Cet ouvrage réfléchit sur la valeur morale des actes humains. Sa
pertinence tient à la fois de la profondeur des analyses et de la
richesse d'un langage ciselé, précis et concis. L'auteur, en
s'inspirant de la crise actuelle qui traverse le champ éthique,
pose avec acuité et finesse l'épineuse question de l'objectivité
des actes moraux. Un acte peut-il encore être déclaré bon ou
mauvais indépendamment des dispositions subjectives de celui qui en
est l'auteur? Peut-on envisager, à l'heure de la mondialisation des
formes de vie, une éthique universelle à l'échelle planétaire basée
sur une vérité objective de l'homme? Ne devrions-nous pas, au
contraire, nous contenter d'une éthique procédurale, consensuelle
et pragmatique en vertu même du pluralisme systémique?C'est sur
l'arrière-fond de ces questions contemporaines que l'auteur
entreprend de montrer l'irréductibilité d'une «moralité objective»,
ceci grâce à sa parfaite maîtrise de l'oeuvre morale de saint
Thomas d'Aquin consignée pour l'essentiel dans la Secunda Pars de
la Somme Théologique. La force persuasive de l'argumentation qui
permet de parvenir à une telle conclusion obéit à une triple
articulation: l'auteur commence par resituer la problématique de
l'objectivité morale de l'acte telle qu'elle s'est posée dans
l'histoire (notamment depuis Abélard) et a trouvé son élaboration
la plus soigneuse dans la philosophe morale du Docteur angélique.
En effet, l'analyse structurelle de l'acte libre et du jugement
éthique chez l'Aquinate a pour but de montrer que l'objet de l'acte
est porteur d'un sens moral fondamental. Malheureusement, une
mauvaise compréhension de la notion thomasienne de l'objectum actus
moralis amène certains à ne considérer chez Thomas que le seul
aspect physique de l'action libre au point que sa pensée en ce
domaine est parfois taxée d'«extrinsécisme». Un tel réductionnisme
est simpliste car, dans sa morale, le Docteur commun ne fait en
aucun cas l'économie d'un auto-investissement proprement volontaire
de tout sujet moral dans ses actes. Une fois admise l'existence
d'une structure interne de l'agir volontaire, il est dès lors
possible de voir sur la base de quels principes cet agir est
susceptible d'une spécification morale. Autrement dit, dans quelle
mesure un acte humain entre-t-il en rapport avec les valeurs
morales en général et, originairement, avec celles du bien et du
mal dont Thomas lui-même se sert pour repérer «ce qui est propre à
la bonté et la malice morale». Ces principes que la tradition
reconnaît par ailleurs comme étant les sources de la moralité sont
au nombre de trois: l'objet qui spécifie l'acte, la fin à la fois
comme principe et terme de tout acte libre, et les circonstances
qui peuvent soit augmenter soit diminuer la gravité ou
l'imputabilité de l'acte commis. Ces critères objectifs de la
moralité tels qu'ils furent formalisés par saint Thomas d'Aquin et
remis en lumière par notre auteur ne relèvent pas d'un optimisme
épistémologique naïf, mais sont plutôt aptes à relever les défis
éthiques contemporains. Leur caractère opératoire subsiste donc,
comme le met particulièrement en évidence l'encyclique Veritatis
Splendor. Ce dernier aspect de la thématique abordé dans l'ouvrage
donne à l'encyclique une valeur autre que didactique. V.S. est, de
l'avis de son auteur, un véritable instrument de guérison de la
conscience éthique contemporaine. Il nous conduit à une
redécouverte de la dignité intrinsèque de la personne et de sa
capacité au progrès moral. - T.S. Ngameni