cette simultanéité40. On ne peut être l’Église seul, la catholicité se possède « en commun ». Voilà d’ailleurs la raison pour laquelle le terme katholikè ekklesia dans les sources patristiques anciennes indique à la fois l’Église locale et l’Église universelle. En ecclésiologie, la localité et l’universalité sont interdépendantes, tout comme l’un et le multiple sont interdépendants dans le mystère du Christ ou celui de la Trinité.

Parce qu’elle s’identifie au Christ unique et entier, chaque Église catholique, en communion avec les autres Églises qui lui sont semblables, n’est pas la partie d’un tout, mais ne peut pas non plus prétendre qu’il lui serait possible de vivre séparée des autres ; sa totalité ne représente pas son bien propre et exclusif. C’est le même Christ qui, immuablement le même, vit et s’incarne aussi dans les autres Églises41.

C’est dans l’institution synodale, vite renforcée par les Conciles locaux et œcuméniques, que s’exprima très tôt cette communion des Églises entre elles : « Tout comme au niveau anthropologique l’Esprit ne crée pas des individus, mais des personnes en communion, de la même manière en ecclésiologie, aucun isolement individualiste d’une communauté locale n’est concevable dans l’Esprit. Cela apparaît de deux manières dans la structure de l’Église : une communion dans le temps, par la succession apostolique, et une communion dans l’espace, par la synodalité »42. Zizioulas comprend la synodalité essentiellement dans le contexte eucharistique et c’est pour cela qu’il la définit comme garante et protectrice de la catholicité de chaque Église locale. En effet, s’il n’est pas question en Orient qu’un synode intervienne dans les questions relatives à la vie interne d’une Église locale en raison de sa catholicité, certains éléments de la vie de l’Église ne peuvent toutefois pas être confinés aux seules limites locales. Les évêques des premiers siècles s’en sont rapidement rendu compte. Ce fut en particulier le cas de l’admission à la communion eucharistique, d’où émergèrent les premiers synodes : « la conciliarité est apparue en raison de la conscience que l’Église avait que la communion eucharistique au sein d’une certaine communauté était une question concernant en fait toutes les communautés du monde »43. La fonction du synode est alors de garantir la communion des Églises catholiques entre elles, en intervenant uniquement là où surviennent des questions communes ayant des conséquences communes44.

III L’unique tête du corps entier

1 Faut-il une primauté universelle ?

L’exercice de la synodalité de même que la conscience d’une nécessaire « union commune » des Églises entre elles, ont engendré très tôt entre les évêques un lien de très profonde communion et d’unité mutuelle. La conception de la collégialité que Zizioulas évoque est d’abord très centrée sur l’absolue égalité des évêques entre eux, dans la communion qu’ils forment. À la lumière de son étude des premiers siècles, en effet, il ne peut être question pour lui de comprendre la collégialité des évêques du monde comme une sorte de collège « anti-type » du collège des Douze : un ensemble de parties qui se complèteraient avec à leur tête l’évêque de Rome qui prend la place de Pierre comme porte-parole de l’épiscopat. Il ne semble pas que l’Église ancienne ait pensé ainsi, ni qu’elle ait établi une telle correspondance entre le collège des Douze et celui des évêques. Au contraire, le point important qui se dégage à ce sujet de la thèse de Zizioulas est justement l’inverse : le collège des Douze constitue, avec la chaire de Pierre — qui, au milieu d’eux, avait prééminence —, le fondement de chacun des sièges épiscopaux. Chaque évêque, en d’autres termes, est successeur de l’ensemble du collège apostolique, de tous les Apôtres, et donc aussi de Pierre. Tous coïncident dans leur identité, ce qui donne à la réalité collégiale une force indiscutable :

Chacun des évêques siégeait sur la chaire de Pierre, et son Église était considérée comme pleinement apostolique et posée sur le fondement de tous les Apôtres. C’est pour cela que l’on ne peut admettre que l’un quelconque de ces évêques puisse posséder le sacerdoce, ou bien quelconques juridictions ecclésiologiquement confirmées, d’une manière plus complète que n’importe quel autre évêque. On croyait [dans l’Église primitive, que tous] constituaient une unité organique, fondée sur leur totale identité réciproque, et sur l’unique corps du Christ45.

Or, Zizioulas ne restera pas à cette tension initiale de sa première étude. Il ne peut faire l’économie de la question clé de la primauté qu’il traite dans les années qui suivent et au cours desquelles sa réflexion se précise et s’affine. L’éclairage essentiel est donné sur cette question grâce à sa réflexion sur l’un et le multiple et sur le concept de « personnalité corporative ». En effet, tout ce qui a été dit de la synodalité et de l’égalité de tous les évêques entre eux rappelle à bien des égards les relations à l’intérieur d’une « personnalité corporative » : tous sont égaux, mais tous sont aussi impliqués dans ce qui advient à chaque membre particulier, tous sont d’une certaine manière mutuellement constitutifs. Or, une « personnalité corporative » exige la présence de l’un, stable et spécifique en son sein, constitué lui-même par la multitude qui l’entoure, et donnant aussi à la multitude son identité. Selon ce qu’accomplit l’Esprit Saint, l’un et le multiple sont mutuellement constitutifs, dans le Christ comme dans l’Église, et ils s’appellent l’un l’autre. De telle sorte que se dégage progressivement dans la pensée de Zizioulas la nécessité d’un primat de l’Église universelle, un parmi la multitude, garant de l’unité de tous, et sans lequel l’Église, perdant son unité, perdrait aussi son identité.

Sur ce point délicat de la primauté, Zizioulas est rapidement devenu l’une des figures de proue du dialogue œcuménique entre Catholiques et Orthodoxes, participant à la plupart des groupes de réflexions et des congrès sur la question46. « Le problème le plus important, écrit-il, et en même temps le plus difficile dans les relations de l’Église catholique romaine et de l’Église orthodoxe est sans aucun doute celui de la primauté pontificale »47.

2 La primauté, condition de la catholicité

Le raisonnement est simple pour Zizioulas, et il est incontournable. La primauté existe déjà à l’intérieur de chaque Église locale. Ceci est admis et a été longuement réfléchi lorsqu’il a été question de l’évêque au sein de sa communauté. Il est en sa personne garant de l’unité et de la catholicité de son Église. Tête du collège des prêtres et tête de la synaxe eucharistique qu’il préside, il est unique car le Christ qu’il représente au sein de l’Église locale est l’unique tête de l’Église en qui le corps ecclésial est unifié. Ce primat est constitutif de son Église et, toujours en raison de sa nature eucharistique, il ne reçoit pas non plus d’identité ni de fonction hors de sa communauté ou de la synaxe qui l’entoure. La multitude ne peut être Église sans l’un, mais l’un ne peut pas non plus être primat sans la multitude.

Or, cela est également vrai au niveau régional, comme en témoigne le développement simultané du système métropolitain et du système synodal. Ceci est un point fondamental dans l’articulation de la réflexion de Zizioulas sur la primauté. L’évêque de la capitale d’une région devenait en effet automatiquement primat du synode régional. De manière similaire donc (quoique non parfaitement équivalente) à chaque évêque dans son diocèse, cet évêque métropolitain était donc reconnu comme protos et kephalè de cette zone, y exerçant une réelle primauté qui ne pouvait toutefois pas se passer dans ses décisions du reste des évêques qui l’entouraient et dont la présence conditionnait même sa primauté. Datant probablement du 4e siècle, le canon 34 des « Canons Apostoliques » en est une expression très claire :

Il faut que les évêques de chaque nation/région (ethnos) sachent lequel d’entre eux est le premier (protos), qu’ils le considèrent comme leur chef (kephalè) et ne fassent rien d’important sans son accord ; chacun ne s’occupera que de ce qui concerne son district et les territoires qui en dépendent ; mais que le chef ne fasse rien non plus sans l’accord de tous ; ainsi la concorde règnera et Dieu sera-t-il glorifié, par le Christ dans l’Esprit Saint48.

Zizioulas, qui s’appuie sur cette règle inter-régionale pour réfléchir à une primauté universelle, invite à voir dans ce canon une « règle d’or » pour la théologie de la primauté. En effet, le texte des canons précise à nouveau, à l’image du rôle de l’évêque dans son Église locale, que le rôle du primat, attaché à une personne particulière, ne trouve sa raison d’être que dans l’institution synodale dont il fait partie. Il ne peut pas en être isolé, de même que tous les autres ne peuvent pas fonctionner sans lui. L’un et les autres ne peuvent être, là aussi, que mutuellement constitutifs. Dans ce cas, comme en christologie, la multiplicité n’est pas soumise à l’unité, elle est constitutive de l’unité. « La primauté, comme toute chose dans l’Église, ainsi que dans l’être du Dieu-Trinité, est relationnelle. Il n’y a pas de ministère individuel, compris ou fonctionnant hors de la réalité de la communion »49. Ainsi, si ce canon 34 souligne la nécessité d’un protos comme condition sine qua non de l’institution synodale, il indique aussi la nécessité de l’institution synodale pour l’exercice de la primauté.

Si donc cette réalité théologique de l’un et du multiple s’applique au Christ, et donc à chaque Église catholique locale dans laquelle le Christ est pleinement manifesté, il faut aussi qu’elle s’applique à l’unique Église catholique universelle, dans laquelle chacune de ces Églises locales s’unissent. « La communion des Églises locales n’exclut pas mais nécessite la primauté, et une primauté qui ne soit pas une simple primauté d’honneur »50. Ce qui est en jeu, on le comprend bien, puisqu’il s’agit du même rapport que dans une personnalité corporative, ce n’est pas seulement l’organisation de l’Église, mais c’est l’identité même de la multitude des Églises qui risque de se perdre si elle n’est pas conditionnée par le ministère de l’un, du primat. « Une ecclésiologie de communion, une ecclésiologie qui donne à chaque membre de la multitude le droit d’être lui-même, risque d’être pneumatomoniste si elle n’est pas conditionnée par le ministère de l’un. (…) La “multitude” a toujours besoin de l’“un” pour exprimer ce qu’elle est »51.

Le fait que tous les synodes ont un primat et que ce leur est une nécessité ecclésiologique signifie que les synodes œcuméniques doivent aussi avoir un primus. Cela implique automatiquement une primauté universelle. La logique même de la synodalité mène à la primauté, et la logique du concile œcuménique mène à la primauté universelle52.

3 Quelle primauté ?

Si donc elle n’est fondée ni par des événements historiques, ni par des critères culturels, mais d’abord par une compréhension théologique de la communion, vers quel type de primauté faut-il concrètement avancer ?

Zizioulas écarte résolument la perspective d’un évêque de Rome primat de l’occident dans le sens traditionnel de la Pentarchie, en raison de son absence de fondements théologiques, de l’instabilité qu’elle engendre et du risque de division qu’elle induit. Encore en pleine réflexion sur le sujet, il envisage et espère une primauté comprise au cœur même de la koinonia des Églises, c’est-à-dire sur le modèle de l’évêque qui, un parmi son peuple, assure pourtant un ministère unique et irremplaçable. Puisqu’elle est un ministère de communion, nécessaire à la multitude mais à la fois conditionnée par elle, la primauté doit être relationnelle, en dialogue maintenu avec la synodalité.

Cela implique diverses conséquences : il ne peut s’agir d’une notion légaliste impliquant qu’un individu soit investi d’un pouvoir particulier, mais bien d’une diaconie, d’un ministère au sens strict. En outre, ce ministère doit pouvoir rejoindre et toucher chacun des membres de l’Église universelle rendus présents dans les évêques qui constituent le synode. Pour cette raison, le primat ne peut pas être un individu isolé, il doit être lui-même à la tête d’une Église locale pleinement catholique, partie intégrante de la réalité conciliaire. Les évêques rendent présents en eux l’ensemble des membres de leur Église, et la primauté est la primauté d’un siège épiscopal, non d’un individu. « Dans une ecclésiologie de communion, nous n’avons pas une communion d’individus, mais une communion d’Églises »53. Pour des raisons semblables, c’est donc dans un contexte synodal, au niveau régional et universel, que la primauté devrait s’exercer, afin que puisse être respecté ce que le Canon 34 évoquait : que le primat agisse toujours avec les évêques, tandis que les évêques agissent toujours avec leur primat.

La primauté pose donc aussi pour Zizioulas une question claire de juridiction. L’interférence avec les affaires internes d’une Église locale signifierait nier sa catholicité, ou du moins la minimiser, ce qui ne doit pas arriver : « c’est une partie de ce que nous signifions lorsque nous disons, avec le Concile Vatican II, que chaque Église particulière est une Église plénière »54. Or le parallèle entre les deux personnalités corporatives que sont l’Église locale autour de son évêque et l’Église universelle autour de son primat est éclairant à cet égard : de la même manière que dans la configuration un/multiple qui s’effectue au sein de l’Église locale l’évêque est celui qui donne l’Esprit à sa communauté et qui dans le même temps le reçoit, lui aussi, avec eux, de même l’on peut dire que la juridiction est un fruit de l’ordination épiscopale que le Pape reçoit au même titre que les autres évêques, mais en même temps affirme que c’est de lui que ces derniers reçoivent leur juridiction propre. L’un garantit et unifie le multiple, tout en étant aussi un parmi le multiple. Si bien qu’une manière réelle d’exercer la juridiction est tout de même justifiable pour le primat universel tel que Zizioulas le pense. On se gardera seulement toujours de comprendre le Pape parmi les autres évêques comme Pierre parmi les autres apôtres. Il est Pierre au sein de son Église locale, constituant la multitude des autres évêques, les affermissant en les rendant capables d’être eux-mêmes Pierre dans leurs communautés respectives, chacun entouré de son Presbyterium comme du collège apostolique.

Enfin, le lien de la primauté universelle à l’Eucharistie est fondamental aussi, puisqu’il s’agit en tout point d’un ministère de communion et d’unité. En s’inspirant de l’intuition de J.J. von Allmen55, Zizioulas note volontiers que Luc a situé précisément dans le cadre de l’institution de l’Eucharistie la parole de Jésus à Pierre sur la tâche qu’il lui confie d’« affermir ses frères » (Lc 22,31). Si donc le ministère de Pierre sert l’Eucharistie et que l’Eucharistie doit se perpétuer, alors le ministère de Pierre, lui aussi, doit se perpétuer. Ce service de l’Eucharistie confié au primat peut être compris de bien des manières et a de nombreuses implications. Certainement s’agit-il de sa part d’une vigilance attentive et universelle à la manière dont est célébrée l’Eucharistie et à celle dont les membres de l’Église y ont part. Mais plus encore que cela, nous avons vu combien l’Eucharistie transcendait l’opposition local/universel par le fait même que dans chaque célébration les dons qui sont offerts le sont au nom de l’Église « une, sainte, catholique et apostolique » présente dans le monde entier. Cela signifie donc que chaque membre d’une assemblée eucharistique locale est par le fait même membre de toutes les communautés eucharistiques.

De la même manière que les nombreux membres individuels d’une Église locale doivent être unis dans et par le ministère de l’un(l’évêque, représentant le Christ), ainsi les nombreuses Églises locales doivent être unies en une, pour que leur Eucharistie soit proprement ecclésiologique. L’unité ecclésiale au niveau universel est essentielle pour l’Eucharistie56.

Si donc le primat est, en sa personne, au sein du système synodal, le garant nécessaire de l’unité ecclésiale au niveau universel, alors il est lui-même essentiel pour l’Eucharistie de toutes les Églises. À tel point que Zizioulas n’a pas peur d’affirmer qu’« un primat universel exerçant ainsi sa primauté n’est pas seulement “utile” à l’Église, il est une nécessité ecclésiologique dans une Église unifiée »57.

En somme, voici ce qu’il faut bien comprendre à ce sujet : dans la vision que Zizioulas a de l’Eucharistie, l’une des clés est le caractère iconique de l’Église terrestre rassemblée localement autour de l’unique évêque et donc, universellement, autour de l’unique primat. Elle est à chaque Eucharistie conformée sans cesse mieux à ce qu’elle sera, c’est-à-dire au Christ total entouré de tous les saints : l’Église eschatologique. Dans chaque Eucharistie, la rencontre n’est pas tant celle du Christ et de l’Église, mais celle du Christ entouré des Saints, avec l’Église terrestre autour de son évêque. Deux événements de communion se touchent, l’un donnant sa forme à l’autre. C’est donc parce que l’Église universelle vit de ce qu’elle sera et que chaque Eucharistie manifeste (la multitude des saints unie dans l’unique Christ), qu’il faut bien un primat universel qui sur terre soit l’icône de cet unique Christ qui est la seule tête de l’Église. « Il est la tête du corps, la tête de l’Église (…) afin qu’il ait en tout la primauté » (Col 1,18).

Conclusion

Parce qu’elle est eucharistique, l’ecclésiologie de Zizioulas est christologique. Elle est une contemplation du corps du Christ. Et la christologie ne saurait être envisagée, pour lui, sans la pneumatologie, c’est-à-dire sans l’œuvre de rassemblement et de communion qu’opère l’Esprit de Dieu. À négliger le rôle central et d’une certaine manière « conditionnant » de l’Esprit Saint dans la formation du Corps du Christ, on risque, lui semble-t-il, de tomber dans un christomonisme réduisant le Christ à un individu isolé, alors qu’il ne peut être qu’une personnalité de communion, une personnalité corporative, en qui tous sont un. Dans la synaxe eucharistique, en effet, les dons sacrés et le peuple saint sont constitués « Corps du Christ » par l’Esprit que l’on invoque respectivement sur chacun d’eux, dans la double épiclèse. La multitude y devient, dans le Christ, un seul corps. Dans l’Eucharistie, la communauté locale est faite corps du Christ et simultanément Temple de l’Esprit, c’est-à-dire communion.

Parce qu’elle est eucharistique, l’ecclésiologie de Zizioulas est aussi eschatologique. La vision et l’expérience eucharistique sont en effet marquées, en raison même de l’œuvre de l’Esprit, par la plénitude eschatologique rendue présente, depuis le futur, dans l’histoire. Dans l’Eucharistie, c’est la plénitude des eschata qui est manifestée : le Royaume, c’est-à-dire le Corps du Christ plénier et total. Cette dimension eschatologique marque également toute la théologie de Zizioulas, non pas à la manière d’une fuite hors du monde ou du temps qu’opèrerait la célébration eucharistique, mais comme une transformation, une sanctification vivifiante du temps et du monde. En ce sens, il se peut que G. Baillargeon fasse fausse route lorsqu’il craint, avec d’autres, les conséquences d’une trop forte insistance eschatologique. « Notre sensibilité occidentale, écrit-il, demeure hésitante devant l’identité presque absolue entre l’Église et le Christ, comme la propose Jean Zizioulas ; pour lui, il n’y a pas de distance entre le Christ et l’Église. La réalité historique de l’Église in via n’y trouve guère sa place ; cet aspect d’une Église qui rassemble un peuple de pécheurs, d’une Église appelée à la conversion, est quasi absent ou occulté par un fort accent eschatologique »58. Or, si Zizioulas affirme, en effet, que l’Église est une part de la définition même du Christ et que l’on ne peut donc avoir le corps du Christ individuel (l’un) sans avoir simultanément la communauté de l’Église (la multitude), cela ne signifie pas une identification entre le Christ et l’Église pérégrinante faite de pécheurs. L’Église dont il parle est déjà l’Église eschatologique, c’est-à-dire la communauté eschatologique des saints dans le Christ. Sur terre et dans l’histoire, l’Église n’est pas encore ce corps plénier du Christ, elle y tend et y est en quelque sorte toujours mieux conformée lors de chaque Eucharistie. « L’Eucharistie est l’unique occasion, dans l’histoire, où ces deux [réalités] coïncident »59. Le Christ et l’Église sont une inséparable réalité future, qui vient à la rencontre de l’histoire toucher l’Église « peuple de pécheurs », et qui la façonne au long de sa course.

Parce qu’elle est eucharistique, l’ecclésiologie de Zizioulas est enfin une ecclésiologie de l’Église locale. L’identification est faite en effet, dès les premiers siècles, entre l’assemblée eucharistique locale, épiscopale, et l’Église de Dieu elle-même. « Là où est l’Eucharistie, là est l’Église », et l’Église plénière, puisque dans l’Eucharistie le corps total du Christ est manifesté. Toutefois, en raison même de l’unité de ce corps total du Christ, toutes les Églises locales, quoique chacune pleinement catholique, doivent être en constante communion. Une Église vivant isolée du reste du corps se couperait elle-même de sa catholicité. L’ecclésiologie de Zizioulas est donc une ecclésiologie de l’Église universelle, en raison même de son attachement à la catholicité de chaque Église locale. Si bien qu’il lui faut tirer lui-même les conséquences de sa compréhension du Christ corporatif : le corps constitué par la multitude des Églises entre elles ne peut se passer de tête. Comme c’est le cas au niveau local, la communion des Églises du monde a besoin du ministère de l’un.

Alors que tout se tient de manière cohérente dans la pensée de Zizioulas, nombre d’interrogations surgissent encore au terme du parcours. Lui-même s’étonne d’ailleurs de la complexité de tant de dialectiques lorsqu’il décrit les identifications « icôniques » entre l’évêque entouré de son peuple et le Christ entouré de l’Église, face au Père dans la Trinité60… Il admet volontiers que sa réflexion est encore en recherche sur bien des points. La place de l’Écriture dans son élaboration théologique, par exemple, comme le note G. Baillargeon, pourrait sembler insuffisante61. Effectivement, si ce n’est dans son étude « biblique » de l’Eucharistie62, on trouve surtout chez Zizioulas des citations ponctuelles de l’Écriture, des renvois, ou de simples sous-entendus. On regrette par exemple qu’une étude poussée de 1 Co 10-14 qu’il considère comme un texte entièrement eucharistique, ne soit pas menée par le métropolite pour y fonder mieux encore ses intuitions. Il en va de même pour l’Apocalypse à laquelle il renvoie très fréquemment comme témoin de la communauté eucharistique primitive. Une lecture suivie n’en est jamais vraiment accomplie sous un autre angle que l’angle historique. Cette dernière pourrait en effet ouvrir un horizon nouveau qui, dans la pensée de Zizioulas, fait actuellement défaut : celui de l’Église comme Épouse du Christ.

La figure de l’Épouse est en effet à peu près inexistante dans l’œuvre ecclésiologique de Zizioulas. Il ne la cite qu’une ou deux fois, mais toujours pour la rapporter à l’image du corps : l’épouse et l’époux ne faisant qu’un seul corps63. C’est là sans doute un véritable manque dans la vision ecclésiale de Zizioulas, et dont il a lui-même conscience, mais qui témoigne de sa réticence à faire de l’Église, comprise dans sa totalité, une épouse qui ferait face au Christ : il en résulterait une distance entre le Christ et l’Église. Or, pour lui, l’Église ne peut pas avoir d’identité, de « je » différent de celui du Christ lui-même. En ce sens, Zizioulas ne dirait jamais par exemple que la Vierge Marie, souvent associée à la figure de la femme dans l’Apocalypse, personnifie l’Église. Notre-Dame est d’ailleurs la grande absente de l’œuvre du théologien, ce qui de la part d’un Orthodoxe est pour le moins surprenant. Il s’en excuse en avançant que la période sur laquelle il se penche avant tout — celle qui commence à l’âge postapostolique et s’arrête au quatrième siècle — précède le grand déploiement de la piété mariale. Toutefois, il reste que Zizioulas a certainement un bon nombre d’objections aux collusions de la mariologie et de l’ecclésiologie telles qu’on peut les voir fréquemment dans la théologie occidentale. La principale est la suivante : le risque de faire de Marie le centre de l’Église et de reconnaître en elle une sorte de personnalité corporative qui rassemblerait et personnifierait la réponse de tous les croyants. Ce n’est pas autour de Marie que l’humanité se rassemble, c’est autour du Christ. En somme, la crainte qui explique son silence est qu’une mariologie forte soit le témoin d’une christologie faible. Très respectueuse, sa mariologie est aussi assez simple : Marie est la Theotokos. Or quel titre, en somme, dépasserait celui-là ?

Notes de bas de page

  • 1 Ratzinger J., « L’ecclésiologie de la Constitution conciliaire Lumen Gentium », conférence donnée au Congrès international d’études sur Vatican II, Rome, fév. 2000, dans Doc. Cath. 2223 (97, 2000), p. 307.

  • 2 Avec le Cardinal Kasper, il vient de présider la 10e session plénière de la commission mixte internationale de dialogue théologique entre l’Église catholique et l’Église orthodoxe qui s’est tenue à Ravenne en octobre 2007.

  • 3 Congar Y., « Bulletin d’ecclésiologie », dans Revue des Sciences philosophiques et théologiques 66 (1982) 88.

  • 4 Préface de l’ouvrage de Baillargeon G., Perspectives orthodoxes sur l’Église communion. L’œuvre de Jean Zizioulas, Montréal, Éd. Paulines / Médiaspaul, 1989, p. 16.

  • 5 Zizioulas J., L’Eucharistie, l’évêque et l’Église durant les trois premiers siècles, coll. Théophanie, Paris, DDB, 1994. Désigné désormais par UC (d’après le titre original en anglais : The Unity of the Church in the Holy Eucharist and the Bishop in the first three centuries, Athens, 1965).

  • 6 C’est le cas par exemple de six études réunies en 1981 dans L’Être ecclésial, Perspectives orthodoxes, Genève, Labor et Fides, 1981. Désigné désormais par EE.

  • 7 UC, p. 64, n. 1.

  • 8 Zizioulas dresse une typologie précise pour fonder ses conclusions. Il distingue en particulier quatre grandes catégories de textes où apparaît le mot« Église » (cf. UC, p. 51).

  • 9 UC, p. 8.

  • 10 Zizioulas J., « Human Capacity and Human Incapacity », dans Scottish Journal of Theology 28 (1975) 441.

  • 11 cf. EE, p. 136s.

  • 12 Zizioulas J., « Le mystère de l’Église dans la tradition orthodoxe », dans Irénikon 60 (1988) 330.

  • 13 Id., « The Ecclesiological Presuppositions of the Holy Eucharist », dans Nicolaus 10 (1982) 342, désigné désormais par EPE. Voir aussi l’analyse très intéressante que Zizioulas fait de Mt 25, cf. Mc Partlan P., The Eucharist makes the Church. Henri de Lubac and Zizioulas in dialogue, Edinburgh, T&T Clark Ltd, 1993, p. 168. Désigné désormais par EMC.

  • 14 Il se réfère par exemple à Wheeler-Robinson H., « The Hebrew Conception of Corporate Personality », dans Werden und Wesen des Alten Testaments, éd. P. Volz, F. Stummer, J. Hempel, Internationale Tagung alttestamentlicher Forscher zu Göttingen, Berlin, 1936, p. 49-62 ; De Fraine J., Adam et son lignage. Études sur la notion de personnalité corporative dans la Bible, Bruges, Museum Lessianum, 1959 ; ou encore Johnson A.R., The One and the Many in the Israelite Conception of God, Cardiff, University of Wales Press, 1942.

  • 15 Mc Partlan, EMC, p. 172.

  • 16 EE, p. 90-91.

  • 17 EE, p. 46.

  • 18 Zizioulas J., « The Nature of the Unity we Seek », dans One in Christ 24 (1988) 345.

  • 19 Id., « L’Eucharistie, quelques aspects bibliques », dans Zizioulas J., Tillard J.-M.R., von Allmen J.J., L’Eucharistie, coll. Églises en dialogue 12, Paris, Mame, 1970, p. 33-34. Désigné désormais par EAB.

  • 20 EAB, p. 31.

  • 21 Sur la nature eschatologique de la célébration de la Cène et de l’Eucharistie, cf. EAB, p. 17-22.

  • 22 EE, p. 188.

  • 23 EAB, p. 34.

  • 24 EAB, p. 22.

  • 25 Zizioulas J., « The Existential Significance of Liturgical Time », conférence prononcée devant des étudiants de la Faculté de Théologie, Durham, University Press, 1982, p. 20. Cf. aussi Mc Partlan, EMC, p. 191.

  • 26 Cf. Ac 6,1-6.

  • 27 Zizioulas J., « Eschatology and History », dans Whither Ecumenism ?, éd. T. Wieser, Geneva, World Council of Churches, 1986, p. 37.

  • 28 EE, p. 145.

  • 29 UC, p. 243.

  • 30 EE, p. 119-120.

  • 31 UC, p. 244.

  • 32 UC, p. 245.

  • 33 UC, p. 248.

  • 34 Il s’agissait d’envoyer grâce au ministère des acolytes un morceau de l’Eucharistie qui avait été célébrée par l’évêque à tous ceux qui ne pouvaient y participer, et surtout aux synaxes célébrées par les presbytres, à qui revenait de mélanger ce fragment aux dons — au calice plus précisément — qu’eux-mêmes offraient. Cf. aussi Innocent 1er, Épître 25 à Decens (PL 20,556).

  • 35 UC, p. 249.

  • 36 Cf. UC, p. 246.

  • 37 EE, p. 121.

  • 38 EE, p. 191.

  • 39 On se reportera avec intérêt à l’article de Mc Partlan P., « The Local Church and the Universal Church : Zizioulas and the Ratzinger-Kasper Debate », dans International Journal for the Study of the christian Church, vol. 4, no 1, March 2004, p. 21-33, où il tente de donner un éclairage tout à fait nouveau au débat sur cette question entre Ratzinger et Kasper.

  • 40 Sur ce sujet et l’éclairage qu’en donne le P. de Lubac, lire l’article de Chantraine G., « La “corrélation radicale” des Églises particulières et del’Église universelle chez Henri de Lubac », dans Ecclesia tertii millenii advenientis. Omaggio al P. Angel Anton, professore alla Pontificia Università Gregoriana, nel suo 70° compleanno, éd. F. Chica, S. Panizzolo et H. Wagner, Piemme, Casale Monferrato, p. 68-85.

  • 41 UC, p. 254.

  • 42 Zizioulas J., « The Pneumatological Dimension of the Church », dans International Catholic Review – Communio I (1974) 149.

  • 43 Id., Being as Communion. Studies in Personhood and the Church, London, Darton, Longman and Todd, 1985, p. 156.

  • 44 Zizioulas à l’Université de Thessalonique, cité par Spiteris Y., Ecclesiologia orthodoxa. Temas confrontados entre Oriente y Occidente, coll. Pensar en Dios, 2004, Salamanca, Secr. Trinitario, p. 104.

  • 45 UC, p. 257.

  • 46 Un congrès à Santiago en 1993 est le cadre dans lequel il prononce son premier grand discours concernant la nécessité de la primauté. En 2003, il était aussi, par exemple, l’un des invités principaux du Symposium sur le ministère pétrinien, convoqué à Rome par le Cardinal Kasper. Le fruit récent de toutes ces rencontres est le document publié en conclusion de l’Assemblée plénière de la commission mixte internationale pour le dialogue théologique catholique-orthodoxe, co-présidée par le Cardinal Kasper et le Métropolite Jean. Il traite précisément de l’articulation autorité/collégialité ou primauté/synodalité dans les premiers siècles de l’Église.

  • 47 Zizioulas J., « Primacy in the Church : an Orthodox Approach », dans Petrine Ministry and the Unity of the Church. Toward a Patient and Fraternal Dialogue, éd. J. Puglisi, Collegeville, The Liturgical Press, 1999, 115-125, ici p. 116. Désigné désormais par PIC.

  • 48 Les Constitutions apostoliques III, coll. Sources chrétiennes 336, Paris, Cerf, 1987, p. 285.

  • 49 Zizioulas J., « Recent Discussions on Primacy in Orthodox Theology », dans Il Ministero Petrino, cattolici e ortodossi in dialogo, éd. W. Kasper, Roma, Città Nuova, 2004, p. 260.

  • 50 Id., « The Ecclesiology of the Orthodox Tradition », dans Search, vol. 7, Winter, 1984, p. 52.

  • 51 Id., « The Nature of the unity we seek », dans One in Christ 24 (1988) 344.

  • 52 Id., « Recent Discussions on Primacy in Orthodox Theology », dans Il Ministero Petrino… (cité supra n. 49), p. 260.

  • 53 PIC, p. 124.

  • 54 Ibid.

  • 55 Cf. von Allmen J.J., « L’Église locale parmi les autres Églises locales », dans Irenikon 43 (1970) 512-537.

  • 56 EPE, p. 347.

  • 57 PIC, p. 125.

  • 58 Baillargeon G., « Jean Zizioulas, porte-parole de l’Orthodoxie contemporaine », dans NRT 111 (1989) 192.

  • 59 EPE, p. 342. Cf. Mc Partlan P., EMC, p. 266.

  • 60 Zizioulas J., « Le mystère de l’Église… » (cité supra n. 12), p. 329.

  • 61 Cf. Baillargeon G., « Jean Zizioulas… » (cité supra n. 58), p. 192.

  • 62 Cf. EAB.

  • 63 Cf. Éph 5,28-31.

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