L'A., moine bénédictin, évoque ici sa «rencontre» avec son confrère
aîné, Henri Le Saux (1910-1973), dont il n'a jamais croisé le
chemin, mais à qui il a consacré plusieurs ouvrages. Il le présente
comme un précurseur du dialogue hindou-chrétien et un familier des
Upanishads, quintessence de la sagesse hindoue. Il propose
ensuite un florilège de textes extraits de chacune des dix grandes
Upanishads, qui ont révélé le «Tu es Cela» au sannyâsî
chrétien: le soi (âtman) reconnaît expérimentalement son identité à
l'Absolu (Brahman): Qui connaît Brahman devient Brahman (Mundaka
Up.); L'homme sage voit tous les êtres dans le Soi, et le Soi dans
tous les êtres (Îshâ Up.). Tout en exaltant la profondeur de
l'aventure spirituelle de Le Saux, l'A. en épingle quelques
limites, inhérentes à son travail de pionnier dont lui-même était
conscient, et que ses successeurs sont invités à dépasser. Sa
connaissance du sanscrit et du tamoul est insuffisante: il cite
trop librement les textes. Son étude souffre d'un manque de
méthode: elle ne prend pas en compte l'évolution des Upanishads;
elle néglige le courant de la bhakti. Le Saux n'a pas toujours
évité le piège du concordisme: dans sa lecture chrétienne des Up.,
en fonction desquelles il interprète son expérience mystique, il
hasarde des rapprochements trop optimistes. Ce qui n'enlève rien à
son entreprise de précurseur, héroïquement solitaire. - P. Detienne
sj