Benoît de Canfield (1562-1610), capucin anglais réfugié en France,
propose, dans sa Règle de perfection, une expérience mystique de la
volonté de Dieu. Il en publie, en 1609, les deux premières parties:
volonté extérieure et intérieure, vie active et contemplative.
Paraît alors, à son insu, la même année, une édition pirate de la
troisième partie: volonté de Dieu 'essentielle', vie
'superéminente'. Certains lecteurs, dont François de Sales, s'étant
inquiété de ce que l'humanité du Christ y soit absente et de ce que
l'entendement et l'imagination y soient condamnés, Benoît
introduira, dans l'édition officielle (1610), outre quelques
atténuations éparses (plutôt, quasi, presque, en quelque manière),
un Traité de la Passion, en cinq chapitres, qui contredit son
propos. Le présent ouvrage reproduit les quinze chapitres du texte
de 1609. De quoi s'agit-il? D'union à Dieu sans aucun moyen; de
contemplation de l'essence divine sans formes ni images; de
cessation d'opération; de dénudation d'esprit; d'inaction en Dieu;
d'identification avec Dieu; d'anéantissement de la créature. La
créature est envers Dieu comme les rayons envers le soleil: si on
regarde les rayons, ils sont; si on regarde le soleil, ils ne sont
plus: tout est soleil. Suivant le lieu et le temps, l'annihilation
sera soit passive (amour fruitif), soit active (amour pratique) et
si parfaite et habituelle que la vie commune elle-même en devient
extatique: Dieu et l'âme vivent continuellement l'un dans l'autre.
C'est ce qu'exprime Benoît en des comparaisons charnelles hardies,
empruntées au Cantique des Cantiques: l'âme se réjouit à la vue de
la nudité de son Dieu; «elle s'unit à lui, et lui donne place entre
ses mamelles… Quelle douceur quand, tous deux dénudés, ils
s'embrassent!» - P. Detienne sj