Sont rassemblés ici d'émouvants témoignages de soldats français,
recueillis au jour le jour, durant les douze premiers mois de la
Grande Guerre. Parmi eux, de nombreux ecclésiastiques: séminaristes
conscrits, religieux revenus d'exil, missionnaires rentrés au pays,
aumôniersvolontaires… C'est d'abord l'enthousiasme de l'union
sacrée: pour Dieu et pour la France. L'idéologie du sacrifice
patriotique rejoint la religion: cette guerre est sainte, légitime,
juste et nécessaire. Le désenchantement se manifeste dès le mois
d'oct. 1914: la guerre est ignoble et stupide… qu'on en finisse
n'importe comment! L'héroïsme est une invention de l'arrière. Tout
le monde en a plein le dos de la guerre. Être blessé le plus tôt
possible mais sortir de là. On évoque la douleur de devoir
abandonner des blessés; on mentionne en passant un geste de pitié
vis à vis d'un «boche». L'invitation du pape Benoît XV qui, sitôt
élu (au début sept. 1914), exhorte les belligérants «à entrer dans
la voie de la paix et à se tendre la main», passe inaperçue ou
suscite l'incompréhension. Nombreux sont ceux qui, tel Mgr
Baudrillart, s'étonnent de la neutralité du pape, basée sur le fait
que, «ayant de chaque côté de très nombreux fils, il ne doit pas
considérer les motifs particuliers qui les divisent». Ce même
Baudrillart exalte l'action sanctificatrice de la guerre, présentée
à la fois comme châtiment divin et comme source d'un renouveau
chrétien. Notons la réflexion: «Les horreurs de la guerre
conduisent à l'unité européenne.» Spécialiste de l'histoire
religieuse, l'A. du présent recueil conclut: le culte de la patrie
imprégnait davantage les mentalités que la foi au Jésus des
Évangiles. - P. Detienne sj