Au colloque que le Centre Sèvres a consacré, en octobre 2010, à la
Tradition, sept théologiens, biblicistes et philosophes se sont
penchés sur le problème de la Tradition: certains la récusent comme
un retour à des valeurs révolues, tandis que d'autres s'en
réclament dans leur contestation de toute nouvelle expression de la
foi. Sont appelés à la barre: l'Écriture, le témoignage des
premières générations chrétiennes, la Constitution Dei Verbum du
Concile Vatican II. La Tradition se nourrit essentiellement de
l'Écriture, qu'elle explicite en un vocabulaire non scripturaire et
qu'elle transmet en sa totalité, compte tenu des situations
changeantes de temps et de lieux. Pour les Pères de l'Église, la
tradition inclut: le dépôt de la foi, le magistère vivant et la
transmission apostolique… qui appelle un incessant travail de
l'intelligence, sous la conduite de l'Esprit Saint, pour une
meilleure compréhension au service de l'écoute actuelle de
l'Évangile. La tradition n'est pas simple transmission, elle n'est
pas un but en elle-même. Elle n'est pas un ensemble fermé, elle ne
se réduit pas à une collection de dogmes. C'est toute la vie de
l'Église en acte qui est reçue, et livrée à la génération suivante,
réinterprétée de manière créatrice, selon une double règle de
continuité et de progrès, et non pas de croissance 'cumulative':
«le neuf en constant accord avec le vieux». Comment, sans revenir
en deçà de ce qui a été formulé dans le dogme, accueillir la
différence culturelle qui impose de véritables ruptures? C'est le
problème auquel a dû faire face la Déclaration Dignitatis humanae
sur la liberté religieuse. L'ouvrage se conclut sur un message
d'Enzo Bianchi: seule une Église évangélisée peut être une Église
évangélisatrice. - P. Detienne sj