La valeur morale de nos actes selon saint Thomas d'Aquin. Pour un fondement objectif de l'éthique

Jean-Malo de Beaufort
Morale et droit - Recenseur : T. S. Ngameni
Cet ouvrage réfléchit sur la valeur morale des actes humains. Sa pertinence tient à la fois de la profondeur des analyses et de la richesse d'un langage ciselé, précis et concis. L'auteur, en s'inspirant de la crise actuelle qui traverse le champ éthique, pose avec acuité et finesse l'épineuse question de l'objectivité des actes moraux. Un acte peut-il encore être déclaré bon ou mauvais indépendamment des dispositions subjectives de celui qui en est l'auteur? Peut-on envisager, à l'heure de la mondialisation des formes de vie, une éthique universelle à l'échelle planétaire basée sur une vérité objective de l'homme? Ne devrions-nous pas, au contraire, nous contenter d'une éthique procédurale, consensuelle et pragmatique en vertu même du pluralisme systémique?C'est sur l'arrière-fond de ces questions contemporaines que l'auteur entreprend de montrer l'irréductibilité d'une «moralité objective», ceci grâce à sa parfaite maîtrise de l'oeuvre morale de saint Thomas d'Aquin consignée pour l'essentiel dans la Secunda Pars de la Somme Théologique. La force persuasive de l'argumentation qui permet de parvenir à une telle conclusion obéit à une triple articulation: l'auteur commence par resituer la problématique de l'objectivité morale de l'acte telle qu'elle s'est posée dans l'histoire (notamment depuis Abélard) et a trouvé son élaboration la plus soigneuse dans la philosophe morale du Docteur angélique. En effet, l'analyse structurelle de l'acte libre et du jugement éthique chez l'Aquinate a pour but de montrer que l'objet de l'acte est porteur d'un sens moral fondamental. Malheureusement, une mauvaise compréhension de la notion thomasienne de l'objectum actus moralis amène certains à ne considérer chez Thomas que le seul aspect physique de l'action libre au point que sa pensée en ce domaine est parfois taxée d'«extrinsécisme». Un tel réductionnisme est simpliste car, dans sa morale, le Docteur commun ne fait en aucun cas l'économie d'un auto-investissement proprement volontaire de tout sujet moral dans ses actes. Une fois admise l'existence d'une structure interne de l'agir volontaire, il est dès lors possible de voir sur la base de quels principes cet agir est susceptible d'une spécification morale. Autrement dit, dans quelle mesure un acte humain entre-t-il en rapport avec les valeurs morales en général et, originairement, avec celles du bien et du mal dont Thomas lui-même se sert pour repérer «ce qui est propre à la bonté et la malice morale». Ces principes que la tradition reconnaît par ailleurs comme étant les sources de la moralité sont au nombre de trois: l'objet qui spécifie l'acte, la fin à la fois comme principe et terme de tout acte libre, et les circonstances qui peuvent soit augmenter soit diminuer la gravité ou l'imputabilité de l'acte commis. Ces critères objectifs de la moralité tels qu'ils furent formalisés par saint Thomas d'Aquin et remis en lumière par notre auteur ne relèvent pas d'un optimisme épistémologique naïf, mais sont plutôt aptes à relever les défis éthiques contemporains. Leur caractère opératoire subsiste donc, comme le met particulièrement en évidence l'encyclique Veritatis Splendor. Ce dernier aspect de la thématique abordé dans l'ouvrage donne à l'encyclique une valeur autre que didactique. V.S. est, de l'avis de son auteur, un véritable instrument de guérison de la conscience éthique contemporaine. Il nous conduit à une redécouverte de la dignité intrinsèque de la personne et de sa capacité au progrès moral. - T.S. Ngameni

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