L'A., jésuite irlandais qu'un long séjour au Japon a familiarisé
avec la mystique orientale, présente ici une étude théologique (en
quatre chapitres: connaissance, amour, purification, union) des
écrits d'un mystique anonyme anglais du XIVe siècle, contemporain
d'Eckhart et de Ruysbroeck: Nuage de l'inconnaissance; Livre de la
direction intime; Lettre sur la prière; Lettre sur le discernement
des élans intérieurs… Il fait appel à ses prédécesseurs (Grégoire
de Nysse, Denys l'Aéropagite, Thomas d'Aquin…) pour établir
l'orthodoxie de la doctrine christologique et ecclésiologique du
Nuage. Il relève l'étonnante harmonie de son enseignement avec
celui que, deux siècles plus tard, proposera Jean de la Croix.
Malgré certaines ambiguïtés nées d'une similitude «psychologique»
avec l'éveil que préconise le bouddhisme zen d'un D.T. Suzuki,
notre mystique anglais n'est pas moniste: séparé, par le nuage
d'oubli, de toutes les créatures (de toutes les connaissances
rationnelles et même de l'humanité du Christ), il est séparé de
Dieu par le nuage d'inconnaissance, contre lequel il frappe d'un
élan aveugle; il jouit alors d'une sagesse obscure, fondée sur la
foi et produite par l'amour, dans l'épanouissement de dons
surnaturels, non extraordinaires mais gratuitement accordés,
expérimentés à la suprême cime de l'esprit. Le Nuage distingue
l'appel au salut et l'appel à la perfection, qu'il assimile au don
de la prière contemplative. Pour les citations, Alain Saint-Marie,
traducteur du présent ouvrage, a utilisé sa propre traduction
(Cerf, 2004), qui n'a pas gardé le ton savoureusement archaïsant de
celle d'Armel Guerne (Seuil, 1977). - P. Detienne sj