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Les mouvements et associations de fidèles dans l’ecclésiologie de Joseph Ratzinger

Dominique Waymel c.s.j.
L’éclosion des nouveaux mouvements de laïcs dans l’Église après le Concile Vatican II a suscité de l’engouement mais aussi des questions et des réserves. Dans ce débat, la contribution théologique de J. Ratzinger mérite d’être relevée. Cet article présente certains principes structurants de la pensée ecclésiologique de J. Ratzinger permettant de saisir comment le théologien les situe au sein du mystère de l’Église, leur crédibilité et leurs limites pour la mission de l’Église.

Benoît XVI a toujours été attentif à la nouvelle évangélisation. Le dernier synode d’octobre 2012 ainsi que la création d’un dicastère pour celle-ci en sont la manifestation claire. Ce souci fut cependant bien antérieur à son pontificat. En témoigne l’accueil qu’il réserva aux nouveaux mouvements de laïcs1, dont beaucoup ne sont apparus dans l’Église qu’après le Concile Vatican II. Joseph Ratzinger n’hésita pas, très tôt, à exposer sa profonde estime à leur égard et à affirmer dès 1977 que le devoir des autorités au sein de l’Église et des théologiens était de « tenir la porte ouverte2 » à ce renouveau et de lui préparer une place. Il se distinguait en cela de nombreux pasteurs, très réservés à leur égard, si l’on se rappelle les débats au cours du synode de 1987 sur la vocation et la mission des laïcs dans l’Église3. Cette prise de position claire de la part d’un homme au caractère plutôt réservé, ne cherchant certainement pas à diminuer l’importance des structures permanentes de la vie de l’Église, s’enracine dans le fait qu’il percevait ces nouveaux mouvements — constitués de chrétiens heureux d’annoncer en toute simplicité le Christ — comme un don de Dieu pour l’Église dans une société en voie de déchristianisation.

Voyant en eux des sujets ecclésiaux soucieux de l’évangélisation, J. Ratzinger, comme théologien puis comme préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, a donc travaillé à préciser la vocation et la mission de ces nouveaux mouvements dans l’Église afin qu’ils y soient accueillis par les pasteurs et l’ensemble du peuple de Dieu. Autrement dit, sa réflexion voulait être au service du déploiement de la symphonia ecclésiale nécessaire pour rendre crédible le message évangélique. En effet, n’est-il pas vain que l’Église se présente comme « sacrement du salut », ayant une mission de réconciliation au service de l’humanité déchirée, si persistent en son sein des divisions, des oppositions mortifères ?

La question de la place des nouveaux mouvements au sein de l’Église se révèle être un lieu théologique qui synthétise des éléments structurants de l’ecclésiologie du théologien allemand. Nous avons en effet constaté que les interventions4 de J. Ratzinger sur les nouveaux mouvements sont liées à de nombreuses questions ecclésiologiques : nature et structure de l’Église, ministère pétrinien et mission de l’Église, Église universelle, Église particulière et ministère épiscopal, apostolicité de l’Église et participation des laïcs à sa mission. À quoi il faut ajouter des questions fondamentales sur la place de l’ontologie et le statut de l’histoire pour penser théologiquement et approcher le mystère de l’Église. Aussi est-ce en étudiant les questions ecclésiologiques et épistémologiques fondamentales de la pensée ratzingérienne que l’on trouve des clés pour analyser ses écrits — relativement brefs — sur la vocation et la mission des nouveaux mouvements dans l’Église.

Les quelques pages de cet article ne permettent pas d’aborder toutes ces questions. Nous voudrions donc seulement présenter dans un premier temps certains éléments fondamentaux structurants de l’ecclésiologie de J. Ratzinger. Dans un deuxième temps, nous présenterons la manière dont il met en œuvre ces principes pour situer les mouvements et associations de fidèles au sein de l’unique sujet Église.

I Les principes structurant la pensée ecclésiologique de J. Ratzinger

Trois sujets-clés dans les écrits de J. Ratzinger sur l’Église vont nous permettre de mettre en lumière certains principes structurant sa pensée : tout d’abord la nature de l’Église, puis la nature du renouvellement de l’unique sujet Église se déployant dans l’histoire, enfin les ministères épiscopal et pétrinien au service de la mission de l’Église.

1 La nature de l’Église : mystère, communion, mission

La question de la nature de l’Église, qui a animé l’ecclésiologie du début du xx e siècle, est certainement fondamentale pour J. Ratzinger. Elle est, selon lui, le point de départ de toutes les autres questions :

Le questionnement actuel sur l’Église vise dans une large mesure à la modifier pour l’améliorer. Mais quiconque veut réparer un outil, et à plus forte raison guérir un organisme, doit auparavant en connaître la structure interne. Si l’on veut éviter d’agir à l’aveuglette et par là même de provoquer des dommages, il faut préalablement s’interroger sur son être5.

Mais J. Ratzinger constate que « la plupart des questions sur l’Église débattues de nos jours sont d’ordre pratique : Quelle est la responsabilité de l’évêque ? (…) À quoi sert la papauté ? Comment les évêques et le pape, les Églises particulières et l’Église tout entière doivent-ils collaborer ? Quelle est la place des laïcs dans l’Église ?6 » Cependant, note-t-il, pour y répondre convenablement, il est nécessaire préalablement de revenir sur la question de fond : qu’est-ce que l’Église ?

Cette question, abordée dès sa thèse de doctorat sur Augustin7, tient une place fondamentale dans ses travaux. « L’Église n’est le Peuple de Dieu que dans et par le Corps du Christ8 » : ce résultat essentiel de son doctorat devient un leitmotiv de son ecclésiologie et lui permet de montrer que c’est au cœur de la célébration eucharistique, restituée dans sa vraie dimension communautaire, que l’on est le plus à même de saisir l’Église et sa mission.

L’Église, note-t-il, devient par la célébration de l’eucharistie, et d’une façon tout à fait expérimentable, le corps du Christ, le peuple de Dieu engagé dans l’histoire de l’humanité et envoyé en mission dans le monde. Elle est, dans son essence, au service du monde, l’instrument de la réconciliation des hommes avec Dieu et entre eux et elle atteste dans l’histoire que Dieu veut conduire toute l’humanité à la réconciliation. Elle a donc le devoir de manifester au reste du monde ce but ultime vers lequel il tend. Dans son article « Église comme sacrement du salut9 » écrit en 1977, J. Ratzinger résumait ces aspects de son ecclésiologie de la façon suivante : « (…) l’Église est communio, elle est communio de Dieu avec les hommes dans le Christ et donc des hommes entre eux et ainsi sacrement, signe et instrument du salut. »

Nous comprenons alors que J. Ratzinger, à la suite des Pères et d’Augustin, soit particulièrement attentif à la qualité du tissu ecclésial. L’Église est fraternité, l’Église est communion, ce sont deux termes centraux de ses écrits dans lesquels il dénonce la banalisation de ces concepts, souvent vidés de leur enracinement sacramentel. Il relève combien les communautés chrétiennes fraternelles, riches de diversité, rendent visible l’universalité du salut apporté par le Christ. Ses écrits nous montrent également l’importance qu’il attache à la redécouverte de l’Église locale et aux liens horizontaux entre les Églises comme un élément infrangible de la catholicité10. Cependant, son attention se porte progressivement sur la nécessité de dépasser tout particularisme. Il en viendra à affirmer en 1992, dans la Lettre de la Congrégation pour la doctrine de la Foi « Communionis notio 11 » — qu’il signera comme préfet — la priorité ontologique et chronologique de l’Église universelle.

Cette assertion très controversée fut l’objet de nombreuses réactions et d’un débat épistolaire public entre les deux cardinaux Ratzinger et Kasper12. En effet, le texte de la Congrégation fut perçu comme une tentative de retour au centralisme romain, ce dont J. Ratzinger s’est défendu. Nous observons qu’il répond aux critiques en soulignant l’accent mis par le document sur « l’autotranscendance » de l’Église, accent qui met en exergue le fait que l’Église ne doit pas être repliée sur elle-même mais qu’elle est ouverte à la dynamique missionnaire, envoyée dans le monde pour annoncer et témoigner du salut de Dieu13 et réunir ses enfants dispersés. Il affirme avec netteté que la notion d’Église-communion exprime, d’une part, la nature missionnaire de l’Église, et, d’autre part, ouvre à la mission eschatologique de l’Église : « l’union de l’humanité est précisément la vocation essentielle de l’Église14 ».

Ainsi, c’est en étant consciente qu’elle est mystère, Corps du Christ, peuple de Dieu, sacrement du salut, communion, charité, fraternité, mission, que l’Église peut s’interroger, à chaque génération, sur la manière dont elle doit se renouveler pour être ce qu’elle doit être dans le monde.

J. Ratzinger attache par ailleurs une grande importance à l’image de l’Église-épouse qui rappelle à celle-ci qu’elle n’existe et ne se réalise qu’en étant tournée vers le Christ, dans l’Esprit Saint. La nécessité, comme épouse, de réactualiser constamment sa réponse d’amour rappelle à l’Église sa mission et la possibilité de l’échec et de l’infidélité. Ce point est également central dans son ecclésiologie.

2 L’Église, une communauté en continuel renouvellement

Dans ses écrits, le théologien relève que l’on ne saurait figer, comme ayant une valeur absolue, aucune des formes historiques de l’Église, mais qu’au contraire, sa nature et sa mission exigent que celle-ci soit une communauté en continuel renouvellement. Le critère fondamental de discernement de la forme que doit prendre ce renouvellement est la fidélité à la mission apostolique. J. Ratzinger note que le Concile Vatican II a voulu ce renouveau qui consiste à passer d’une attitude conservatrice à une attitude non pas progressiste mais missionnaire15. L’importance du renouveau ecclésial, au service d’un renouveau missionnaire, a ainsi amené J. Ratzinger à prendre position sur deux points : l’un concerne la nature de la relation de l’Église au monde ; l’autre vise les réformes institutionnelles.

Au sujet de la relation de l’Église au monde, le théologien affirme clairement la nécessité pour l’Église de s’ouvrir aux préoccupations du monde, pour y être à son service. Mais au cours de la période post-conciliaire il a dénoncé une réduction séculière du message de la foi et ce qu’il estime être une trop grande ouverture au monde à cause d’une vision naïve de celui-ci. L’Église est dans le monde, à l’écoute de l’histoire et attentive à ce monde, mais elle sera toujours signe de contradiction, force provocatrice et sa mission consiste à ouvrir l’humanité au message du Christ. J. Ratzinger insiste sur le fait que le rapport de l’Église avec le monde doit se comprendre à la lumière du sacrum commercium initié par Dieu lui-même dans l’incarnation16. Autrement dit, l’ouverture au monde doit être de type christologique et non mondanisante, c’est-à-dire qui se laisserait transformer par le monde et s’y adapterait sans tenir compte de sa nature propre.

En outre, si au moment du Concile, en particulier lors des travaux sur le chapitre trois de Lumen gentium, J. Ratzinger a fait des propositions pour un renouvellement des institutions17, à partir des années 1970, il parle du fanatisme de réformes purement structurelles. Il remarque que les efforts d’aggiornamento ont finalement conduit à une surestimation de l’élément institutionnel dans l’Église et à lui accorder une importance sans précédent dans l’histoire :

Fonctions et institutions n’ont certes jamais été aussi sévèrement critiquées, mais jamais elles n’ont absorbé aussi exclusivement l’attention, au point de devenir aux yeux d’une majorité la seule réalité de l’Église. Le débat sur l’Église s’épuise en discussions sur l’organisation à lui donner18.

Ainsi, J. Ratzinger estime en 1972 que l’Église est davantage centrée sur elle-même, sur ses problèmes d’organisation et de répartition des pouvoirs, que tournée vers le monde à évangéliser19. Il prend ses distances par rapport à un type de christianisme « paperassier » — selon sa propre expression — et à la multiplication des conseils et des plans pastoraux qui peuvent devenir un obstacle à l’accueil de la nouveauté suscité par l’Esprit et au dynamisme missionnaire. Le théologien insiste sur l’importance première du renouvellement personnel et théologal, autrement dit, sur la conversion comme source du renouvellement ecclésial nécessaire pour la mission. Il rappelle ce qui est au cœur de la vie chrétienne : la proclamation de la foi (kerygma), le témoignage (martyria) et le service (diakonia), afin que le Dieu vivant soit annoncé « pour que l’homme puisse apprendre à vivre avec Dieu, sous son regard et en communion avec lui20 ». L’Église a sans cesse besoin de se renouveler en ses membres et ses structures et doit se laisser bousculer par le Seigneur qui renouvelle sans cesse son Église, afin qu’elle demeure « instrument des bienfaits de Dieu dans le monde21 ».

Dans cette perspective, J. Ratzinger envisage les ministères épiscopal et pétrinien comme services de l’unité et de la mission universelle de l’Église.

3 Les ministères épiscopal et pétrinien au service de la mission universelle de l’Église

Les écrits pré-conciliaires de J. Ratzinger manifestent l’importance que le théologien attache à la collégialité épiscopale telle qu’elle était comprise à l’époque patristique. Dès 195922, J. Ratzinger a montré que le ministère pétrinien et le ministère épiscopal sont deux pôles qui se rapportent l’un à l’autre, fondés sur l’unité et la pluralité de la célébration eucharistique et qui doivent avoir un poids identique dans la structure de l’Église, elle-même subordonnée à l’annonce du kérygme. Il notait très clairement que la théologie de la succession apostolique n’est ni une théologie épiscopale, ni une théologie papale, mais qu’elle est double :

Le siège épiscopal de Rome lui-même ne se trouve pas isolé, dépourvu de toutes relations. Il crée la catholicité des autres sièges, mais pour cette raison même il a également besoin de la catholicité. Il instaure l’ordre essentiel de la catholicité ; et précisément pour cela il a besoin de la réalité de la catholicité. De même que, d’un côté, il est le garant de la catholicité essentielle, de même, d’un autre côté, la véritable catholicité est son garant. De même que les autres sièges ont besoin du témoignage apostolique de Rome pour être catholiques, de même Rome a besoin de leur témoignage catholique, le témoignage de la réelle plénitude, pour demeurer vrai et catholique23.

Ainsi, l’Église n’apparait pas comme un cercle à centre unique mais comme une ellipse à deux foyers : l’épiscopat et la primauté24.

Dans la période post-conciliaire, un de ses commentaires de Vatican II attire l’attention sur les deux types de structure collégiale présents dans le texte du Concile et qui se complètent : l’une patristique et l’autre dite moderne25. Il observe que la différence d’approches ne relève pas d’une simple spéculation théorique, mais a une portée considérable pour la compréhension de l’exercice des ministères pétrinien et épiscopal et, par conséquent, pour le renouveau de la vie de l’Église. Il note que selon le point de départ choisi, les problèmes et les questions qui se posent sont différents. La première perspective, dite patristique — peu présente dans le texte conciliaire26 — a pour préoccupation principale « de rétablir l’organisme des Églises particulières dans l’unité de l’ensemble universel27 ». La deuxième conception, dite moderne, s’attache surtout au pouvoir suprême du collège sur l’Église universelle et à la manière d’équilibrer celui-ci avec le pouvoir du pape.

Au moment du Concile, J. Ratzinger, attentif à la structure patristique de la collégialité, a fait des propositions de réformes institutionnelles pour une coexistence renouvelée et équilibrée des ministères pétrinien et épiscopal, afin de redonner aux Églises locales toute leur place. L’analyse de ses interventions post-conciliaires relatives à la structure et à la mission du synode des évêques, spécialement en 1985, et ses différentes prises de position par rapport aux conférences épiscopales, permet de mettre en lumière l’évolution de sa pensée. En effet, tout en restant attaché à la forme patristique de la collégialité, il ne semble pas tirer toutes les conséquences de ce type de collégialité qu’il privilégie. En particulier, il résiste à la mise en œuvre de structures régionales qui répondent à une vocation divine selon Lumen Gentium 28, tel qu’il le proposait au moment du Concile. Il affirme que c’est d’abord à travers le bon gouvernement de leur propre diocèse que les évêques participent à la mission universelle de l’Église et non en cherchant à participer à un organe central de gouvernement. Lui-même devenu archevêque de Munich et Freising en 1977, il insiste sur le rôle essentiel de l’évêque diocésain dans l’ouverture de son Église locale à la catholicité. Autrement dit, l’évêque doit être attentif à un double mouvement : d’une part, que l’Église locale s’ouvre à l’Église universelle, et d’autre part, que l’Église universelle s’enracine dans l’Église locale29. La catholicité de l’Église particulière est à construire jour après jour, au rythme de l’histoire. Une méconnaissance de cet enjeu peut conduire au repliement de l’Église locale sur elle-même et à une uniformisation pastorale. Cette catholicité, rappelle J. Ratzinger, exige, d’une part, l’accueil de la diversité des sujets ecclésiaux — groupes, mouvements, congrégations religieuses — et, d’autre part, une dynamique de communion entre toutes les composantes de l’Église en un lieu. L’évêque en est éminemment responsable.

Finalement, on peut dire qu’il semble secondaire, selon J. Ratzinger, d’associer les évêques à des décisions qui auront un impact sur l’Église entière, décisions qui reviennent au pape secondé par la curie. Il s’agit là d’un débat fondamental qui aujourd’hui fait encore discussion aussi bien dans l’Église catholique que dans le dialogue avec les Orthodoxes.

Cette première partie nous a permis de saisir l’importance que J. Ratzinger attache au déploiement de l’identité missionnaire de l’Église, le discernement qu’il opère sur la nature de cette mission et enfin le renouvellement inscrit dans la nature même de l’Église qui a sa source et son terme dans la vie trinitaire. Autant d’éléments permettant de saisir l’attention portée par le théologien à l’insertion et la mission des nouveaux mouvements dans la mission de l’Église, malgré leur jeunesse et les « maladies infantiles » visibles qui peuvent les toucher.

II L’insertion et la mission des nouveaux mouvements dans l’Église

C’est dans un contexte marqué par des tensions entre les nouveaux mouvements, d’une part, et les communautés hiérarchiques locales avec leurs pasteurs, d’autre part, que J. Ratzinger propose une réflexion théologique marquante en 1998, au cours du Symposium précédant le rassemblement de Pentecôte des nouveaux mouvements à Rome.

Fidèle aux principes qui structurent son ecclésiologie, le point de départ de son intervention est une réflexion sur la nature de l’Église. Celui-ci lui permet de montrer que les mouvements sont un don de l’Esprit constituant l’Église dans son être. C’est le premier point sur lequel nous allons nous arrêter. Dans un second temps, nous aborderons le lien nécessaire des mouvements à la succession apostolique. Le Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la Foi rappelle que la communion d’un mouvement avec les pasteurs légitimes ainsi que l’estime des autres communautés ecclésiales constituent des critères de discernement de l’ecclésialité de ce mouvement. Nous verrons ainsi la manière dont il tente d’articuler la place du ministère pétrinien et du ministère épiscopal avec les nouveaux mouvements. Enfin, et cela constituera notre troisième point, si J. Ratzinger souligne l’importance des nouveaux mouvements pour le déploiement de l’Église dans son être et sa mission, ses écrits mettent également en lumière le rôle de la communauté paroissiale. Nous aborderons cette complémentarité, qui doit être accueillie comme l’expression de la diversité catholique au sein de la communion ecclésiale.

1 Les nouveaux mouvements : un don de l’Esprit constituant l’Église dans son être

Par sa prise de parole lors du symposium de 1998, J. Ratzinger cherche à enraciner les mouvements dans la nature de l’Église et à montrer que les dimensions institutionnelle-hiérarchique et charismatique sont co-essentielles au mystère de l’Église. Pour cela il opère un discernement sur le choix de la démarche intellectuelle à mettre en œuvre pour situer dans l’Église ces nouveaux sujets ecclésiaux que sont les mouvements. Ce point est capital, car c’est en fait le discernement sur la manière d’interroger et de comprendre le mystère de l’Église qui est en jeu.

Ainsi, le cardinal Ratzinger étudie trois « dialectiques » souvent utilisées pour « théologiser les liens entre pastorale traditionnelle et nouveaux mouvements30 » : institution/charisme, christologie/pneumatologie, hiérarchie/prophétie. Mais au terme de son étude, le préfet congédie ces trois dialectiques et montre que la structure de l’Église n’est pas de nature dialectique, mais organique et sacramentelle.

La structure permanente sacramentelle de l’Église n’est pas moins pneumatique que les nouveaux mouvements entendus au sens large, c’est-à-dire toutes les structures ecclésiales communautaires issues d’un charisme particulier. Tous les sujets ecclésiaux, tant personnels que communautaires, sont animés par l’Esprit et doivent œuvrer à cette unité riche de diversité. De même, les nouveaux mouvements ne peuvent prétendre « avoir l’exclusivité » de la ligne prophétique alors que la pastorale traditionnelle serait du côté de la hiérarchie. Si J. Ratzinger dénonce ces trois « dialectiques » comme inappropriées pour saisir le mystère de l’Église, cependant leur étude a le mérite de proposer des éléments de réflexion importants pour aider à dépasser certaines tensions pastorales mortifères.

Ayant montré l’incompatibilité de cette approche dialectique avec la nature même de l’Église qui a une structure sacramentelle et qui est un mystère de communion, J. Ratzinger propose une approche historique. Il estime en effet que c’est l’histoire qui va donner des clés pour situer la nature et la mission des nouveaux mouvements de laïcs.

Selon lui, parler d’histoire, c’est présupposer qu’il y a un élément invariant se perpétuant à travers les transformations et par lequel demeure l’identité du sujet étudié. Ainsi l’histoire permet-elle au théologien de mettre en lumière les constantes de l’action de Dieu dans la nouveauté qui s’inscrit dans un dessein providentiel dont l’origine et le terme sont en Dieu. La démarche du théologien consiste donc, lorsqu’il investit l’histoire de l’Église, à repérer, par-delà les changements, le « noyau stable » qui forme l’identité du sujet Église.

Le ministère apostolique missionnaire est un de ces « noyaux stables » au service de la mission universelle de l’unique Église. Il est donc un élément qui fait partie de l’identité de l’Église. J. Ratzinger met également en lumière, à côté des ministères relevant de la succession apostolique, de multiples réalités, mouvements, ordres religieux, qui, à partir d’une organisation centralisée propre à chacun, ont un dynamisme et une activité pastorale exercés certes dans une Église particulière mais pourtant considérés comme des services de l’ensemble de l’Église. Historiquement, ces mouvements apparaissent sous des formes toujours nouvelles parce que, précisément, ils sont la réponse de l’Esprit Saint aux situations changeantes au milieu desquelles vit l’Église. Ainsi, à la lumière du caractère universel de la mission apostolique, on comprend la place et le rôle de ces nouveaux mouvements qui font vraiment partie de l’identité de l’Église.

J. Ratzinger met ainsi en exergue qu’en plus des éléments fondamentaux nommés habituellement — la célébration eucharistique, l’administration des sacrements, la Parole et la succession apostolique —, on doit prendre en considération les sujets ecclésiaux réunis autour d’un charisme pour approcher la forme concrète de l’identité de l’Église dans l’histoire. Ceux-ci font partie du noyau stable de l’identité de l’Église. Le sujet ecclésial, dans sa figure historique, manifeste sa référence constitutive et fondatrice à l’apostolicité de son origine et de sa forme. Cette apostolicité, garantie et transmise de façon sacramentelle par la succession apostolique, se déploie également sous des formes nouvelles suscitées par l’Esprit. Les mouvements sont un signe de la liberté de formes où se réalise l’unique sujet Église qui vit, croît, et se développe.

Les nouveaux sujets ecclésiaux communautaires sont des manifestations de l’Esprit, constituant l’Église dans son être, dans son action et dans sa tâche de renouvellement sans cesse nécessaire pour remplir sa mission dans un monde en perpétuel changement. J. Ratzinger relève — à partir de son analyse de l’histoire — que les mouvements ont toujours été à la source d’un renouveau spirituel et missionnaire pour toute l’Église dans sa dimension particulière et universelle.

Ainsi, le théologien montre que les mouvements sont à comprendre dans le cadre de l’apostolicité et de la catholicité de l’Église. Ceux-ci rappellent que l’apostolicité de l’Église ne se réduit pas à la succession apostolique. Mais celle-ci, cependant, exige la communion avec les pasteurs.

2 Les nouveaux mouvements et les ministères épiscopal et pétrinien

Conscient du reproche fait aux mouvements de constituer une Église parallèle, une Église dans l’Église31, J. Ratzinger s’est appliqué à montrer comment les ministères pétrinien et épiscopal concourent au déploiement organique et structuré du mystère de l’Église-communion dans lequel doivent s’insérer ces mouvements.

Le cardinal rappelle qu’au nom de la communion ecclésiale, il faut que ceux qui sont porteurs d’un don, comme ceux qui sont appelés à en juger, soient réellement dans une attitude d’accueil mutuel. L’évêque doit favoriser les diverses formes d’apostolat dans son diocèse et ne pas avoir une compréhension restreinte de l’unité qui conduit à une uniformisation. J. Ratzinger invite ainsi les pasteurs à accueillir avec espérance ce que l’Esprit Saint a suscité dans l’Église à travers les nouveaux mouvements de laïcs32. Il n’hésite pas à insister sur l’importance du rôle de l’évêque et du curé en un lieu donné, pour veiller à l’ouverture de l’Église aux nouvelles réalités, et insiste aussi sur la responsabilité qui leur revient, de vérifier leur ecclésialité dont un des critères est leur désir d’œuvrer à la communion ecclésiale.

Après avoir souligné la responsabilité importante des évêques dans l’accueil des nouveaux mouvements ainsi que la sollicitude avec laquelle ils doivent les accompagner, pour que ceux-ci déploient leur charisme universel dans l’Église locale de façon mature et ecclésiale, J. Ratzinger met également en lumière le lien historique de la papauté et des mouvements. Ainsi il n’hésite pas à affirmer, en revisitant l’histoire, que le ministère pétrinien est le « pilier ecclésial33 » des nouveaux mouvements, puisque leur mission est supra-locale et qu’ils sont une réalité de l’Église universelle. Il considère d’ailleurs que les nouveaux mouvements ont un rôle essentiel pour préserver l’Église locale d’un repliement sur elle-même et il affirme qu’enracinés dans le ministère de Pierre, ils sont des éléments au service de la communion entre les Églises locales34. Devenu pape, il invita les mouvements à être toujours plus « collaborateurs du ministère apostolique universel du pape35 ». Mais J. Ratzinger, en voyant les nouveaux mouvements comme « un organe immédiat de l’Église universelle36 », en affirmant que le ministère pétrinien est le « pilier ecclésial » des nouveaux mouvements, ne reste-t-il pas un peu prisonnier des schémas et de la situation de l’époque médiévale ?

Nous relevons cependant que J. Ratzinger entend bien articuler la mission des ministères pétrinien et épiscopal dans l’Église et dénoncer des comportements nuisibles à la communion :

Les Églises locales et les mouvements apostoliques devraient, les uns et les autres, reconnaître constamment et accepter qu’est vrai aussi bien l’« ubi Petrus, ibi Ecclesia » que l’« ubi episcopus, ibi Ecclesia ». Le primat et l’épiscopat, la structure ecclésiale locale et les mouvements apostoliques, ont besoin les uns des autres : la Primauté ne peut vivre qu’avec un épiscopat vivant, et grâce à lui, l’épiscopat ne peut sauvegarder sa dynamique et l’unité apostolique que dans l’obéissance et l’union avec la Primauté. Quand l’une des deux parties est diminuée, c’est l’Église entière qui en souffre37.

Les mouvements sont liés en même temps au ministère pétrinien et au ministère épiscopal ; ce sont deux pôles qui contribuent à leur donner leur identité. En effet, par leur présence dans une Église particulière, les mouvements concourent à donner à l’unité de cette Église particulière une diversité interne et rendent visible sa catholicité. Il ne conviendrait pas pour autant à des mouvements de droit pontifical d’invoquer leur attachement au pape pour justifier leur « autonomie » par rapport à l’évêque local.

Si J. Ratzinger analyse le lien des nouveaux mouvements au ministère épiscopal et au ministère pétrinien en tentant de les articuler au service de la communion, nous ne percevons pas qu’il donne une place à la collégialité épiscopale dans cette réflexion. Il nous semble qu’il serait également important de penser le lien des mouvements à une institution collégiale régionale, comme par exemple une conférence épiscopale continentale, qui favoriserait les échanges entre les Église locales. Il apparaît en effet nécessaire de mettre en œuvre de nouvelles formes de collégialité adaptées au monde et aux situations pastorales actuelles. L’Église est une réalité vivante. J. Ratzinger rappelle souvent qu’elle est un « organisme de l’Esprit Saint » et qu’il est impératif que les membres de l’Église — autant les laïcs que la hiérarchie — se laissent éduquer par Lui pour répondre à la mission qui est la leur dans l’Église.

3 Les nouveaux mouvements et les paroisses dans la mission de l’Église

Dans les mouvements, J. Ratzinger voit des figures de l’Église particulièrement aptes à répondre au défi de la mission aujourd’hui, pour deux raisons. D’une part, il perçoit chez eux une « prise de décision en faveur de la foi tout entière de l’Église38 » ; ils annoncent le contenu de la foi sans ambiguïté, avec une véritable joie de croire et un grand élan missionnaire. D’autre part, le futur pontife relève que les mouvements sont des lieux où la foi et la vie baptismale sont saisies dans leur dimension sociale. En outre, remarque-t-il, les mouvements possèdent la spécificité d’être des « lieux » aidant les chrétiens à se sentir chez eux dans l’Église qui, trop souvent, pourrait n’apparaître à certains que comme une grande organisation internationale. Ainsi, les nouveaux mouvements contribuent à faire reconnaître l’Église comme une maison où l’on trouve l’atmosphère de la famille de Dieu. Cependant, J. Ratzinger attire l’attention sur le fait que, tout en vivant plus visiblement une dimension familiale et « communionnelle » au sein de leur communauté, les mouvements doivent maintenir toujours vive la conscience d’appartenance à l’Église une : ils doivent être au service de la construction de l’Église-communion.

J. Ratzinger admet que les mouvements ont parfois fait preuve d’immaturité en faisant de leur charisme un absolu, en se repliant sur soi ou bien en tentant d’imposer leur type d’expérience spirituelle à tous. Leur manque de sens de l’Église universelle et l’absence de lien avec les autres communautés ecclésiales ont parfois conduit à une fragmentation sans vraie recherche de communion. Cette attitude, note-t-il, est en contradiction avec la nature de l’Église qui est une communauté de communion, de charité et de fraternité :

Dans le réseau des communautés de communion, (…) s’amorce déjà la communion à l’intérieur de l’humanité et avec Dieu, et c’est elle qui est le but ultime de l’événement du Christ. Car toute communauté de communion est « fraternité » ; elle s’entrelace dans l’unique fraternité de toutes les tables du Seigneur de par le monde, et ces communautés de table sont fondamentalement ouvertes, elles ne sont pas des cercles fermés, mais elles sont la traduction concrète de l’invitation que Dieu lance à tous les hommes de prendre part à l’éternel repas des noces39.

Le témoignage de communautés en communion les unes avec les autres malgré leur diversité est indispensable pour la crédibilité de la mission de l’Église.

En outre, dans la mesure où l’entrée dans un mouvement ou une communauté associative est un acte libre, subjectif et non pas lié à un critère objectif comme c’est le cas pour l’appartenance à une paroisse, le mouvement est le lieu de la prise en considération de valeurs individuelles dans un cadre social. Les nouveaux mouvements sont donc une forme ecclésiale particulièrement à même de relever un défi auquel l’Église doit faire face : annoncer Dieu au monde à travers le témoignage d’une forme de vie et d’engagement plus ouverte à la spécificité et à la recherche personnelle tout en honorant la dimension sociale de la vie chrétienne. Ainsi, comme le remarque L. Villemin, « la vie associative dans l’Église permet d’accueillir la quête affinitaire (…) aujourd’hui fondamentale dans la quête des croyants40 ». La vie associative a donc une place unique dans la responsabilité de l’accueil du sujet.

Cependant, aucune forme institutionnelle communautaire ne peut prétendre être plus apte que les autres à permettre que soit vécu le don vital de la foi avec son exigence missionnaire. Les nouveaux mouvements doivent être conscients de la limite de leur témoignage, en raison du libre engagement propre au modèle associatif. Celui-ci présente le risque que le mouvement ressemble davantage à un club d’amis, qui se sont choisis en fonction d’affinités, qu’à une communauté, convoquée et rassemblée par le Seigneur. Au contraire, la paroisse, qui est une communauté érigée en fonction d’un critère objectif le plus souvent territorial41, présente un atout important pour découvrir un aspect du mystère de l’Église : on ne se choisit pas, on se reçoit les uns les autres comme un don.

L’unité territoriale est l’expression du fait que le christianisme n’est pas un groupe d’amis qui se séparent des autres pour se refermer sur eux-mêmes, mais des hommes trouvés par le Seigneur qui acceptent les frères que le Seigneur leur donne. Comme nous le savons, la différence entre ami et frère réside précisément là : l’ami est quelqu’un que je cherche, le frère m’est donné. En ce sens il faut accepter les frères qui, peut-être, ne me sont pas sympathiques, mais qui sont mes frères parce que nous sommes unis dans la même foi42.

Ainsi, chaque fidèle se sait attaché à une paroisse et pourra faire l’expérience — à une époque où la mobilité des personnes est grande — de la variété de visages des communautés chrétiennes qui sont toujours la même Église. Auprès de chacune de ces communautés paroissiales, le fidèle a le choix de s’investir selon la modalité qui lui convient, et il est sûr que lui sera proposée l’intégralité des éléments de la vie chrétienne : l’annonce de la foi, la liturgie et les sacrements, et la dimension caritative43. La paroisse est toujours ouverte à tous, elle est ce point de référence auquel un fidèle, et même tout homme, peut toujours s’adresser.

Nous notons cependant que tout en ayant très tôt mis en lumière l’importance de la synodalité pour la vie et la mission de l’Église, J. Ratzinger exprime sa réticence vis-à-vis de la participation des laïcs aux institutions communautaires de gouvernement dans les communautés dites hiérarchiques44. Ses adresses aux mouvements et associations soulignent que l’exercice de la liberté et de la responsabilité des laïcs doit, de façon urgente, se détourner de l’administration interne de l’Église et se tourner vers les hommes qui attendent un message d’espérance45. On peut cependant se demander pourquoi il ne perçoit pas dans les conseils de vrais lieux de discernement et d’écoute de l’Esprit Saint, ayant pour finalité de renforcer l’unité de l’Église et d’organiser la participation de chacun des fidèles à la mission de l’Église, selon les capacités reçues. La situation allemande, caractérisée par un excès de bureaucratisation, d’institutionnalisation et de réglementation, ainsi que l’expérience malheureuse des conseils auxquels il eut à participer en tant qu’évêque de Munich, permettent certainement de comprendre cette position.

Quoi qu’il en soit, les écrits de J. Ratzinger montrent que la communauté hiérarchique qu’est la paroisse ne semble pas moins adaptée à la situation actuelle de la mission de l’Église46. Mais elle l’est autrement. La pluri-appartenance est un fait, et aucune communauté ne peut prétendre être totalisante.

La complémentarité et les rapports entre les différentes vocations dans l’Église, favorisés par les relations des nouveaux mouvements entre eux et avec l’Église particulière et universelle, réalise ce « réseau de communion de l’Église [qui] est pour ainsi dire la forme concrète du filet que Dieu a lancé dans la mer de ce monde pour capturer l’humanité et la tirer sur les rivages de l’éternité47 ». Communion, rappelle souvent J. Ratzinger, ne signifie pas uniformisation et disparition des particularités ; les mouvements en sont un exemple comme « forces créatrices » qui ouvrent l’avenir48.

Conclusion

Les écrits de J. Ratzinger mettent en lumière l’importance qu’il attache à la mission de réconciliation de l’humanité que le Seigneur a confiée à son Église. C’est la raison pour laquelle il montre sa volonté d’œuvrer à la symphonia ecclésiale en dépassant les oppositions entre les différents sujets ecclésiaux personnels et communautaires.

On observe cependant que certaines « tensions » demeurent. Ainsi, nous avons évoqué sa volonté d’articuler la responsabilité du ministère pétrinien et du ministère épiscopal par rapport à la mission de l’Église universelle. Il resterait à démontrer comment, dans cette perspective, la collégialité épiscopale est à même de se déployer.

En outre, tout en relevant l’influence positive indéniable des mouvements dans la vie ecclésiale locale et le dynamisme évangélisateur qu’ils ont apporté à l’Église dans sa catholicité, les écrits de J. Ratzinger suggèrent que la communauté hiérarchique qu’est la paroisse, érigée en fonction de critères objectifs, garde toute son importance pour la mission de l’Église, en tant que figure eschatologique du rassemblement de la diversité, autrement dit, comme témoignage de la catholicité. Cependant, nous avons aussi senti une réserve par rapport à certaines modalités de participation des laïcs à la vie et la mission de l’Église dans ces communautés hiérarchiques. Nous entendons néanmoins son souci d’attirer l’attention, d’une part, sur une participation mal comprise, qui n’a plus rien à voir avec la synodalité, et, d’autre part, sur une attitude ecclésiale davantage tournée vers des questions internes de répartition de pouvoir qu’attentive à l’appel urgent de l’annonce de l’Évangile. J. Ratzinger estime que l’Église qui ne s’occupe plus que d’elle se consume finalement elle-même, alors qu’une « Église qui se comprend et vit avec justesse ne se regarde pas, elle sort d’elle-même et agit pour les autres49 ». L’Église sait que l’avenir final du monde n’est autre que le Christ lui-même, qui vient réconcilier l’humanité. Cette Bonne Nouvelle doit être annoncée.

Notes de bas de page

  • 1 Il participa activement à la rencontre des mouvements ecclésiaux et communautés nouvelles avec le pape Jean-Paul II, le 30 mai 1998. La liste des mouvements présents place Saint-Pierre est publiée dans la Doc. cath. 2185 (1998), p. 626 : le Chemin néo-catéchuménal, la communauté de l’Arche, la communauté de l’Emmanuel, la communauté des Béatitudes, la communauté du Chemin Neuf, la communauté du Pain de Vie, Communion et libération, la communauté Sant’Egidio, la communauté Vie chrétienne, les Équipes Notre-Dame (1938), Foi et Lumière, les Foyers de charité (1936), la Légion de Marie (1921), le mouvement Focolari (1944).

  • 2 J. Ratzinger, Entretien sur la foi, Paris, Fayard, 1985, p. 48.

  • 3 Cf. P. J. Cordes, Benedetto XVI ispira i nuovi movimenti e le realtà ecclesiali. Il punto sulla situazione teologico-pastorale, Città del Vaticano, LEV, 2012, p. 7-8.

  • 4 Les textes principaux de J. Ratzinger abordant la problématique des nouveaux mouvements sont les suivants : Entretien sur la foi (cité n. 2), p. 45-48 ; « Les mouvements d’Église et leur lieu théologique », in Doc. Cath. 2196 (1999), p. 81-92 ; « Les mouvements, l’Église et le monde, dialogue avec le cardinal Joseph Ratzinger », dans Pontificium Consilium pro Laicis, Les mouvements ecclésiaux dans la sollicitude des évêques, Séminaire d’études 16-18 juin 1999, coll. Laïcs aujourd’hui 4, Città del Vaticano, 1999, LEV, p. 223-255.

  • 5 J. Ratzinger, Appelés à la communion, Paris, Parole et Silence, 1993, p. 7.

  • 6 Ibid., p. 11.

  • 7 Id., Volk und Haus Gottes in Augustins Lehre von der Kirche, München, MThS. S. 7, St. Ottilien, 1992.

  • 8 Ibid., p. xiv : « Kirche ist Volk Gottes nur im und durch den Leib Christi ».

  • 9 Id., « L’Église comme sacrement du salut », dans Les principes de la théologie catholique. Esquisse et matériaux, Paris, Téqui, coll. Croire et savoir, 20052, p. 46-57.

  • 10 Id., « Fraternité », Dictionnaire de spiritualité, 1964, col. 1162.

  • 11 Congrégation pour la doctrine de la foi, « Lettre aux évêques de l’Église catholique sur certains aspects de l’Église comprise comme communion Communionis notio », 28 mai 1992, Doc. Cath. 2055 (1992), p. 729-734.

  • 12 W. Kasper, « Zur Theologie und Praxis des bischöflichen Amtes », dans W. Schreer, G. Steins (éd.), Auf eine neue Art Kirche sein. Festschrift für Bischof Homeyer, München 1999, p. 32-48. ; J. Ratzinger, « L’Ecclésiologie de la Constitution conciliaire Lumen Gentium » (27 fév. 2000, lors du Congrès d’études sur le Concile Vatican II), Doc. Cath. 2223 (2000), p. 302-312 ; Id., « Die große Gottesidee “Kirche” ist keine Schwärmerei », Frankfurter Allgemeine Zeitung 298 (22 déc. 2000), p. 46 ; W. Kasper, « Das Verhältnis von Universalkirche und Ortskirche », Stimmen der Zeit 125 (2000), p. 795-804 ; J. Ratzinger, « The Local Church and the Universal Church : Response to Walter Kasper », America (19 nov. 2001), p. 7-11 ; W. Kasper, « Letter of reply » from the President of the Council for Promoting Christian Unity, America (26 nov. 2001), p. 28-29. Une monographie soignée de A. Cattaneo, « La priorità della Chiesa universale sulla Chiesa particolare », Antonianum 77 (2002), p. 503-539, relève l’ampleur de la non-réception de Communionis notio 9 dans les différents espaces linguistiques où s’élabore la théologie universitaire.

  • 13 J. Ratzinger, « Alcuni aspetti della Chiesa intesa come comunione », dans La Chiesa mistero di comunione per la missione. Un contributo teologico e pastorale, Simposio promosso dalla Direzione nazionale delle Pontificie Opere Missonarie, Roma, Urbaniana University Press, 26-27 nov. 1994, p. 57-69 ; « Dibattito », p. 71-77.

  • 14 Id., « Communio : un programme », dans Croire et Célébrer, Paris, Parole et Silence, 2008, p. 193.

  • 15 Cf. Id., « Weltoffene Kirche ? Überlegungen zur Struktur des Zweiten Vatikanischen Konzils » dans Das neue Volk Gottes, Entwürfe zur Ekklesiologie, Düsseldorf, Patmos, 1969, p. 300.

  • 16 Cf. Ibid., p. 284-285.

  • 17 Id., Mon concile, Paris, Artège, 2011, p. 101.

  • 18 Id., « Église du Christ, lieu de ma foi », dans Je crois en l’Église, que jamais je n’en sois séparé, Tours - Paris, Mame, 1972, p. 86.

  • 19 Voir aussi Id., Dogme et annonce, Paris, Parole de Silence, 2012, p. 398.

  • 20 Id., « L’Église au seuil du troisième millénaire », dans Faire route avec Dieu, L’Église comme communion Paris, Parole et Silence, 2003, p. 269.

  • 21 Id., « La culpabilité de l’Église. Présentation du document de la commission théologique internationale : Mémoire et réconciliation », dans Faire route avec Dieu (cité n. 20), p. 266.

  • 22 Id., « Primat, Episkopat und successio apostolica », dans Gesammelte Schriften, Band 12, Künder des Wortes und Diener eurer Freude, Freiburg-Basel-Wien, Herder, 2010, p. 212-232.

  • 23 Ibid., p. 229.

  • 24 Ibid., p. 217.

  • 25 Cf. Id., « La collégialité épiscopale. Développement théologique » dans L’Église de Vatican II : Études autour de la constitution conciliaire sur l’Église « Lumen Gentium », Paris, Cerf, coll. Unam sanctam 51c, 1966, p. 763-790.

  • 26 Lumen gentium 23 ; Christus Dominus 11.

  • 27 J. Ratzinger, « La collégialité épiscopale » (cité n. 25), p. 777.

  • 28 LG 23d : « La divine Providence a voulu que les Églises diverses établies en divers lieux par les apôtres et leurs successeurs se rassemblent au cours des temps en plusieurs groupes organiquement réunis, qui, sans préjudice pour l’unité de la foi et pour l’unique constitution divine de l’Église universelle, jouissent de leur propre discipline, de leur propre usage liturgique, de leur patrimoine théologique et spirituel. (…) De même, les Conférences épiscopales peuvent, aujourd’hui, contribuer de façons multiples et fécondes à ce que le sentiment collégial se réalise concrètement. »

  • 29 J. Ratzinger, Appelés à la communion (cité n. 5), p. 86.

  • 30 L. Villemin, « La paroisse, les diocèses et les nouveaux mouvements », Études 4059 (déc. 2006), p. 644.

  • 31 J. Ratzinger, dans son article « Les mouvements d’Église et leur lieu théologique » (cf note 4) aux notes 21-23, renvoie à A. Cattaneo, « I movimenti ecclesiali : aspetti ecclesiologici », Annales Theologici 11 (1997), p. 409.

  • 32 J. Ratzinger, Entretien sur la foi (cité n. 2), p. 48.

  • 33 Id., « Les mouvements d’Église et leur lieu théologique » (cité n. 4), p. 87.

  • 34 Cf. Congrégation pour la doctrine de la foi, Communionis notio 16.

  • 35 Benoît xvi, Homélie adressée aux mouvements et communautés nouvelles le 3 juin 2006, Doc. Cath. 2361 (2006), p. 626.

  • 36 J. Ratzinger, « Alcuni aspetti » (cité n. 13), p. 76.

  • 37 Id., « Les mouvements d’Église et leur lieu théologique » (cité n. 4), p. 91.

  • 38 Id., Entretien sur la foi (cité n. 2), p. 47.

  • 39 Id., « De l’espérance », Communio IX/4 (1984), p. 41.

  • 40 L. Villemin, « Les mouvements et les associations de fidèles dans la mission de l’Église », Documents Épiscopat 8 (2011), p. 20.

  • 41 CIC 372.

  • 42 J. Ratzinger, dans « Les mouvements, l’Église et le monde, dialogue avec le cardinal Joseph Ratzinger » (cité n. 4), p. 233.

  • 43 CIC 528-534.

  • 44 J. Ratzinger, Dogme et annonce (cité note 19), p. 225 : « Par théologie des laïcs, on entend de plus en plus une lutte pour une nouvelle forme de ministère ecclésial, ce qui est contradictoire. Car ou le laïc est laïc ou il ne l’est pas. Une théologie du laïcat comprise comme un combat pour atteindre la parité dans le gouvernement de l’Église est une caricature, même si ce malentendu se dissimule derrière la notion de gouvernement synodal de l’Église. »

  • 45 Ibid., p. 226.

  • 46 Cf. Id., Appelés à la communion (cité note 5), p. 67-72 ; Faire route avec Dieu, Paris, Parole et Silence, 2003, p. 94-96 ; Les principes de la théologie catholique (cité note 9), p. 283-284.

  • 47 Id., L’Unité des nations. La vision des Pères de l’Église. Paris, Éd. de l’Homme Nouveau, 2011, p. 47.

  • 48 Cf. Id., Le sel de la terre. Le christianisme et l’Église catholique au seuil du troisième millénaire, Paris, Flammarion, 20052, p. 124.

  • 49 Id., Dogme et annonce (cité n. 19), p. 226.

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