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« Élargir les espaces de rationalité ». Une proposition pastorale de Benoît XVI

Alberto Piola
À plusieurs occasions, dans les premières années de son pontificat, Benoît XVI a repris la thèse de la nécessité d’« élargir les espaces de la rationalité ». En fait, déjà avant d’accéder à la papauté, Ratzinger avait développé une riche réflexion sur le concept de raison, inséparable de la foi et qui ne peut s’auto-limiter à une rationalité positiviste. Une raison « élargie » : telle est celle qui fut proposée dans l’intervention célèbre de Ratisbonne en 2006 ; l’Église est appelée aujourd’hui à proposer une foi amie de l’intelligence, en particulier dans son rapport avec la science et face aux défis que lance l’athéisme scientifique.

Parlant le 4 mai 2008 sur la place Saint-Pierre aux membres de l’Action Catholique Italienne, Benoît XVI leur faisait cette invitation :

dans une Église quotidiennement confrontée à la mentalité relativiste, hédoniste et consumériste, sachez élargir les espaces de rationalité sous le signe d’une foi amie de l’intelligence, aussi bien dans le domaine de la culture populaire et diffuse que dans celui d’une recherche plus élaborée et réfléchie.

Le devoir et le projet d’une rationalité élargie est un fil rouge qui traverse beaucoup d’interventions des premières années de pontificat de Benoît XVI et qui, comme nous le verrons, s’inscrit dans une réflexion commencée avant que Ratzinger ne monte sur la chaire de Pierre. En pensant au thème de la raison dans le magistère de Benoît XVI, peut venir immédiatement à l’esprit le discours désormais fameux de Ratisbonne de septembre 2006, mais en réalité nombreuses sont les interventions dans lesquelles lui-même a développé cette proposition, accompagnée de claires applications pastorales.

Si on parle d’une rationalité « élargie », il y a évidemment une rationalité trop « réduite ». Il faut éclaircir ce que Ratzinger entend par ces deux expressions en nous demandant quelle contribution sa thèse d’une rationalité élargie apporte au rapport foi-raison et les exigences qui en découlent du point de vue pastoral pour aujourd’hui. L’analyse se fera en deux étapes : tout d’abord nous analyserons rapidement quelques interventions du cardinal Ratzinger remontant aux années où il était préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, pour voir comment naît chez lui cette proposition de « rationalité élargie » (I) ; ensuite, nous nous arrêterons à quelques discours prononcés par le Pape et qui ont repris et développé cette proposition (II). Nous essaierons dans un dernier temps de montrer comment l’engagement pour élargir les espaces de la rationalité est un devoir urgent pour l’Église d’aujourd’hui, surtout en termes de défis pastoraux ; et parmi ceux-ci nous ferons allusion tout particulièrement à la provocation qui provient de ce qu’on appelle l’« athéisme scientifique » (III).

I Quelques interventions de J. Ratzinger sur le rapport entre foi et raison

Le rapport entre la foi et la raison dans la pensée théologique de J. Ratzinger a déjà été amplement étudié1. Dans cette étude nous nous limitons à considérer comment, dans les interventions qui remontent aux années au cours desquelles Ratzinger était préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, commence à se développer chez lui une réflexion qui critique la rationalité moderne et propose un lien étroit entre raison et foi chrétienne. Il s’agit de quelques conférences2 ainsi que de celle qu’il prononça le jour avant la mort de Jean-Paul II au monastère bénédictin de Subiaco3.

Le rapport entre la foi et la raison intéressait déjà le jeune théologien Ratzinger. Dans sa première leçon académique à l’université de Bonn tenue le 24 juin 1959 à l’occasion de sa nomination à la chaire de théologie catholique4, il avait traité de la nécessité d’instaurer un rapport entre la foi et la raison, entre le Dieu de la foi et celui des philosophes (une distinction qu’il empruntait à Pascal). La thèse qu’il soutenait alors était que, même s’il était possible de diviser les deux savoirs, ceux-ci devaient rester unis dans une recherche commune de sens et de transcendance. Déjà les Pères avaient établi un lien entre le Dieu de la foi et celui des philosophes, lien nécessaire pour la communication missionnaire du message chrétien :

s’il est essentiel au message chrétien d’être non pas une doctrine secrète et ésotérique pour un cercle limité d’initiés mais le message de Dieu adressé à tous, il est essentiel en effet de le traduire vers l’extérieur dans le langage commun de la raison humaine. La vraie exigence de la foi chrétienne, en outre, ne peut être toujours à nouveau rendue visible dans sa grandeur et dans son sérieux qu’en lien avec ce que l’homme a compris depuis toujours, sous une forme quelconque comme l’Absolu5.

La rationalité n’est donc pas l’adversaire du christianisme. Or tout cela, notait Ratzinger en 2004 à l’occasion de la réédition de cette leçon de 1959, pose un problème à notre être chrétien aujourd’hui :

Quel type de rationalité est adapté à la foi chrétienne ? Comment s’insère-t-il dans l’ensemble de notre existence ? Est-il conciliable avec les connaissances fondamentales conquises par la raison moderne ? Répond-il aux demandes raisonnables, et sa “raison” est-elle communicable ?6

Or c’est précisément sur cette question de la recherche d’une rationalité adaptée à la foi chrétienne que s’est développée la réflexion de Ratzinger dans les conférences citées plus haut aux notes 2 et 3.

Voici en synthèse les points qui constituent ici le nœud de sa pensée :

1. Le christianisme ne peut se séparer de la raison en se réfugiant dans le “sentiment” : dès sa naissance le christianisme s’est présenté avec la prétention d’être la religio vera, parce que, soutenait-il dans sa conférence à la Sorbonne en 1999,

la foi chrétienne ne se base pas sur la poésie et la politique, ces deux grandes sources de la religion ; elle se base sur la connaissance. Elle vénère cet Être qui se trouve au fondement de tout ce qui existe, le « Dieu véritable ». Dans le christianisme, la rationalité est devenue religion, et non plus son adversaire. Étant donné cela, étant donné que le christianisme s’est compris comme la victoire de la démythologisation, la victoire de la connaissance et avec elle de la vérité, il devait nécessairement se considérer comme universel et être amené à tous les peuples7.

À la constatation qu’aujourd’hui la synthèse entre raison et foi opérée par le christianisme ne convainc plus, Razinger opposait la proposition d’une relance de la rationalité du christianisme

par son option en faveur du primat de la raison, le christianisme demeure aujourd’hui encore « rationalité », et je pense qu’une rationalité qui se débarrasse de cette option, devrait signifier, contrairement aux apparences, non point une évolution mais une involution de la rationalité8.

Cette rationalité du christianisme doit être défendue aussi contre la proposition de ceux qui, constatant que dans le monde d’aujourd’hui la foi est en crise, parlent d’une religion sans rapport avec la raison. On ne peut accepter, affirme Ratzinger dans la conférence tenue à Turin en 1998, la thèse qui, suite aux Lumières, veut défendre la religion contre les découvertes continuelles de la raison en les reléguant au domaine du sentiment. La religion ne touche pas seulement un domaine particulier, mais existe

pour intégrer l’homme dans sa totalité, pour établir le lien entre sentiment, raison et volonté et les concilier les uns avec les autres, apportant ainsi une réponse au défi la de la vie et de la mort, de la société et du moi, du présent et de l’avenir. Elle ne doit pas prétendre pouvoir donner une solution à des problèmes qui ont leurs propres lois, mais elle doit rendre capable de prendre les décisions ultimes dans lesquelles l’intégrité de l’homme et du monde est toujours en jeu9.

Raison et religion doivent donc recommencer à se rencontrer, et cela est possible en vertu de la rationalité intérieure au fait chrétien. La foi chrétienne n’est pas un système abstrait dont on pourrait tirer une rationalité abstraite ; elle est une histoire, mais de cette histoire il faut encore montrer la logique de développement au cours du temps. Cette opération a déjà été faite dans la Bible dans les livres sapientiaux et puis, avec le passage du message hébreu au monde chrétien, et enfin de celui-ci au monde grec.

2. La raison ne peut se passer de la foi. En effet, si la foi ne peut se passer de la raison, il est cependant encore plus urgent, pour Ratzinger, de souligner le contraire, à savoir que la raison ne peut exclure le discours de foi. Aujourd’hui nous rencontrons une raison malade et mutilée qui a voulu se réduire uniquement à une de ses possibilités. Ratzinger disait dans sa conférence de Turin que la cause la plus importante de la décadence de la raison

vient de l’enfermement de la raison, qui paradoxalement repose sur ses succès : les impératifs catégoriques qui ont assuré son succès sont, par leur prétention à l’universalité, devenus un carcan. La science, qui a modelé le monde nouveau, repose sur une assise philosophique dont on doit chercher l’origine chez Platon. Copernic, Galilée, ainsi que Newton, étaient platoniciens. Ils posaient pour postulat de base que le monde est structuré mathématiquement et spirituellement, et que ce préalable permet de le déchiffrer et de le rendre perceptible par l’expérience, utilisable par elle. La nouveauté réside dans le lien entre platonisme et empirisme, entre idée et expérience […]. Toute la pensée scientifique et toute la recherche technique reposent sur le postulat que le monde est ordonné par des lois spirituelles. Il porte en lui-même l’esprit qui peut être appréhendé par notre propre esprit. Mais en même temps, sa réalité est soumise à vérification par l’expérience. Chaque pensée qui regarderait l’esprit en soi ou extérieur au monde de la réalité, contredirait la méthode scientifique et se trouverait par là même proscrite comme mode de pensée préscientifique, non scientifique. Le logos, la sagesse, dont ont parlé les Grecs d’une part, Israël d’autre part, est revenu(e) dans le monde matériel et ne peut plus désormais se discuter hors de lui10.

De cette raison qui se limite elle-même, parce qu’elle devient raison positiviste qui ne regarde plus au verum quia ens, mais au verum quia factum, puis, dans une réduction ultérieure à la pensée technique, au verum quia faciendum, Razinger avait déjà parlé en 1968 dans son Introduction au christianisme11. C’est précisément à l’arrogance de cette raison positiviste que s’adresseront, comme nous le verrons, beaucoup des interventions de Ratzinger comme Pape.

Des risques de cette rationalité uniquement scientifique Ratzinger parla aussi à la conférence de Subiaco du 1er avril 2005. L’Europe s’est distinguée en développant cette rationalité purement fonctionnelle et ses applications techniques, mais cela a porté à

une culture qui, d’une manière auparavant inconnue à l’humanité, exclut Dieu de la conscience publique, soit qu’on le nie totalement, soit que son existence soit jugée non démontrable, incertaine, et donc appartenant au domaine des choix subjectifs12.

Il y a ici une auto-limitation de la raison positive, qui conduit à une mutilation de l’humain et, il faut dire clairement, les résultats de ce type de raison ne peuvent être le dernier mot sur elle.

3. Il faut défendre tout ensemble la foi et la raison et donc, dans notre contexte culturel actuel, travailler à une rencontre nouvelle et féconde entre elles. Toutes deux peuvent avoir des pathologies et ainsi l’une a besoin de l’autre :

il y a des pathologies extrêmement dangereuses dans les religions ; elle rendent nécessaire de considérer la lumière divine de la raison comme une sorte d’organe de contrôle que la religion doit accepter comme un organe permanent de purification et de régulation […]. [Mais] il existe également des pathologies de la raison (chose dont l’humanité actuelle est en général moins consciente) ; il existe une hubris (violence) de la raison qui n’est pas moins dangereuse, qui est même, en raison de son efficience potentielle, plus menaçante encore : la bombe atomique, l’homme comme produit. C’est pourquoi et en sens inverse, la raison aussi doit être rappelée à ses limites et apprendre une capacité d’écoute par rapport aux grandes traditions religieuses de l’humanité. Si elle s’émancipe totalement et écarte cette disponibilité pour apprendre cette forme de corrélation, elle sera destructrice13.

« Ce qui ressort de l’analyse de ces écrits de Ratzinger (…), c’est que la “séparation néfaste entre les deux domaines du savoir, celui de la raison et celui de la foi (…), n’a pas conduit au renforcement de l’une et de l’autre ; mais les a plutôt affaiblies toutes deux en empêchant un développement de leur force critique et en ralentissant chez elles le pas vers une conquête toujours plus profonde du mystère »14. Dans la conférence de Subiaco, Ratzinger précise que le christianisme ne doit pas refuser l’illuminisme et la vérité. Depuis le début, « il s’est compris lui-même comme la religion du logos, comme la religion selon la raison », et « il doit toujours se rappeler qu’il est la religion du logos. Il est foi dans le creator Spiritus, dans l’Esprit créateur, d’où provient tout le réel »15.

II La proposition de la « rationalité élargie » dans le magistère de Benoît XVI

Cette réflexion sur le rapport entre raison et foi dans le contexte culturel d’aujourd’hui a aussi été développée par Ratzinger en quelques interventions des premières années de son pontificat. Le texte devenu le plus célèbre pour bien des motifs est sans aucun doute celui de la leçon qu’il a donnée la 12 septembre 2006 au Grand Amphithéâtre de l’Université de Ratisbonne où il avait enseigné la dogmatique de 1969 à 1977, année de sa nomination par Paul VI comme archevêque de Munich. Le titre de son discours, « Foi, Raison et Université : souvenir et réflexions », renvoie précisément au thème du rapport entre foi et raison, rapport qui, comme la chose est logique, vu la circonstance, est considéré dans son application à l’université et en particulier à l’enseignement de la théologie à l’intérieur de l’université.

On sait comment l’intervention de Ratisbonne a suscité des polémiques, non tant pour sa proposition d’une rationalité élargie que pour la citation d’une dispute médiévale entre l’empereur byzantin Michel II Paléologue et un docte persan, et qui avait pour objet le refus de la violence dans la diffusion de la foi, en référence au principe selon lequel « ne pas agir selon la raison (‘??? ????’) est contraire à la nature de Dieu ».

La conférence de Ratisbonne a suscité de très nombreux commentaires16 et nous ne voulons pas ici en reprendre tous les thèmes. Nous la considérons cependant comme le début d’un parcours que Benoît XVI a ensuite suivi au fil des années, en en reprenant les thèmes et en l’insérant dans ses voyages pastoraux à l’occasion de ses rencontres avec le monde de la culture et les représentants de la société civile. Nous avons ainsi à notre disposition, suite à cette conférence de Ratisbonne, une série de discours17 qui portent sur le thème de la raison et de la rationalité dans le monde d’aujourd’hui. À ces discours, nous pouvons encore ajouter d’autres interventions de Benoît XVI sur le même thème18 ainsi que certains passages de ses encycliques19. À partir de ces textes se dégage la proposition de travailler en faveur d’une « rationalité élargie »20.

Dans la leçon qu’il tient à l’Université où il a enseigné, Benoît XVI soutient que la foi appartient au monde de la raison et qu’il est dès lors possible qu’à l’université il y ait une place pour la théologie, science de la foi (il est « nécessaire et raisonnable de s’interroger sur Dieu au moyen de la raison »), avant tout en adoptant la thèse qu’agir contre la raison est en contradiction avec la nature de Dieu (c’est dans cette partie de l’intervention que se trouve la citation du dialogue avec le docte persan), parce que Jean, en modifiant le début de la Genèse,

a ouvert le prologue de son évangile par ces mots : « Au commencement était le ????? ». C’est exactement le mot employé par l’empereur [Manuel II Paléologue]. Dieu agit « ??? ???? », avec logos. Logos désigne à la fois la raison et la parole — une raison qui est créatrice et capable de se communiquer, mais justement comme raison.

Il faut donc proposer une alliance entre la foi et la raison, déjà commencée avec la rencontre du christianisme et de la pensée grecque, et Benoît XVI de critiquer ce qu’il appelle les trois vagues du programme de dé-hellénisation du christianisme21. Dans cette analyse, il donne quelques caractéristiques de la raison moderne qui, selon lui, est insuffisante, parce que réductrice. Celle-ci est en effet une raison qui réduit la scientificité aux seuls résultats de la méthode mathématico-empirique, niant ainsi à la théologie tout le caractère « scientifique » et provoquant une réduction anthropologique :

si la science dans son ensemble n’est que cela, l’homme lui-même s’en trouve réduit. Car les interrogations proprement humaines, « d’où venons-nous », « où allons-nous », les questions de la religion et de l’éthique, ne peuvent alors trouver place dans l’espace de la raison commune, délimitée par la « science » ainsi comprise, et doivent être renvoyées au domaine de la subjectivité.

S’il ne faut pas méconnaître ou déprécier les progrès rendus possibles par la raison moderne, il faut cependant travailler pour un « élargissement de notre conception et de notre usage de la raison » (Ausweitung unseres Vernunftsbegriffs und – gebrauchs) » :

nous ne le pouvons que si foi et raison se retrouvent d’une manière nouvelle, si nous surmontons la limitation auto décrétée de la raison à ce qui est susceptible de falsification dans l’expérience et si nous ouvrons de nouveau à la raison tout son espace. Dans ce sens, la théologie, non seulement comme discipline d’histoire et de science humaine, mais spécifiquement comme théologie, comme questionnement sur la raison de la foi, doit avoir sa place dans l’Université et dans son large dialogue des sciences.

Benoît XVI termine alors son intervention par une invitation adressée à l’Occident à s’ouvrir à toute l’ampleur de la raison :

depuis longtemps, l’Occident est menacé par cette aversion pour les interrogations fondamentales de la raison et il ne pourrait qu’en subir un grand dommage. Le courage de s’ouvrir à l’ampleur de la raison et non de nier sa grandeur — tel est le programme qu’une théologie se sachant engagée envers la foi biblique doit assumer dans le débat présent. « Ne pas agir selon la raison, ne pas agir avec le Logos, est en contradiction avec la nature de Dieu » a dit Manuel II à son interlocuteur persan, en se fondant sur sa vision chrétienne de Dieu. Dans ce grand Logos, dans cette amplitude de la raison, nous invitons nos interlocuteurs au dialogue des cultures. La retrouver nous-mêmes toujours à nouveau est la grande tâche de l’Université.

Le refus de la raison positiviste comme unique forme universelle de raison et l’effort pour élargir notre concept de raison en s’engageant de nouveau dans l’« amplitude de la raison (Weite der Vernunft) », constituent donc le nœud central de la réflexion de Ratisbonne. Dans ses interventions subséquentes (cf. supra n. 17 et 18) Benoît XVI a eu l’occasion de développer à nouveau cette proposition de « raison élargie ». Essayons d’analyser celle-ci à travers quelques thèmes qui y reviennent.

1. La question de la vérité. Les débats actuels sur le rapport foi-raison, aussi bien que la recherche même de la connaissance, sont reconduits par le Pape à une sphère plus ample : la capacité et le devoir qu’a l’homme de chercher la vérité. Celui-ci affirme qu’il existe un lien étroit entre raison et vérité : la raison doit chercher la vérité, un des dangers majeurs du monde occidental étant celui d’avoir beaucoup développé les horizons du savoir mais en abdiquant sur la question de la vérité :

Le danger pour le monde occidental — pour ne parler que de lui — est aujourd’hui que l’homme, eu égard à la grandeur de son savoir et de son pouvoir, ne baisse les bras face à la question de la vérité. Et cela signifierait en même temps que la raison, en définitive, se plierait face à la pression des intérêts et à l’attraction de l’utilité, contrainte à la reconnaître comme critère ultime […].Toutefois, si la raison — inquiète de sa pureté présumée — devient sourde au grand message qui lui vient de la foi chrétienne et de sa sagesse, elle se dessèche comme un arbre dont les racines n’atteignent plus les eaux qui lui donnent la vie. Elle perd le courage pour la vérité et n’en sort pas grandie, mais devient plus petite.

[La Sapienza, 2008]

Le devoir de l’Église, dans sa pastorale du monde de la culture, est donc de favoriser cette recherche de la vérité :

l’Église considère comme sa mission prioritaire, dans la culture actuelle, de tenir éveillé la recherche de la vérité et, en conséquence, de Dieu ; de porter les personnes à regarder au-delà des choses qui passent et à se mettre à la recherche des choses qui demeurent.

[Lisbonne, 2010]

2. Une purification de la raison est nécessaire. Il faut non seulement reconnaître les limites de la science22 qui, comme la technique, s’est révélée fallacieuse dans sa prétention d’absoluité alors qu’elle n’a pas le pouvoir de sauver l’homme (cfr. Spe salvi n. 22.26), mais,

pour pouvoir agir de manière droite, la raison doit constamment être purifiée, car son aveuglement éthique, découlant de la tentation de l’intérêt et du pouvoir qui l’éblouissent, est un danger qu’on ne peut jamais totalement éliminer […]. Partant de la perspective de Dieu, la foi libère la raison de ses aveuglements et, de ce fait, elle l’aide à être elle-même meilleure. La foi permet à la raison de mieux accomplir sa tâche et de mieux voir ce qui lui est propre.

(Deus caritas est n. 28)23

La raison a besoin du correctif fourni par la religion :

sans le correctif apporté par la religion, d’ailleurs, la raison aussi peut tomber dans des distorsions, comme lorsqu’elle est manipulée par l’idéologie, ou lorsqu’elle est utilisée de manière partiale si bien qu’elle n’arrive plus à prendre totalement en compte la dignité de la personne humaine. C’est ce mauvais usage de la raison qui, en fin de compte, fut à l’origine du trafic des esclaves et de bien d’autres maux sociaux dont les idéologies totalitaires du xxe siècle ne furent pas les moindres. C’est pourquoi, je voudrais suggérer que le monde de la raison et de la foi, le monde de la rationalité séculière et le monde de la croyance religieuse reconnaissent qu’ils ont besoin l’un de l’autre, qu’ils ne doivent pas craindre d’entrer dans un profond dialogue permanent, et cela pour le bien de notre civilisation.

[Westminster, 2010]

3. La raison ne doit pas être sourde au divin. La raison serait vaincue si elle considérait comme non-scientifique la demande sur Dieu :

Quaerere Deum — chercher Dieu et se laisser trouver par Lui : cela n’est pas moins nécessaire aujourd’hui que par le passé. Une culture purement positiviste, qui renverrait dans le domaine subjectif, comme non scientifique, la question concernant Dieu, serait la capitulation de la raison, le renoncement à ses possibilités les plus élevées et donc un échec de l’humanisme, dont les conséquences ne pourraient être que graves.

[Paris, 2008]

En effet, si la raison excluait le dialogue et la confrontation avec la religion, elle perdrait son identité même, celle d’être une recherche de la vérité :

les tenants de cette exclusion positiviste du divin du domaine de la raison universelle ne font pas que nier ce qui est une des convictions les plus profondes des croyants, ils font obstacle au vrai dialogue des cultures qu’ils appellent pourtant de leurs vœux. Une compréhension de la raison qui est sourde au divin et qui relègue les religions au rang des sous-cultures, est incapable d’entrer dans le dialogue des cultures dont notre monde a un besoin si urgent. En définitive, « la fidélité à l’homme exige la fidélité à la vérité qui, seule, est la garantie de la liberté » (Caritas in veritate, n. 9). La confiance en la capacité humaine de rechercher la vérité, de la trouver et de vivre selon elle a conduit à la fondation des grandes universités européennes.

[Prague, 2009]

En reprenant une distinction de S. Bonaventure, Benoît XVI parle à ce propos d’un double usage de la raison : l’un qui est inconciliable avec la nature de la foi et l’autre qui au contraire appartient proprement à sa nature. Existe en effet

la violentia rationis, le despotisme de la raison, qui se fait le juge suprême et ultime de tout […]. Ce mode d’utilisation de la raison, à l’époque moderne, a atteint le somment de son développement dans le domaine des sciences naturelles. La raison expérimentale apparaît aujourd’hui amplement comme l’unique forme de rationalité déclarée scientifique. Ce qui ne peut être scientifiquement vérifié ou démenti se situe en dehors du cadre scientifique.

Mais il y a aussi un second usage de la raison,

qui vaut pour le domaine du « personnel », pour les grandes questions de la condition même d’hommes. L’amour veut mieux connaître celui qu’il aime. L’amour, le véritable amour, ne rend pas aveugles, mais voyants. De celui-ci fait partie précisément la soif de connaissance, d’une véritable connaissance de l’autre. C’est pourquoi les Pères de l’Eglise ont trouvé les précurseurs et les ancêtres du christianisme — en dehors du monde de la révélation d’Israël — non pas dans le domaine de la religion habituelle, mais chez les hommes à la recherche de Dieu, à la recherche de la vérité, chez les « philosophes » : chez des personnes qui avaient soif de vérité et qui étaient donc sur le chemin vers Dieu. Lorsqu’il n’y a pas cette utilisation de la raison, alors les grandes questions de l’humanité finissent en dehors du domaine de la raison, et sont laissées à l’irrationalisme. C’est pourquoi une théologie authentique est si importante. La foi juste conduit la raison à s’ouvrir au divin, afin que celle-ci, guidée par l’amour pour la vérité, puisse connaître Dieu de plus près.

[remise du « Prix Ratzinger », 2011]

4. Une critique de la science moderne est donc nécessaire lorsque celle-ci prétend avoir des caractères d’absoluité et prétend posséder la totalité de la capacité de la raison. Benoît XVI ne veut certes pas renier le dialogue entre l’Église catholique et la science, particulièrement intense depuis le Concile Vatican II, mais il relève que la science aujourd’hui peut présenter

une forme d’hybris de la raison, qui peut assumer des caractéristiques dangereuses pour l’humanité elle-même. La science, par ailleurs, n’est pas en mesure d’élaborer des principes éthiques ; elle peut seulement les accueillir en elle et les reconnaître comme nécessaires pour faire disparaître ses éventuelles pathologies. La philosophie et la théologie deviennent, dans ce contexte, des aides indispensables avec lesquelles il faut se confronter pour éviter que la science n’avance toute seule sur un sentier tortueux, plein d’imprévus et qui n’est pas privé de risques. Cela ne signifie pas du tout limiter la recherche scientifique ou empêcher la technique de produire des instruments de développement ; cela consiste plutôt à garder en éveil le sens de responsabilité que la raison et la foi possèdent à l’égard de la science, pour qu’elle demeure dans le sillon de son service à l’homme.

[au Congrès pour le Xe anniversaire de l’encyclique Fides et ratio, 2008]

Les sciences elles-mêmes sont en réalité une aide pour que, connaissant que l’univers est structuré de manière intelligente, nous opérions le passage vers le Logos créateur.

À la lumière de ces traits qui tracent la proposition de la « rationalité élargie » évoquée de manière programmatique à Ratisbonne, Benoît XVI indique quelques tâches pastorales qui interpellent aujourd’hui l’Église dans son dialogue avec la culture contemporaine :

1. Poursuivre la tâche confiée par Vatican II sur l’élaboration d’un nouveau rapport entre l’Église et l’âge moderne. Celle-ci implique l’engagement dans le dialogue avec la science moderne (malgré ses risques), non seulement pour éviter un autre cas Galilée, mais pour formuler à notre époque une invitation précise :

élargir les horizons de notre rationalité, l’ouvrir à nouveau aux grandes questions du vrai et du bien, conjuguer entre elles la théologie, la philosophie et les sciences, dans le plein respect de leurs propres méthodes et de leur autonomie réciproque, mais également en ayant conscience de l’unité intrinsèque qui les relie.

[Verone, 2006]

L’Église doit inviter notre culture à chercher Dieu, de ce quaerere Deum qui demande « de regarder au-delà des réalités pénultièmes et de se mettre à la recherche des réalités ultimes qui sont vraies (comme l’a souligné le discours au Collège des Bernardins à Paris).

2. S’opposer à la marginalisation de la religion hors du débat public. En effet, dans les démocraties occidentales, le pluralisme met en discussion la pertinence et la prétention qu’a la foi à dire quelque chose de « normatif » pour la vie en commun. Benoît XVI est opposé à cette marginalisation croissante en dehors de la sphère publique24, parce que, selon lui, la religion peut donner une contribution au débat public dans la recherche d’un fondement éthique pour les choix politiques :

La tradition catholique soutient que les normes objectives qui dirigent une action droite sont accessibles à la raison, même sans le contenu de la Révélation. Selon cette approche, le rôle de la religion dans le débat politique n’est pas tant celui de fournir ces normes, comme si elles ne pouvaient pas être connues par des non-croyants — encore moins de proposer des solutions politiques concrètes, ce qui de toute façon serait hors de la compétence de la religion — mais plutôt d’aider à purifier la raison et de donner un éclairage pour la mise en œuvre de celle-ci dans la découverte de principes moraux objectifs. Ce rôle « correctif » de la religion à l’égard de la raison n’est toutefois pas toujours bien accueilli, en partie parce que des formes déviantes de religion, telles que le sectarisme et le fondamentalisme, peuvent être perçues comme susceptibles de créer elles-mêmes de graves problèmes sociaux. À leur tour, ces déformations de la religion surgissent quand n’est pas accordée une attention suffisante au rôle purifiant et structurant de la raison à l’intérieur de la religion.

[Westminster, 2010]

3. S’opposer à la fragmentation du savoir. Quelques-unes des interventions de Benoît XVI, que nous avons présentées, sont adressées au monde universitaire. Dans ces interventions, même si n’est plus reprise la nécessaire présence d’une faculté de théologie à l’intérieur de l’université (comme à Ratisbonne), Benoît XVI souligne que l’université doit être au service d’une recherche intégrale de la vérité dans tous les domaines variés du savoir. L’université doit répondre à la soif de connaissance qu’il y a à l’intérieur de l’homme,

d’être redevable devant l’autorité de la vérité […]. L’idée d’une éducation inclusive, fondée sur l’unité de la connaissance basée sur la vérité, doit être retrouvée. Cela est nécessaire pour contrecarrer la tendance, si manifeste dans la société contemporaine, à la fragmentation du savoir. Avec le développement massif de l’information et des technologies, la tentation existe de délier la raison de la recherche de la vérité. Détachée de l’aspiration humaine fondamentale vers la vérité, la raison commence à perdre son orientation : elle se flétrit, que ce soit sous l’apparence de la modestie en se contentant de ce qui est partiel et provisoire, ou bien sous les dehors de l’assurance, en exigeant l’abandon de toute résistance aux requêtes de ceux qui donnent aveuglément une valeur pratiquement équivalente à toute chose.

[Prague, 2009]

III L’engagement pastoral pour la rationalité élargie

Le magistère de Benoît XVI sur « la rationalité élargie » reprend et développe sa pensée sur le rapport entre la foi et la raison. Ses réflexions qui, à première vue, semblent éloignées de la vie ordinaire de la communauté chrétienne, peuvent au contraire être un stimulant vigoureux pour la pastorale actuelle de l’Église.

Une foi amie de l’intelligence peut aider la raison moderne à ne pas se fermer dans une réduction voulue à la facticité qu’enregistre la méthode mathématique de l’expérience scientifique — une réduction en réalité anthropologique. Elle doit au contraire inviter à s’envoler vers le haut, selon le célèbre début de l’encyclique Fides et ratio (1998) : « la foi et la raison sont comme les deux ailes qui permettent à l’esprit humain de s’élever vers la contemplation de ma vérité ». C’est pourquoi, comme nous l’avons vu, l’élargissement de la rationalité implique une purification de la raison.

À la culture contemporaine qui semble avoir le souffle court, toujours à la recherche de prestations techniques nouvelles et plus rapides, mais incapable de faire naître le bonheur sur le visage des hommes et des femmes qui marchent à nos côtés, il faut proposer de dépasser la raison calculatrice en reprenant l’activité de l’intelligence qui est toujours un intus-legere dans sa capacité de lire à l’intérieur de la réalité pour en découvrir le sens dernier. Or pour cela l’analyse exhaustive de « phénomène » qui semble tout ce que peut offrir la science moderne ne suffit pas. Élargir la raison implique « le retour à une notion “forte” de raison qui ne s’isole pas dans l’analytique du phénomène, mais recueille la dialectique qui meut la recherche analytique elle-même ; l’avertissement d’une exigence de sens qu’aucun paradigme scientifique n’a jusqu’à présent satisfait »25. Dans cette ligne, proposer la présence de la théologie à l’intérieur de l’université, au service d’une formation intégrale, devient une provocation pour ces pays qui depuis longtemps l’ont exclue des universités de l’État.

Or ce devoir de l’Église aujourd’hui s’adresse de manière particulière au monde de la science. Si l’option pour le dialogue entre la science et la foi est désormais bien accueillie par tant d’initiatives à différents niveaux, celui-ci n’implique pas néanmoins l’acceptation non critique des limites d’une certaine science moderne. La science ne sauve pas (cf. Spe salvi n. 25) parce qu’elle ne peut répondre aux demandes les plus radicales de l’homme. Le monde de la science, lui aussi, doit être évangélisé.

Un défi adressé à l’Église est celui de ce qu’on appelle l’« athéisme scientifique » (ou « nouvel athéisme »)26. Il s’agit d’un athéisme militant qui se base sur les sciences naturelles et expérimentales et veut démontrer l’insignifiance de la transcendance, et donc du christianisme et de l’Église. Il connaît un large succès éditorial dans les pays occidentaux à travers quelques auteurs qui, de diverses façons, s’appuient sur les sciences naturelles comme sur la seule base d’une vérité rationnelle et qu’on appelle significativement les « prêtres de la science »27. La religion est considérée comme non scientifique, si ce n’est précisément comme dommageable28. De manière provocante un homme de science comme Stephen Dawkins a pu ainsi soutenir que l’univers n’a pas besoin d’un Dieu créateur, puisqu’il est compréhensible dès qu’on en connaît les lois scientifiques29. Cet athéisme scientifique, qu’on peut situer dans un climat plus général d’anti-christianisme, soutient que les explications et les causes de tout sont purement naturelles et qu’ainsi la science peut tout expliquer, même ce que nous sommes habitués à appeler « spirituel » ; celui-ci se réduisant à de purs processus biologiques. Cette nouvelle forme de scientisme, en mesure d’« envahir » le champ traditionnellement réservé à la philosophie et à la théologie, ne croit qu’à ce qu’elle voit, en affirmant que tout le reste — et surtout la référence au surnaturel — n’est qu’imagination ou pieuse illusion. C’est une réédition d’un naturalisme scientifique qui fait voir jusqu’à quel point une raison « réduite » arrive à restreindre le champ de recherche de l’esprit humain.

Nous avons déjà cité une phrase prononcée par Benoît XVI au Collège des Bernardins en 2008 : « une culture purement positiviste serait une capitulation de la raison ». Le phénomène de l’athéisme scientifique représente un exemple de cette capitulation d’une raison renfermée sur les espaces étroits du positivisme et qui devient incapable de penser au-delà de l’analyse du phénomène. Il s’agit d’une mentalité très diffuse dans la culture générale. Elle n’est guère différente de celle d’un saint Thomas qui voulait voir et toucher pour croire (cf. Jn 20,25). On pense que le point de vue des hommes de sciences est vrai sans discussion aucune et que ce que dit la science suffit à l’intelligence du réel dont nous vivons. L’athéisme scientifique a besoin de l’annonce évangélisatrice de l’Église qui peut aujourd’hui s’exprimer opportunément comme une invitation à élargir les espaces de la rationalité.

Notes de bas de page

  • 1 Cf. par ex. : E. Eslava, « La razón mutilada. Ciencia, razón y fe en el pensamiento de Joseph Ratzinger », dans Scripta theologica 39 (2007), p. 829-852 ; J. M. Mcder Mott, « Joseph Ratzinger on Faith and Reason », dans Angelicum 86 (2009), p. 565-588 ; R. Weimann, « Glaube und Vernunft im Denken Joseph Ratzingers. Ein Ausblick », dans Forum katholische Theologie 26 (2010), p. 58-69.

  • 2 Foi, philosophie et théologie, Communio [fr] 10 (1985), p. 5-6, 24-37 = J. Ratzin Ger, Église et théologie, Paris, Mame, 1992, p. 15-36 ; Fede fra ragione e sentimento, Archivio Teologico Torinese 5 (1999), p. 7-19 (conférence donnée le 12.6.1998 au Théâtre Royal de Turin, à l’occasion de l’exposition du Saint Suaire), trad. fr. dans Foi, vérité, tolérance. Le christianisme et la rencontre des religions, Paris, Parole et Silence, 2005, p. 145-170 ; Vérité du christianisme ?, dans C. Mychon, ed., Christianisme : héritages et destins, Paris, Librairie générale française, 2002, p. 303-324 (conférence donnée le 27.11. 1999 à la Sorbonne, dans le cadre du Congrès « 2000 après ») ; Was die Welt zusammenhält. Vorpolitische moralische Grundlagen eines freiheitlichen Staates (entretien avec Jürgen Habermas le 19.1.2004 à l’Académie catholique de Bavière, Munich), dans J. Habermas - J. Ratzinger, Dialektik der Säkularisierung. Über Vernunft und Religion, Freiburg i.B., Herder, 2005, p. 39-60, trad. fr : Raison et religion. La dialectique de la sécularisation, Paris, Salvator, 2010, p. 63-85.

  • 3 L’Europa di Benedetto nella crisi delle culture (1.4.2005), Siena, Cantagalli, 2005, p. 29-65.

  • 4 Cf. Der Gott des Glaubens und der Gott der Philosophen. Ein Beitrag zum Problem der Theologia naturalis, München, Schnell & Steiner, 1960 ; Johannes-Verlag, Leutesdorf 20052 ; trad. it. : Il Dio della fede e il Dio dei filosofi. Un contributo al problema della theologia naturalis, prolusione a Bonn nuovamente pubblicata e commentata da Heino Sonnemans, Venezia, Marcianum Press, 2007.

  • 5 Il Dio della fede e il Dio dei filosofi … (cité supra n. 2), p. 50.

  • 6 Ibidem, p. 8.

  • 7 Vérité du christianisme ?, (cité supra n. 2), p. 311.

  • 8 Ibidem, p. 322-323.

  • 9 Foi, vérité, tolérance … (cité supra n. 2), p. 150.

  • 10 Ibidem, p. 164-165.

  • 11 Cf. Einführung in das Christentum. Vorlesungen über das Apostolische Glaubensbekenntnis, München, Kosel, 1968, p. 38-41 ; trad. fr. La foi chrétienne, hier et aujourd’hui, nelle éd, coll. Théologie, Cerf, 2005.

  • 12 L’Europa nella crisi delle culture … (cité supra n. 3), p. 36.

  • 13 Raison et religion … (cité supra n. 2), p. 82-83.

  • 14 R. Fisichella, « Verità, fede e ragione in J. Ratzinger », dans Path 6 (2007), p. 29.

  • 15 L’Europa nella crisi delle culture … (cité supra n. 3), p. 59.

  • 16 Cf. par. ex. : G. Angelini, « Fede e ragione. Secondo la “lectio magistralis” di Ratisbona », dans Teologia 32 (2007), p. 3-10 ; P. Blanco, « Fe, razón y amor. Los discursos de Ratisbona », dans Scripta theologica 39 (2007), p. 767-782 ; J. Bollack – Ch. Jambet – A. Meddeb, La conférence de Ratisbonne. Enjeux et controverses, Paris, Bayard, 2007 ; P. Coda, « Rileggendo la “lectio magistralis” di Benedetto XVI a Regensburg », dans Rassegna di teologia 50 (2009), p. 425-454 ; G. Emery, « Le discours du pape Benoît XVI à l’Université de Ratisbonne », dans Nova et vetera 82 (2007), p. 45-56 ; R. Ester Bauer, « Christliche Vernunft als Seele Europas ? Bemerkungen zur Regensburger Vorlesung Papst Benedikts XVI. », dans Stimmen der Zeit 132 (2007), p. 147-160 ; S. Kam Powski, « Allargare il nostro concetto di ragione : il dibattito fra Joseph Ratzinger e Jürgen Habermas », dans S. Grygiel – S. Kampowski, ed., Fede e ragione, libertà e tolleranza. Riflessioni a partire dal discorso di Benedetto XVI all’Università di Ratisbona, Siena, Cantagalli, 2009, p. 119-128 ; K. Müller, « Ambivalenza del “Logos” ? », dans Il Regno - attualità 53 (2008), p. 418-425 ; C. Ruini, « Al cuore dell’insegnamento di Benedetto XVI. Proporre la verità salvifica di Gesù Cristo alla ragione del nostro tempo », dans C. Ruini, Verità di Dio e verità dell’uomo. Benedetto XVI e le grandi domande del nostro tempo, Siena, Cantagalli, 2007, p. 13-45 ; F.-X. Putallaz, « Élargir l’horizon de la raison humaine », dans Nova et vetera 82 (2007), p. 57-66 ; H.Ch. Schmidbaur, « Das Verhältnis von Glaube, Vernunft und Wissenschaft in der Lehre und Verkündigung Papst Benedikts XVI. », dans Rivista teologica di Lugano 12 (2007), p. 7-38 ; G. Sgubbi, « L’amore che si dà a pensare. Il rapporto ragione-fede in Benedetto XVI alla luce della “Lezione di Regensburg” », dans G. Goisis - M. Ivaldo - G. Mura, ed., Metafisica, persona, cristianesimo. Scritti in onore di Vittorio Possenti, Armando, Roma 2010, p. 507-536 ; A.G. Vigo, « Cristianismo y opción por el ‹logos › », dans Scripta theologica 39 (2007), p. 853-864. Sur les réactions et commentaires provenant du monde protestant, cf. M. Hailer, « Glaube und Vernunft. Evangelische Überlegungen anlässlich der Regensburger Vorlesung Benedikts XVI. », dans Kerygma und Dogma 55 (2009), p. 100-116 ; W. Kasper, « Glaube und Vernunft. Zur protestantischen Diskussion um die Regensburger Vorlesung von Papst Benedikt XVI. », dans Stimmen der Zeit 132 (2007), p. 219-228.

  • 17 Rencontre avec les autorités et le corps diplomatique, Vienne, Hofburg, 7 septembre 2007 ; allocution [prévue] pour la rencontre avec les étudiants de l’Université “La Sapienza” de Rome, 17 janvier 2008 ; discours au monde de la culture, Collège des Bernardins, Paris, 12 septembre 2008 ; rencontre avec la communauté académique, Salon Vladislavsk//Code 09 09// du Château de Prague, 27 septembre 2009 ; rencontre avec le monde de la culture, Centre culturel de Belém — Lisbonne, 12 mai 2010 ; rencontre avec le Parlement et la British Society, Westminster Hall - City of Westminster, 17 septembre 2010 ; rencontre avec le monde de la culture et de l’économie, Basilique Santa Maria della Salute — Venise, 8 mai 2011 ; rencontre avec les jeunes professeurs universitaires, Basilique Saint-Laurent de l’Escorial, 19 août 2011.

  • 18 Discours à la Curie Romaine à l’occasion de la présentation des v œux de Noël, 22 décembre 2005 ; discours aux participants au IVe Congrès national de l’Église italienne, Foire de Vérone, 19 octobre 2006 ; discours aux participants à l’Assemblée Plénière de l’Académie Pontificale des Sciences, Salle des Papes, 6 novembre 2006 ; discours aux participants à l’Assemblée plénière du Conseil Pontifical pour la Culture, Salle du Consistoire, 8 mars 2008 ; discours au Congrès organisé par l’Université Pontificale du Latran pour le Xe anniversaire de l’encyclique Fides et ratio, Salle Clémentine, 16 octobre 2008 ; discours à l’occasion de la remise du « Prix Ratzinger », Salle Clémentine, 30 juin 2011.

  • 19 Cf. Deus caritas est n. 28 ; Spe salvi n. 22-26 ; Caritas in veritate n. 56-57.

  • 20 Pour approfondir le concept de raison (et de son rapport avec la science moderne) dans les interventions de Benoît XVI cf. U. Casale, « Fede e scienza, comunicazione di saperi ? », dans J. Ratzinger - Benedetto XVI, Fede e scienza. Un dialogo necessario, un’antologia a cura di U. Casale, Lindau, Torino 2010, p. 7-95 ; Á. Cordovilla, « Por una razón abierta y una fe iluminada. Benedicto XVI entre la Universidad de Ratisbona y la Universidad de La Sapienza », dans Estudios Eclesiásticos 83 (2008), p. 399-424 ; G. Cottini, L’Avvenimento della Conoscenza. Un itinerario tra i discorsi di Benedetto XVI al mondo della cultura, dell’Università, della scienza, (Ragione & fede, 26), Milano, Ares, 2011 ; E. Dirscherl, « Sul rapporto tra fede e ragione in Benedetto XVI », dans Nuntium 12 (2008), p. 2-3, 123-128 ; L. Leuzzi, Allargare gli orizzonti della razionalità. I discorsi per l’Università di Benedetto XVI, Milano, Paoline, 2008 ; F. Morrone, « Il rapporto tra fede e ragione in J.H. Newman e Benedetto XVI. Linee di ricerca », dans Vivarium 18 (2010), p. 403-419 ; G.L. Müller, « Die Rationalität des Glaubens. Eine Konstante im Lehramt von Papst Benedikt XVI », dans Revista Española de Teología 59 (2009), p. 535-546 ; A. Rigobello, « Considerazioni sull’esortazione di Benedetto XVI a un ‹allargamento della ragione › », dans Humanitas 63 (2008), p. 110-116 ; J. Sánchez Cañizares, « Razón y fe en la fundación del comprender. Reflexiones desde el magisterio de Benedicto XVI », dans Scripta Theologica 40 (2008), p. 859-876 ; G. Sgubbi, « Ragione strumentale, ragione “aperta” e agape. In ascolto di Benedetto XVI », dans Rivista teologica di Lugano 11 (2007), p. 353-382 ; Id., « Il “Logos” e l’ “Agape” : la rilevanza della ragione in Benedetto XVI. A dieci anni dalla Fides et ratio », dans Rivista di teologia dell’evangelizzazione 12 (2008), p. 229-265.

  • 21 C’est ici que commence la partie la plus longue du discours de Ratisbonne. Les trois requêtes de dé-hellénisation du christianisme qu’analyse Benoît XVI sont : 1) La Réforme du xvie siècle, qui refuse « une systématisation de la foi, entièrement déterminée par la philosophie », en proposant le sola Scriptura comme « la figure primitive de la foi » ; 2) la théologie libérale des xixe et xxe siècle, qui — distinguant le Dieu des philosophes et le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob (cf. Pascal) — propose « le retour à Jésus simple homme et à son message simple, qui serait antérieur à toutes les théologisations et aussi à toutes les hellénisations » et dès lors une analyse rationnelle et critique du message chrétien « en harmonie avec la raison moderne, précisément en le libérant d’éléments apparemment philosophiques et théologiques comme, par exemple, la foi en la divinité du Christ et en la Trinité de Dieu » ; 3) l’actuelle requête de dé-hellénisation du christianisme liée à la question de l’inculturation : « au regard de la rencontre avec la pluralité des cultures, on dit volontiers aujourd’hui que la synthèse avec l’hellénisme, qui s’est opérée dans l’Église antique, était une première inculturation du christianisme qu’il ne faudrait pas imposer aux autres cultures ».

  • 22 La science, « tout en donnant généreusement, ne donne que ce qu’elle doit donner. L’homme ne peut pas placer dans la science et dans la technologie une confiance radicale et inconditionnée au point de croire que le progrès scientifique et technologique puisse expliquer toute chose et répondre pleinement à tous ses besoins existentiels et spirituels. La science ne peut pas remplacer la philosophie et la révélation en répondant de manière exhaustive aux questions les plus radicales de l’homme : des questions sur la signification de la vie et de la mort, sur les valeurs dernières, et sur la nature même du progrès […] La science ne peut donc pas prétendre fournir une représentation complète, déterministe, de notre avenir et du développement de chaque phénomène qu’elle étudie » (à l’Assemblée Plénière de l’Académie Pontificale des Sciences, 2006).

  • 23 Voir aussi Caritas in veritate n. 56-57.

  • 24 « Je ne puis que manifester ma préoccupation devant la croissante marginalisation de la religion, particulièrement du christianisme, qui s’installe dans certains domaines, même dans des nations qui mettent si fortement l’accent sur la tolérance. Certains militent pour que la voix de la religion soit étouffée, ou tout au moins reléguée à la seule sphère privée. D’autres soutiennent que la célébration publique de certaines fêtes, comme Noël, devrait être découragée, en arguant de manière peu défendable que cela pourrait offenser de quelque manière ceux qui professent une autre religion ou qui n’en ont pas. Et d’autres encore soutiennent — paradoxalement en vue d’éliminer les discriminations — que les chrétiens qui ont des fonctions publiques devraient être obligés en certains cas d’agir contre leur conscience » [Westminster, 2010]. Il n’est pas fortuit que ces paroles aient été prononcées durant le voyage pastoral du Pape en Grande-Bretagne où il y avait une dure contestation de l’athéisme militant à l’égard de cette invitation au Pape de la reine Élisabeth (cf. tout particulièrement Richard Dawkins qui voulait faire arrêter Ratzinger au moment de sa descente d’avion sur le sol anglais parce qu’il l’accusait d’avoir couvert les prêtres pédophiles alors qu’il était préfet de la Congrégation de la foi).

  • 25 Rigobello, « Considerazioni sull’esortazione di Benedetto XVI … (cité supra n. 20), p. 113.

  • 26 Pour une première présentation, cf. E. Cibelli, « Nuovi ateismi nel contesto contemporaneo », dans Rassegna di teologia 50 (2009), p. 647-659 ; J. F. Haught, God and the new atheism : a critical response to Dawkins, Harris and Hitchens, Louisville, KY, Westminster - John Knox Press, 2008 ; G. M. Hoff, Die neuen Atheismen : eine notwendige Provokation, Kevelaer, Topos Plus, 2009 ; G. Lohfink, Welche Argumente hat der neue Atheismus ? Eine kritische Auseinandersetzung, Bad Tölz, Verl. Urfeld, 2008 ; A.E. Mcgrath, « Atheismus als Bestseller : der neue Szientismus », dans Concilium 46 (2010), p. 374-383 ; G. Mucci, « Il totalitarismo ideologico della scienza », dans La Civiltà Cattolica 160 (2009) II, p. 319-324 ; Id., « Il neoateismo », ibid. 162 (2011) II, p. 480-485 ; R. Schröder, Abschaffung der Religion ? Wissenschaftlicher Fanatismus und die Folgen, Freiburg i.B., Herder, 2008 ; G. Sgubbi, « Il « Nuovo Ateismo », la fede e la teologia », dans Rivista teologica di Lugano 15 (2010), p. 439-478 ; U. Swarat, « Kein wissenschaftlich fundiertes Denksystem. Der »Neue Atheismus »und seine Kritiker », dans Theologische Rundschau 75 (2010), p. 385-415.

  • 27 Cf. K. Giberson – M. Artigas, Oracles of Science : Celebrity Scientists Versus God and Religion, Oxford, Oxford University Press, 2007.

  • 28 C’est la thèse d’un des auteurs les plus représentatifs de ce courant : Richard Dawkins, en particulier dans The God delusion, Boston, Houghton Mifflin, 2006 ; trad. fr. : Pour en finir avec Dieu, Paris, Perrin, 2009. Parmi les auteurs plus significatifs de ce courant de pensée, nous pouvons mentionner entre autre Daniel Dennett, Sam Harris, Christopher Hitchens, Carl Sagan.

  • 29 Cf. S. Hawking – L. Mlodinow, The Grand Design, London, Bantam Press, 2010 ; trad. fr. : Y a-t-il un grand architecte dans l’univers ?, Paris, O. Jacob, 2011.

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