Les catholiques, la psychanalyse et la Bible. Fabrique d'une alliance paradoxale
Chantal PaisantPsychologie - Recenseur : Didier Luciani
Traversant un siècle d'une histoire passionnante et mouvementée (de la création de l'Association internationale de psychanalyse en 1910 à nos jours), ce livre retrace tout d'abord les grandes étapes par lesquelles la pensée chrétienne a peu à peu intégré les apports de la psychanalyse. Dans la construction de cette alliance complexe et qui ne cessera jamais tout à fait d'être paradoxale, l'A. en discerne trois : 1) « Catholicisme et psychanalyse : une alliance possible ? 50 ans de débat, 1910-début des années 1960 » (p. 7-44) ; 2) Foi et psychanalyse, l'alliance risquée. 1965-fin des années 1980 » (p. 45-104) ; 3) « Le psychologique et le spirituel : l'alliance aux frontières. 1990-2015 (p. 105-163). En passant, rappelons qu'à chacune de ces étapes, certains jésuites ont été impliqués dans le débat. Qu'il suffise de citer, parmi d'autres, les noms de Louis Beirnaert (1906-1985), Francesco Gaetani (1889-1957), Raymond Hostie (1920-1999), Jules de La Vaissière (1863-1941), Joseph Maréchal (1878-1944), François Roustang (1923), Denis Vasse (1933). Un second versant du livre, non moins intéressant, analyse les différentes confrontations entre l'herméneutique biblique et la psychanalyse et la façon dont celles-ci, à chaque époque, ont essayé de s'articuler. On peut certes voir dans l'intérêt général et ambigu de Freud à l'égard de la Bible, l'origine d'une telle attraction, mais - comme Chantal Paisant le montre bien - depuis L'homme Moïse et le monothéisme (1939), les postures des exégètes et des psychanalystes se sont bien diversifiées et parfois opposées. Qu'on pense ici - là aussi, parmi bien d'autres - à des essais aussi divers que ceux de Françoise Dolto (1908-1988), de Nicole Jeanmet (1940), de Marie Balmary (1940) du côté des psychanalystes, et à ceux de Paul Beauchamp (1924-2001), de Jean Delorme (1920-2005) ou d'André Wénin (1953) du côté des exégètes. Le seul fait qu'un tel panorama puisse être proposé et, par ailleurs, qu'un document comme celui de la Commission biblique pontificale (L'interprétation de la Bible dans l'Église, 1993) intègre l'apport des sciences humaines (dont la psychanalyse) dans la démarche exégétique, prouve combien les tensions se sont apaisées, même si de nouveaux défis restent à relever, notamment ceux que posent ces « nouveaux aventuriers » du religieux qui mêlent, sans trop de discernement et parfois jusqu'à la confusion, psy et spi. - D. Luciani