Ces deux Apologies, erronément attribuées à Justin le philosophe,
sont présentées par Mgr R. Minnerath, de l'université de
Strasbourg. La Lettre à Diognète (IIe siècle), qui répond à une
demande (fictive) d'un païen cherchant à connaître le
christianisme, est bien connue pour ses éloquents chapitres 5- 6:
les chrétiens, vivant dans le monde sans être du monde, sont au
monde, selon la métaphore stoïcienne, ce que l'âme est au corps:
leur présence soutient le monde. Pour prouver la supériorité du
christianisme, l'auteur anonyme s'en prend à la fois aux tabous
alimentaires des Juifs, à leur sabbat, à leur «mutilation
charnelle», à leurs sacrifices sanglants (!), et à l'idolâtrie des
païens, dont il réduit les dieux aux statues qui les représentent.
L'auteur, qui évoque le Verbe sans jamais citer ni le Christ ni
l'Esprit Saint, conclut par un fervent appel à la conversion.
L'Exhortation aux Grecs (IIIe siècle), dont voici la première
traduction française, utilise deux arguments: contrairement aux
prophètes hébreux qui, grâce à l'inspiration du Saint-Esprit,
s'accordent toujours entre eux, les auteurs païens ne sont pas
fiables: les dieux de l'Iliade, abondamment citée, sont ridicules;
les philosophes grecs se contredisent… et ce qu'ils disent de vrai,
ils le doivent à la Bible des Juifs (Platon a reçu l'enseignement
de Moïse, qu'il a déformé de peur de subir le sort de Socrate),
cette Bible miraculeusement traduite en grec… dont les chrétiens
sont les vrais propriétaires, même si le texte en est
provisoirement conservé dans les synagogues, de telle sorte que les
chrétiens ne peuvent être accusés de falsification. Apologie d'un
autre âge. - P. Detienne, S.J