Hagiographe de Charles de Foucauld depuis un demi-siècle, l'A.,
dans sa quatre-vingt-quatrième année, nous fait bénéficier des
abondantes sources manuscrites auxquelles il a eu accès. En un
texte émaillé de citations, judicieusement imprimées en caractères
italiques, il décrit l'évolution de son héros: un ermite voué à
l'imitation littérale de Jésus, qui envisageait un voeu de clôture
et une adoration perpétuelle du Saint Sacrement, devient
missionnaire «défricheur», son apostolat consistant en des
conversations familières; il prêche une «religion naturelle»,
estimant que la conversion peut prendre des siècles. Son immersion
n'a pu être totale: l'A. relève sa solitude «au coeur du désert,
sans véritable ami». Ceci expliquerait-il le temps qu'il consacre à
sa correspondance (5661 lettres répertoriées entre 1900 et 1916,
dont 648 en 1913: un tiers à sa famille en France, et un autre
tiers à des militaires), à ses études linguistiques (un
dictionnaire de 2000 pages), à la rédaction et à la propagation de
son projet de confrérie… alors que, nous dit-il, on frappe à sa
porte dix fois par heure? Quel temps pareille activité envahissante
lui laisse-t-il pour la prière? L'A. ne s'attarde pas sur la pensée
politique de Foucauld, qu'il faudra bien un jour, nous avertit-il,
étudier de plus près. Quelle a été son implication dans les
«opérations de pacification» de la conquête coloniale? Qu'en est-il
de son nationalisme? «Mon esprit est au front» écrit-il, dans cette
guerre sainte, la plus sanglante des croisades, que Dieu veut
longue pour châtier les Allemands et punir les Français. L'A. ne
cite pas Jean-Marie Muller (Frère universel ou moine soldat ? 2002)
mais il mentionne (et critique : élucubration fantastique, image
d'Epinal, tartufferie…) certaines interprétations d'auteurs qui
présentent Foucauld autrement. - P.-G.D.