Quatre professeurs, de philosophie ou de littérature, aucun d'eux
exégète de profession, se rencontrent à Paris, le 27 avril 2007,
pour une journée d'études consacrée au Cantique des Cantiques; ils
y commentent, à tour de rôle, le verset de leur choix. Dans 2,7 Je
vous conjure, ô filles de Jérusalem, par les biches et les gazelles
des champs, n'éveillez pas, ne provoquez pas l'amour avant qu'il le
veuille, Catherine Chalier relève la riche ambivalence de l'amour
incertain: patience d'Israël tant que Dieu n'est pas prêt à lui
accorder son retour en grâce? Ou patience de Dieu tant qu'Israël,
ou l'âme humaine, ne s'est pas éveillée au désir de s'approcher de
Lui? À propos du 5,2 Je dors et mon coeur veille, Jean-Louis
Chrétien évoque une phénoménologie de l'attention et du désir:
selon que l'insistance est placée sur l'un ou l'autre terme, la
contemplation sera soit intellective soit affective. Dans le 1,7 Si
tu ne te connais pas, sors qui, selon Origène, est à l'origine du
Gnôthi seauton des Grecs, Ruedi Imbach voit, avec saint Bernard, un
«savoir pour édifier.» Commentant 1,4 Je suis noire mais belle dans
les termes de la Vulgate qui est la seule version à utiliser
l'adversatif, Dominique Millet-Gérard remarque que le paradoxe a
été institutionnalisé dans la liturgie à l'éloge de Marie, dans un
sens 'accommodatice'. Elle rappelle que, dans la tradition juive,
Israël, qui est noir parce qu'en exil, est beau en tant que fidèle
à l'observance de la Loi. S'y ajoute une connotation messianique:
noir en ce siècle, beau dans le siècle à venir. Une mine
d'érudition agréable. - P.-G.D.