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Pie XI, le Christ Roi et les totalitarismes

Marie-Thérèse Desouche
Entre les deux conflits européens du XXe siècle, celui de 1914-1918 et celui de 1939-1945, se situe le pontificat du pape Pie XI. Ce dernier répond par une christologie politique à la montée des nationalismes et au développement des totalitarismes dans cette période. La figure du Christ, Roi humilié dans sa passion et dans sa mort, interpelle l’usage du pouvoir par les puissants de son temps. Cet article s’attelle à découvrir ce fondement en face de chacune des dérives politiques de l’époque.

Entre les deux conflits mondiaux de 1914-1918 et 1939-1945, le pontificat du pape Pie XI s’est trouvé confronté aux conséquences du premier de ces conflits, celui qui a vu naître et se développer des régimes totalitaires. Pie XI a compris que les germes d’une nouvelle guerre s’y trouvaient contenus ; il a condamné de façon prophétique et tranchante les dérives totalitaires de son temps1.

Si Pie XI, pour fonder son propos, évoque l’autorité de Dieu, les règles morales, la loi naturelle et la place de la conscience comme le fera Pie XII par la suite, ce n’est pas sur ces arguments qu’il s’appuie ultimement pour construire sa dénonciation — celle dont l’histoire se souvient encore aujourd’hui. Il en cherche d’autres, nouveaux, dans la réflexion théologique et le combat sociopolitique. Sa dénonciation renvoie à la figure du Christ humilié dans son refus de suivre la conception du pouvoir qui prévaut dans les sociétés humaines ; elle en appelle à la construction de son Royaume dans l’histoire, espace où le Père a tout remis entre ses mains et où sa Seigneurie d’amour est à l’œuvre ; elle vise enfin à une fraternité humaine sauvée par le Christ en croix, fraternité dont dont Il est le Premier-Né. Dans ce but, le pape élabore une christologie politique autour de la figure du Christ, Roi en son humanité, modèle et source de toute transfiguration de l’histoire. Notre étude s’attache à découvrir cette christologie dans ses grandes lignes et la façon dont elle est évoquée dans sa lutte contre les totalitarismes d’un entre-deux-guerres marqué par le nationalisme, le mouvement de l’Action Française, le fascisme italien, le nazisme et le communisme2.

I Les grands axes de la christologie de Pie XI

1 Une christologie de la paix

Le point de départ de la christologie des encycliques de Pie XI est la situation historique de l’entre-deux-guerres, caractérisée comme des « années d’airain »3. La devise du pontificat, « À la recherche de la paix du Christ par le Règne du Christ »4, présentée dans l’encyclique inaugurale Ubi Arcano de 1922, constitue un résumé de la pensée de Pie XI et du type de gouvernement qui l’incarne. Sa christologie est une réponse à des guerres fratricides sans fin et à une quête de la paix, impossible à vue humaine.

Le Christ est la paix, le Roi de la véritable paix. La paix est le nom de son œuvre de salut. Cette paix est donnée par Dieu en son Fils, dont la naissance sur la terre fut acclamée par les anges qui chantaient : « Paix sur terre aux hommes de bonne volonté ». Elle se traduit par un travail de la réconciliation entre ce qui était séparé et brisé. Elle advient sur la Croix, comme victoire du Christ sur toutes les puissances de division : « en Lui, il a détruit la haine » (Ep 2,14). Le règne de paix du Christ est en genèse au cœur de l’histoire. Centre de cette histoire, le Christ en est aussi le sommet, l’origine et la fin, la source et l’espérance. Il est la clef d’interprétation des événements. C’est dire l’importance majeure de cette première encyclique.

2 La Royauté du Christ comme Homme

Ce Christ, Roi de la véritable paix, est non seulement Roi en tant que Dieu, mais aussi comme Homme. L’encyclique Quas Primas de 1925 affirme en effet la Royauté du Christ comme Homme sur l’univers de façon directe, immédiate et absolue5. Cette affirmation est en quelque sorte un apport dogmatique6. L’institution de la fête du Christ Roi7 en est la traduction liturgique. L’encyclique s’appuie sur les dogmes des Conciles de Nicée et d’Éphèse. Elle se fonde sur l’Écriture et la liturgie, tout en évoquant enfin des développements théologiques ultérieurs, pour montrer que la nature de la Royauté du Christ est spirituelle. Dans son rapport aux pouvoirs de son temps durant sa vie publique, le Christ s’est tenu en retrait du champ civil, non parce qu’il ne possédait pas la qualité de Roi véritable, mais parce qu’il n’a pas voulu s’en servir8. En mettant ainsi en place la figure du Christ Roi comme Homme, exerçant son pouvoir royal, l’encyclique trouve son fondement pour dénoncer les absolutisations orgueilleuses et idolâtriques du pouvoir dans les courants politiques de son temps.

3 Les interdits d’une lecture idéologique de la figure du Christ Roi, source et modèle de l’autorité politique

L’enseignement ultérieur de Pie XI apportera à sa présentation de la Royauté du Christ trois compléments théologiques importants, et qui empêchent de faire un usage idéologique de cette figure de Roi, comme cela lui a souvent été reproché. Ces compléments ont trait à la personne du Fils, à l’événement de la Croix et à la dimension eschatologique de son Règne.

1. La source et le modèle ultime pour tous les responsables civils ou familiaux est le Christ lui-même. Le rapport divinohumain dont le Christ est l’exemplaire en sa personne est choisi par Pie XI pour analyser d’un point de vue anthropologique la nature de l’autorité propre aux responsables. Dans leur être même, de façon implicite ou explicite, se réalise la conjonction de leur nature humaine et du don gracieux de salut offert par le Christ et qui les conduit sur la voie de la véritable autorité. Il y a là une reprise du rapport nature-grâce appliqué de façon originale à une réflexion sur la société civile9.

2. Si les encycliques présentent le Roi pacifique et la manière dont il a vécu comme modèle pour tous ceux qui ont une responsabilité sociale, c’est l’événement de la Croix qui constitue le point central de cette lecture : celui-ci est le lieu où le Christ opère son œuvre de réconciliation pour tous et porte la construction sociale à son accomplissement. Les documents du pontificat privilégient ici une scène évangélique, celle du procès de Jésus devant Pilate dans l’évangile de Jean : par son attitude et par ses paroles, le Christ Jésus dénonce les déviations totalitaires du pouvoir. Si le Christ est Roi, il est un Roi Sauveur jusqu’à la mort, Serviteur dans l’humilité de l’humiliation. La Croix interdit tout rêve d’un royaume humain sur le mode des puissants de ce monde.

3. Le Christ, Roi de la création et de l’histoire, est le Donateur de toute grâce. Les libertés humaines sont ici en jeu. Pour le montrer, Pie XI met en évidence la distance qui existe entre le règne qui revient de droit au Christ — ses dons, sa présence, son action — et son règne de fait toujours en genèse dans l’histoire, et qui qui implique son accueil de la part des hommes. L’écart caractéristique de l’eschatologie entre l’histoire et sa fin est maintenu. Les gouvernements humains demeurent ambivalents et ambigus ; aucune forme étatique concrète n’est en complète adéquation avec le Règne du Christ et son Évangile10. Devant les résistances et les impasses que connaît la paix dans le monde, la seule attitude possible pour les croyants est l’espérance.

II La dénonciation des totalitarismes et ses fondements

1 Le caractère pernicieux des mouvements nationalistes

Pie XI a pris conscience des dégâts du nationalisme durant la guerre 1914-1918 qu’il qualifie de désastre humanitaire. En effet, Achille Ratti n’est pas resté à la Bibliothèque Vaticane dont il était Préfet jusqu’à la fin de la guerre. Le 25 mai 1918, il reçoit de Benoît XV la charge de Visiteur Apostolique en Pologne, responsabilité qui sera étendue à partir de l’été 1918 à tous les territoires sujets des Romanov, de la Finlande à la Mer du Nord et à la Silésie. Le 6 juin 1919, il est nommé Nonce dans le nouvel État polonais. Enfin, durant l’été 1920, il mène une expérience délicate et difficile comme Haut Commissaire Ecclésiastique pour le plébiscite de Haute Silésie. Cette dernière tâche le marquera durablement dans sa compréhension des dérives nationalistes et des risques qu’elles comportent pour la paix11. Déjà dans Ubi Arcano le pape fait mention de la distinction entre l’authentique amour de la patrie et le désordre qui provient de la dérive nationaliste et dont il prend conscience des conséquences. Sa parole est incisive et tranchante :

C’est à ces convoitises déréglées, se dissimulant, pour donner le change, sous le voile du bien public et du patriotisme, qu’il faut attribuer sans contredit les haines et les conflits qui s’élèvent périodiquement entre les peuples. Cet amour même de sa patrie et de sa race, source puissante de multiples vertus et d’actes d’héroïsme lorsqu’il est réglé par la loi chrétienne, n’en devient pas moins un germe d’injustices et d’iniquités nombreuses si, transgressant les règles de la justice et du droit, il dégénère en nationalisme immodéré. Ceux qui tombent en cet excès oublient, à coup sûr, non seulement que tous les peuples, en tant que membres de l’universelle famille humaine, sont liés entre eux par des rapports de fraternité et que les autres pays ont droit à la vie et à la prospérité, mais encore qu’il n’est ni permis ni utile de séparer l’intérêt de l’honnêteté […]12.

Le pape fonde d’abord sa condamnation du nationalisme sur l’universalité de la condition humaine : tous les hommes de tous les temps et de tous les lieux, tous les peuples de la terre forment « l’universelle famille humaine » ; une même fraternité humaine les unit entre eux, quelle que soit leur situation. Tous les peuples ont donc droit à la vie, au respect de ce qu’ils sont et à des conditions de vie et d’existence comme la prospérité, la justice, le droit et la paix. Ces thèmes seront repris, en 1929 dans Divini Illius Magistri, en 1931 dans Quadragesimo Anno, et en 1932 dans Caritate Christi Compulsi. Une distinction est faite entre l’authentique amour de la patrie et le nationalisme. Les expressions utilisées pour qualifier les sentiments qui animent les êtres humains dans les deux cas de figure ne sont pas les mêmes.

Pour le patriotisme, le pape emploie le terme « caritas », terme qui signifie amour, avec les nuances d’affection, de tendresse, « avoir du prix » ; pour le nationalisme, c’est le terme « amor » qui vient à l’avant-plan, terme qui veut également dire amour, avec toutes les nuances d’affection, mais aussi de désir et de passion. Un qualificatif y est ajouté lorsqu’il s’agit de nationalisme, celui d’« immodéré » (« immoderatus ») : le nationalisme est du même ordre que l’amour de la patrie, mais avec une exagération qui fait oublier les autres humains, les autres peuples. Ce désordre se traduit par une situation d’injustice. Ubi Arcano met bien en évidence la dérive : là où la justice internationale entre les États est mise à mal par la recherche de son seul intérêt, toute injustice mène à la ruine. À ces situations d’injustice s’ajoutent les luttes fratricides, dont l’écho revient de façon récurrente dans tous les textes du pontificat. Le pape en appelle à construire la vraie paix, paix tant intérieure qu’extérieure.

La figure du Christ, Roi humilié, constitue l’instance critique qui empêche « toute valeur fondamentale de la communauté humaine » d’être annexée, de se prendre soi-même pour sa propre origine, et de se diviniser, en particulier dans le cas de l’État et du pouvoir politique. C’est sur la royauté du Christ que Quas Primas fondait le pouvoir qui est délégué aux responsables politiques et sociaux, mettant en lumière le risque de l’absolutisation du pouvoir politique :

Si les princes et les gouvernants légitimement choisis étaient persuadés qu’ils commandent bien moins en leur propre nom qu’au nom et à la place du divin Roi, il est évident qu’ils useraient de leur autorité avec toute la vertu et la sagesse possible […] Alors on verrait l’ordre et la tranquillité s’épanouir et se consolider ; toute cause de révolte se trouverait écartée […]13.

2 L’Action Française

La condamnation de l’Action Française se situe dans cette dynamique. En conclusion de son ouvrage sur Les catholiques et l’Action Française, Jacques Prévotat montre comment la crise de l’Action Française dépasse la seule réalité française. Elle s’adresse à toute conscience chrétienne, et simplement humaine, et l’invite à se poser la question de la transformation de la hiérarchie des valeurs dans les dérives nationalistes. En effet, l’Action Française donne un exemple typique de cette transformation14.

Dans sa lettre du 25 août 1929 au Cardinal Dubois, archevêque de Paris, Pie XI renvoie au document qu’il considère comme le fondement doctrinal de sa condamnation de l’Action Française : l’Allocution consistoriale Misericordia Domini15. Elle rend compte de la pensée du pape sur le sujet16 et fait comprendre les enjeux théologiques universels de sa condamnation17 :

Plaise à Dieu, Vénérables Frères, que Nos paroles, auxquelles votre présence ajoute de la solennité, et la Nativité toute proche du Roi pacifique, qui ajoute à la sainteté, établissent une concorde complète et active parmi les catholiques français. Ainsi unis, ils pourront combattre avec efficacité pour les suprêmes intérêts du Royaume divin, intérêts sur lesquels s’appuient tous les autres, qui y trouvent leur fondement, leur couronnement et leur sanction. Nous disons : du Royaume divin ; ceux qui le cherchent, en effet — ils en ont pour garantie les promesses du Christ Roi lui-même —, obtiennent tout le reste et l’acquièrent en quelque sorte par anticipation : “Cherchez d’abord le Royaume de Dieu […] et tout le reste vous viendra par surcroît”.

(Mt 6,33)18

Toute la réflexion s’articule ici autour du Royaume de Dieu mentionné à trois reprises dans ce court passage, et autour de la Seigneurie du Christ Roi en lien avec le verset de Matthieu : « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu […] et tout le reste vous viendra par surcroît ». L’accent porte sur « d’abord », primum en latin, c’est-à-dire ce qui doit être premier dans l’ordre chronologique comme dans l’ordre d’une échelle de valeurs. Le pape répond ainsi à la fameuse maxime « Le politique d’abord ». Le terme « d’abord » indique la pointe de sa remise en cause de l’Action Française et de la hiérarchie de ses valeurs. Une conception du politique, de l’État, de l’autorité, de l’obéissance et de la patrie se trouve incluse dans ce bouleversement des valeurs et constitue une véritable « confusion des plans » d’après M. Blondel19. La dimension spirituelle est évacuée au profit d’une conception scientifique et positiviste de l’ordre politique, et cela, dans la mouvance d’Auguste Comte. L’activité politique tend alors à envahir le champ social et à mettre à son service toutes les forces de la communauté humaine, en particulier ses forces religieuses. Le progrès dans l’histoire est compris dès lors comme porté par cette activité politique. Cette autorité, vidée de son fondement spirituel, évolue vers un rapport où prévaut d’un côté la domination, de l’autre la révolte. L’amour de la patrie devient alors nationalisme et absolutisation d’une partie de l’humanité20. Pour Pie XI, comme pour la doctrine catholique, la seule fin ultime de l’homme ne peut être que Dieu, Béatitude absolue. Jésus en a montré le chemin durant sa vie terrestre. Une société humaine trouve sa fin propre dans le bien commun terrestre qui commande le choix des moyens pour gouverner. La fin ultime, la béatitude finale, en rapportant les principes fondateurs de la nature humaine, impose des régulations morales à la fin terrestre de la société. L’inverse n’est pas possible. Il consisterait à renverser l’ordre voulu par Dieu dans sa Création et sa Rédemption.

3 Le fascisme italien

En 1929, la revue romaine La Civiltà Cattolica — en la personne de son directeur Enrico Rosa — consacre un article qui dénonce le nationalisme à l’œuvre dans l’Action Française. Ce faisant la revue vise également le fascisme italien21. L’encyclique inaugurale Ubi Arcano, tout en présentant dans sa première partie un panorama de la planète, évoque bien la situation italienne. Il s’agit des débuts des conflits avec le fascisme, suite à la marche sur Rome des « chemises noires » de Mussolini. Le mouvement fasciste est né en 1919, mais c’est en 1922, année de l’élection d’Achille Ratti au Pontificat, qu’il prend le pouvoir à Rome. En 1925, ses pratiques commencent à être connues. Sa fascination s’exerce sur les classes moyennes et, de façon croissante, sur un grand nombre d’intellectuels et d’hommes politiques qui y voient la solution aux problèmes de l’Europe de l’après-guerre22. Au terme de l’encyclique, le pape rappelle que l’Italie n’entretient pas de relation avec le Saint-Siège, dont les droits ont été vidés de leur contenu23. Il évoque en particulier la question des « garanties » : après la prise de Rome en 1871, l’État italien avait concédé une garantie unilatérale au pape, laquelle n’avait été acceptée ni par Pie IX, Léon XIII et Benoît XV. Dès sa première encyclique, Pie XI marquait ainsi sa volonté de modifier cet état de fait.

Dans son allocution Iam Annus de 1925, après avoir relu l’année écoulée et ses enjeux, Pie XI présente l’encyclique Quas Primas qui institue la fête du Christ Roi et débouche à terme sur une condamnation doctrinale du fascisme. Il aborde alors la question du rapport entre l’État et la fin de l’humanité, évoque les théories politiques absolutisant la nation, l’État, et parmi elles, le fascisme. Il en appelle à la Seigneurie du Christ, Roi de l’univers et de l’histoire, qui interdit toute forme de pouvoir absolu sur les hommes24. Dans l’allocution Misericordia Domini de l’année suivante, il évoque les attentats manqués contre Mussolini qui se sont multipliés avec l’arrivée du fascisme au pouvoir. Il y en a eu quatre entre le 4 novembre 1925 et le 31 octobre 1926, auxquels le Duce échappe25. Le pape Pie XI rend grâce à Dieu d’avoir protégé celui qui tient les rênes de l’État26, ce qui ne l’empêche pas, dans la suite de la même Allocution, de stigmatiser la nature du fascisme italien comme une forme de nationalisme et d’en énumérer de façon tranchante les dérives. Ce qu’il affirme alors du fascisme s’applique tout autant dans son esprit à l’Action Française dont il était fait état au début de l’allocution27, ce qui montre bien le caractère universel de la question et de l’approche théologique qu’en fait le pape :

Il semble qu’on préfère de nouveau cette notion de la Cité (« Civitas », au sens de cité, état, ensemble des citoyens) ou de l’État (« Status », au sens de forme de gouvernement, régime) qui est en contradiction formelle avec la doctrine catholique : une Cité ou un État qui est à lui-même sa fin dernière, un citoyen qui n’est ordonné qu’à la Cité, une Cité à laquelle tout doit se rapporter et qui doit tout absorber28.

La question du rapport aux fins revient à nouveau. Les mises en garde doctrinales sur la nature du fascisme italien se sont exprimées très tôt ; elles s’accommoderont par la suite d’un certain pragmatisme alors que s’engagera la négociation sur la garantie et l’indépendance du Saint-Siège, qui aboutira en 1929 aux Accords du Latran. Devenu le pape, Achille Ratti demeure profondément italien. Sa sensibilité patriotique vibrera souvent au cours de sa vie, même si, devenu pape, le souci de l’universel l’emportera la plupart du temps. Maître en organisation, il était un homme qui aimait l’ordre. Historien, il était habitué à discerner les dynamiques fondatrices dans les changements de l’histoire et à reconnaître les signes de vie dans des situations nouvelles29. Ces données permettent d’expliquer les ambivalences de son pontificat. Fait à noter, Pie XI ne manifesta par ailleurs aucune réticence à l’égard des régimes démocratiques modernes qui donnent aux peuples une représentation. Il ne lia l’Église à aucun type de gouvernement, comme Léon XIII l’avait fait avant lui.

L’encyclique Non Abbiamo Bisogno, du 29 septembre 1931, préparée par plusieurs discours du pape, porte sur le conflit entre le gouvernement italien et l’Église au sujet de l’embrigadement obligatoire de la jeunesse. La dénonciation de Pie XI, qui y voit comme une persécution, est tranchante. Pour qualifier l’idéologie qui se met en place, Pie XI parle à ce propos de « statolâtrie païenne »30. Il analyse ainsi le système en terme d’idolâtrie et lui impute péché d’impiété dans son rejet de Dieu.

Le thème du caractère pervers du renversement des valeurs est à l’œuvre dans le fascisme, tout comme sa critique de l’Action Française ; il se déploie dans une réflexion où s’articulent les compétences propres de l’État et de l’Église, la grandeur de l’homme et le rapport entre des fins subordonnées. Le fondement ultime de son argumentation est christologique, en référence au Nom de Jésus, le seul au-dessus de tout nom, et qui donne le salut. Deux aspects sont développés à ce propos par le pape. Le premier touche l’identité chrétienne : « Nous disons que l’on est catholique seulement par le baptême et par le Nom […] » ; le second, l’identité épiscopale : « Nous savons et vous savez, Vénérables Frères, que vous êtes les Successeurs des Apôtres, que Saint Paul appelait, en des termes d’une vertigineuse sublimité, gloria Christi (2 Co 8,23) : vous savez que ce n’est pas un homme mortel, fût-il Chef d’État ou de Gouvernement, mais l’Esprit Saint, qui vous a placés dans la portion du troupeau que Pierre vous a assigné, pour régir l’Église de Dieu ». Le rappel de la condition mortelle des membres de l’État est utilisée ici pour rappeler cette limite qu’est la mort, et ce qu’elle consacre, à savoir l’interdit de se comporter comme des dieux et de s’arroger des pouvoirs qui n’appartiennent qu’à Dieu.

La suite des rapports de l’Église au fascisme italien comportera l’épisode ambivalent de la conquête de l’Éthiopie de 1936. Mais à partir de 1937, la condamnation du nazisme va s’étendre également au fascisme en raison des liens de plus en plus forts entre Hitler et Mussolini et de l’apparition de lois racistes en Italie. Le dernier discours de Pie XI, celui qu’il devait prononcer devant les évêques d’Italie le jour de sa mort pour le dixième anniversaire des Accords du Latran, dénonce cette collusion et la situation de persécution larvée qu’elle entraîne. Il propose à l’Église, représentée par ses évêques, un ministère prophétique de la parole pour défendre une paix fondée sur « l’amour et le service de Jésus, Notre Roi et Seigneur » et l’universalité de « la grande famille humaine »31.

4 Le nazisme

Dans l’encyclique Mit Brennender Sorge du 14 mars 1937, la parabole de l’ivraie et du bon grain (Mt 13,24-30) permet à Pie XI de faire une relecture de l’histoire ambivalente des rapports entre l’Église et l’Allemagne depuis 193332. Le champ de la parabole représente la terre allemande. La bonne semence, plantée dans ses sillons, fait référence à « l’arbre de la paix » de la signature du Concordat entre le Vatican et l’État allemand. Le pape affirme « sa pureté d’intention »33 dans cette négociation. L’ivraie, plantée par l’ennemi, c’est-à-dire les nazis, évoque « l’ivraie de la méfiance, du mécontentement, de la haine, de la diffamation, d’une hostilité de principe, […] contre le Christ et son Église ». Ainsi, la métaphore biblique permet-elle de donner à entendre le combat à l’œuvre en Allemagne, au niveau individuel comme au niveau collectif. Elle donne aussi au pape l’occasion de justifier sa modération au long des années qui ont suivi la signature du Concordat par le désir de ne pas détruire les germes de paix. Elle ouvre enfin à la compréhension de la position de l’Église qui est double. D’une part, l’Église est humaine et n’échappe pas à l’ambivalence de l’histoire et à ses combats, ni à la menace du jugement du Royaume de Dieu, d’autre part, elle doit être sage dans sa façon de traiter l’ivraie, tout comme les serviteurs dans la parabole.

Mais l’encyclique va plus loin. Elle spécifie le nationalisme à l’œuvre dans le nazisme et en précise le statut par le terme « inordonné » (« inordinatus ») : « cet amour inordonné de la patrie qui fait de chaque peuple et de la chose publique son propre Dieu ». La condamnation du pape est plus grave que toutes celles qu’il avait portées jusqu’alors contre les nationalismes : l’idéologie du nazisme « fausse et pervertit l’ordre » voulu par Dieu et entraîne un désordre au plan collectif de l’histoire des peuples. Il y a impiété, de l’ordre du blasphème, accompagnée de « cultes » qualifiés d’« idolâtriques »34 et de formes violentes de négation de Dieu35. Ici encore il y a lieu de parler d’une « statolâtrie païenne » :

Quiconque prend la race, ou le peuple, ou l’État, ou la forme de l’État, ou les dépositaires du pouvoir, ou toute autre valeur fondamentale de la communauté humaine, toutes choses qui tiennent dans l’ordre terrestre une place nécessaire et honorable, quiconque prend ces notions pour les retirer de cette échelle de valeurs, même religieuses, et les divinise dans un culte idolâtrique, celui-là renverse et fausse l’ordre des choses créées et ordonnées par Dieu : celui-là est loin de la vraie foi en Dieu et d’une conception de la vie répondant à cette foi36.

Les conséquences de ces dérives sont graves. Elles entraînent la contrainte violente et les persécutions, d’autant plus odieuses qu’elles touchent les jeunes générations. À ce propos, le pape dénonce le pouvoir qu’exerce l’État nazi sur la jeunesse et revendique pour les parents et pour l’Église la liberté de l’éducation.

En se référant au procès de Jésus humilié devant Pilate37, le pape dénonce la persécution religieuse dans l’Allemagne nazie et se fait un devoir de « rappeler tout ce qui se fait dans ce pays comme manquement à la vérité ». Tout particulièrement en ce qui concerne la hiérarchie et la religion catholique accusées de n’être plus catholiques en faisant de la politique, en voulant intervenir dans les questions de réarmement et de guerre. La dénonciation se focalise alors sur la compréhension à donner au terme « politique ». Le procès de Jésus devant Pilate sert de fondement christologique à la réflexion du pape qui se porte alors sur les rapports entre amour de Dieu et amour des petits. Elle lui permet de mettre en lumière la nature spirituelle du règne du Christ. Le procès de Jésus évoque les accusations des juifs portées à l’encontre de son agir perçu en termes politiques. Pie XI établit alors une opposition frontale entre le Christ et César. Ce faisant, il prend aussi la défense de la pratique évangélique de l’Église et des chrétiens. Il veut « que même dans la vie civique, dans la vie humaine et sociale, soient toujours respectés les droits de Dieu qui sont également les droits des âmes ». Agir ainsi, « c’est faire de la Religion, ce n’est pas faire de la politique »38. Il s’agit en effet pour lui d’inviter tous les catholiques, et avec eux tous les hommes de bonne volonté, à irradier de lumière évangélique toutes les réalités individuelles, familiales, sociales et politiques, pour construire le règne du Christ et, par là, instaurer Sa paix. Dieu est en solidarité avec les petits, les pauvres et les souffrants, il s’identifie aux persécutés pour la justice et la paix, affirme-t-il, faisant ainsi écho au second fondement théologique de son affrontement aux totalitarismes. Sa doctrine de la création est centrée sur Dieu, Père unique de toutes les races et de tous les peuples, Auteur et Donateur de tout bien, par la médiation du Christ en qui tous sont frères et sœurs et ne forment qu’un seul corps39.

Cette opposition frontale entre Dieu et César sera symboliquement manifestée lors de la visite d’Hitler à Rome. Le pape évoquera alors de façon prophétique les deux Croix, celle du Christ et la croix ennemie. Méprisé par Hitler, il se retira à Castel Gandolfo et interdit à l’Église de Rome de l’accueillir40.

5 Le communisme

Cinq jours après Mit Brennender Sörge, le 19 mars 1937, paraissait l’encyclique Divini Redemptoris qui condamnait le communisme. Le rapprochement était voulu.

Dans Ubi Arcano, le pape avait déjà évoqué les suites du premier conflit mondial, se faisant l’écho des populations déplacées en raison des conflits et des problèmes intérieurs aux États. La chute de l’Empire turc avait provoqué en effet une déstabilisation de tout le Moyen Orient. Les changements politiques en Russie avaient eu par ailleurs des conséquences sur toute l’Europe Orientale : génocide arménien, troubles en Russie, en Roumanie aussi bien qu’en Syrie et au Liban. Le Vatican développait des missions de secours au service des populations41. La Russie n’est pas explicitement mentionnée dans cette encyclique. En effet, le pape a ménagé le régime soviétique jusqu’en 1926, à la recherche d’un accord avec le pouvoir communiste en faveur de la liberté religieuse des chrétiens uniates.

Mais la situation s’était modifiée ; des prêtres sont arrêtés, des persécutions se développent contre l’Église, non seulement en Russie, mais aussi au Mexique et bientôt en Espagne. À partir de 1930 le Vatican réoriente sa diplomatie, prenant acte de la détérioration de ses relations avec Moscou. En novembre 1929, une grande conférence de Michel d’Herbigny dénonce « la guerre anti-religieuse ». Le 2 février 1930, une lettre au cardinal Pompili annonce la célébration par Pie XI d’une messe d’expiation à Saint-Pierre pour la conversion de la Russie. Moscou répond par un pamphlet de Nikolaï Boukharine. Les tentatives du Vatican pour établir des relations avec la Russie sont arrêtées42. Par ailleurs une campagne de prière pour la Russie s’amplifie dans le monde catholique. Fervent de sainte Thérèse de Lisieux, Pie XI confie la Russie et le Mexique à son intercession, en particulier par l’intermédiaire du Carmel de Lisieux43. À partir de 1932, une église de Rome est attribuée aux catholiques russes de Rome, l’ancienne église de Saint Antoine l’Ermite ; une prière de supplication y est prescrite chaque semaine. Le Carmel de Lisieux soutient aussi, par ses prières et par des dons, la création à Rome du Russicum, séminaire pour la formation de séminaristes en vue de la mission en Russie confiée à la protection de Thérèse de l’Enfant Jésus44.

Néanmoins il faut attendre l’encyclique Divini Redemptoris de 1937, pour trouver une condamnation doctrinale claire du communisme, même si bon nombre d’éléments de cette condamnation étaient déjà présents dans des déclarations antérieures du pape45. Un terme y revient avec force, « d’abord », marquant la priorité à donner au Royaume de Dieu : « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice et tout le reste vous sera donné par surcroît » (Mt 6,33)46.

Ce que Nous accusons, c’est le système [communiste], ses auteurs, ses fauteurs, qui ont considéré la Russie comme un terrain plus propice pour faire l’expérience d’une théorie élaborée depuis des dizaines d’années, et qui de là continuent à la propager dans le monde entier47.

L’impiété48 « s’est propagée dans de larges masses humaines », mais surtout s’est organisée institutionnellement avec des moyens « impies » de propagande dont l’art et la presse, des structures d’État « impies », « des lois impies » et « des écoles impies » qui entraînent des transformations de la famille. La nature même du communisme, comme réalité d’État, est déclarée aussi « impie » que ses œuvres, souvent violentes.

Le discernement de ce péché collectif49 est mené une fois encore par Pie XI à partir des fondements théologiques qui tout au long de son pontificat forment l’arrière-plan de sa réflexion. Le premier est la référence au Christ, « Roi évangélique », « Juge suprême » de toute réalisation de la fraternité humaine, « Maître » enseignant la voie de la vraie vie, unique « Pierre Angulaire » de toute construction, vrai « Rédempteur » qui conduit vers la nouvelle terre promise. Le second est la grandeur et la dignité de la personne humaine, créée par Dieu, élevée à la dignité d’enfant de Dieu, incorporée au Corps mystique du Christ, que la collectivité asservit au travail collectif à l’encontre de l’impératif divin : « Tout est à vous, mais vous êtes au Christ et le Christ est à Dieu » (1 Co 3,23)50. Seul le Christ peut protéger l’humanité de la catastrophe, laquelle est invitée à reconnaître « que l’unique Sauveur est Notre Seigneur Jésus-Christ (Ac 4,12) »51.

Devant les dangers encourus pour l’humanité entière, le pape évoque le Jugement eschatologique de Dieu pesant sur l’histoire collective de l’humanité comme une menace immanente. Le bras de Dieu52 est comme suspendu au-dessus de l’humanité. Mais tout est encore possible par la conversion des cœurs, car le bras de Dieu est celui d’un Dieu miséricordieux, large en pardon. C’est pourquoi le pape demande prière et pénitence à l’Église, en fidélité au Christ qui a recommandé cette voie à ses apôtres et l’a lui-même suivie dans sa propre existence53. Cette demande est constante de sa part depuis l’encyclique Caritate Christi Compulsi jusqu’à la fin du pontificat. Le pape s’engage lui-même dans ce mouvement, prie pour les persécuteurs et les oppresseurs54, offre sa vie pour la paix en décembre 1936 et en septembre 1938 dans des messages adressés au monde par Radio Vatican55. Il réitère cette offrande à la veille de sa mort dans ses vœux au Sacré Collège des cardinaux56.

III Conclusion

Un Christ affirmant sa royauté dans l’humiliation, homme pour les autres, solidaire des petits et des pauvres, livrant sa vie pour eux, pardonnant à ses bourreaux, traçant le chemin de la vérité : telle est la figure du Christ Roi qui devient une référence dans la lutte contre le fascisme, le nazisme et le communisme après 1937 et dans la période postérieure à la mort de Pie XI, une fois la guerre déclarée57. Il est bon d’évoquer ici d’autres témoins de ce Christ fou des hommes qui ont trouvé dans le pontificat de Pie XI les appuis et les connivences nécessaires pour tracer un chemin prophétique contre les totalitarismes.

Édith Stein (1891-1942) fut un de ces témoins : juive allemande, philosophe, convertie au christianisme en découvrant au cœur de la Croix la puissance de la résurrection. Baptisée en 1922, elle rentre au Carmel de Cologne le 4 octobre 1933 et y prend le nom de Sœur Thérèse Bénédicte de la Croix. Elle avait déjà écrit le 12 avril 1933 à Pie XI une lettre dénonçant « l’idolâtrie de la race et du pouvoir de l’État […] en opposition absolue avec le comportement de Notre Seigneur et Rédempteur qui, même sur la croix, priait pour ses persécuteurs ». On en trouve la trace dans l’encyclique Mit Brennender Sörge58. Sa grande œuvre théologique, La Science de la Croix, Passion d’amour de Saint Jean de la Croix59, est une réflexion personnelle sur la vie de Jean de la Croix, science de la croix contemplée, confessée et vécue chez elle jusqu’au don du sang. Elle meurt le 9 août 1942 au camp d’Auschwitz dans une chambre à gaz, offrant sa vie en participation à la passion du Christ pour le salut de l’humanité dans son universalité, comme elle l’exprime dans son testament du 9 juin 193960.

Dietrich Bonhoeffer fut un autre de ces témoins. Luthérien allemand, pasteur engagé dès 1933 avec Karl Barth et d’autres dans la fondation de l’Église confessante allemande en protestation contre la nazification de l’Église luthérienne, il proclamait à temps et à contretemps que le baptême et le Nom de Jésus sont les seuls critères qui déterminent l’identité chrétienne. Il participe à la résistance contre Hitler en s’associant au complot ourdi contre lui. Arrêté en avril 1943, il sera pendu le 9 avril 1945 au camp de Flossenbürg. De sa captivité, on a gardé des lettres et des notes où l’on peut lire sa profession de foi au Christ, « “l’être humain pour les autres”, et donc le crucifié », et sa conception de la relation à Dieu, « une vie nouvelle dans “l’être-là-pour-les-autres” pour les autres, dans la participation à l’être de Jésus »61. Car, pour Bonhoeffer, Jésus, dans sa Passion qui se prolonge aujourd’hui, demande simplement aux hommes de demeurer avec Lui. Il s’agit donc de se laisser emmener par lui sur son chemin, en total oubli de soi, pour que s’accomplisse le projet de Dieu62.

Beaucoup d’autres acteurs de cette époque pourraient encore être évoqués, et qui furent témoins de la croix du Roi de gloire, confessée, annoncée, réfléchie, vécue jusqu’au don du sang dans l’acte prophétique de contestation des pouvoirs idolâtres. Ils sont encore paroles de vie pour nous aujourd’hui, paroles de vie à écouter et à mettre en pratique dans les sociétés où nous vivons.

Notes de bas de page

  • 1 En septembre 2006, les archives romaines du pontificat du pape Pie XI ont été ouvertes. Les chercheurs peuvent désormais tirer parti de ces documents pour étudier à nouveaux frais l’action de Pie XI, suivre sa lutte contre les totalitarismes dans les différentes formes qu’elle a prises en son temps, et en mieux percevoir les fondements doctrinaux.

  • 2 Nous nous appuierons sur les encycliques de Pie XI. Nous ferons également appel à ses « Allocutions consistoriales » et aux « Vœux de Noël au Sacré Collège », textes écrits ou au moins vérifiés par le pape. Le texte est celui des Actes de S.S. Pie XI, Paris, Bonne Presse, 1927 –1945, avec comme référence le paragraphe du texte latin ou de la langue originale.

  • 3 Agostino M., Art. « Pie XI », dans Dictionnaire Historique de la Papauté, dir. Ph. Levillain, Paris, Fayard, 1994, p. 1362.

  • 4 Pie XI, Lettre encyclique Ubi Arcano (1922), §44 p. 163 ; Quas Primas (1925), §1 p. 63-64. La devise constitue aussi le titre de l’encyclique Ubi Arcano.

  • 5 Quas Primas, §4-2, p. 68. Voir aussi §6-2, p. 72 et §8-2, p. 75.

  • 6 Une encyclique est un document solennel proposant une vérité définie de portée universelle.

  • 7 Quas Primas, §16, p. 88.

  • 8 L’encyclique reprend ici une position de Thomas d’Aquin, Somme Théologique IIIa, q. 59, a. 4, ad. 1.

  • 9 Cf. Duquoc Chr., « La royauté du Christ », dans Lumière et Vie t. XI, 57 (1962) 81-107. L’auteur montre ce qu’est une véritable prise en compte des médiations naturelles, une manière de réfléchir qui éclaire les positions de Quas Primas, souvent implicites ou très peu développées.

  • 10 Pour préciser la façon dont Pie XI pense, dans une ligne augustinienne, le mélange ambigu propre à toute réalité, cf. Pie XI, Allocution consistoriale Iam Annus du 14 Décembre 1925, dans Actes de S.S. Pie XI, Vol. III, Paris, Bonne Presse, 1932, p. 109.

  • 11 Morozzo della Rocca R., « Achille Ratti e la Polonia (1918-1921) », dans Achille Ratti, Pape Pie XI, Actes du Colloque organisé par l’Éc. Française de Rome (15-18 mars 1989), coll. de l’Éc. Française de Rome 223, Rome, École Française de Rome, 1996, p. 95-122.

  • 12 Ubi Arcano, §20, p. 150-151. Pie XI n’est pas le premier pape du XXe siècle à s’exprimer sur le danger du nationalisme. Benoît XV l’avait déjà fait dans le cadre du premier conflit mondial. Il ne sera pas non plus le dernier ; c’est là une constante de la parole magistérielle au cours du XXe siècle. Cf. Hilaire Y.-M., « Les papes du XXe siècle face aux nationalismes », dans Communio 19/2 (1994) 35-47.

  • 13 Quas Primas, §9-3, p. 78.

  • 14 Cf. Prévotat J., Les catholiques et l’Action Française. Histoire d’une condamnation (1899-1939), coll. Pour une histoire du XXe siècle, Paris, Fayard, 2001, p. 530.

  • 15 Cf. Pie XI, Allocution consistoriale Misericordia Domini du 20 décembre 1926, dans Actes de S.S. Pie XI, vol. III (cité supra n. 10), p. 283-302. Le passage spécifique concernant l’Action Française se trouve aux p. 290-296.

  • 16 Pie XI a lui-même étudié les œuvres de Ch. Maurras et le périodique L’Action Française. Cf. Prévotat J., Les catholiques … (cité supra n. 14), p. 257-259 et p. 525 ; « Lettre du cardinal E. Tisserant à Mr Lesourd » du 3 décembre 1952, dans Archives de l’Association des Amis du Cardinal Tisserant (AAACT), 16/1 ; Les carnets du Cardinal Alfred Baudrillart (13 avril 1925 – 25 décembre 1928), éd. P. Christophe, coll. L’Histoire à vif, Paris, Cerf, 2002, p. 64-71.

  • 17 La condamnation de l’Action Française est d’ordre théologique et spirituel. Pie XI l’affirme clairement dans Misericordia Domini, p. 294-295. Voir aussi Prévotat J., Les catholiques … (cité supra n. 14), p. 426-461, et p. 523-530.

  • 18 Misericordia Domini, p. 295-296.

  • 19 Cf. Les Cahiers de la Nouvelle Journée, no 10, Paris, Bloud et Gay, 1927, que M. Blondel a conçus et dirigés. Dans ce numéro qu’il envoie à Pie XI et que ce dernier travaille de façon personnelle, Blondel fait part de son « expérience personnelle » sous le pseudonyme de Marcel Breton ; cf. Prévotat J., Les catholiques … (cité supra n. 14), p. 422-425 et p. 625.

  • 20 La question s’est posée de l’opportunité d’une encyclique sur l’Action Française. À ce propos, voir Pie XI, Allocution Consistoriale Amplissimum Conlegium du 20 juin 1927, dans Actes de S.S. Pie XI, vol. IV, p. 32-42 ; Prévotat J., Les catholiques … (cité supra n. 14), p. 410-411 ; Hugon H., Le Père Hugon, Paris, Téqui, 1930, p. 52.

  • 21 Cf. Rosa En., « La questione dell’Action Française e le sue ripercussioni », dans La Civiltà Cattolica, 12 février 1929, p. 289.

  • 22 Cf. Berstein S., « La séduction fasciste », dans Deux mille ans de christianisme, t. IX, Dossier 27, dir. J.-L. Monneron, Paris, Aufadi-SHC International, 1976, p. 197-203.

  • 23 Ubi Arcano, §63-64, p. 175-177.

  • 24 Iam Annus, p. 108.

  • 25 Cf. « Italie II : Le fascisme et la république (de 1918 à nos jours) », dans Les Cahiers de l’histoire 40 (septembre 1964) 83.

  • 26 Cf. Misericordia Domini, p. 296.

  • 27 L’Action Française est aussi appelée par les commentateurs l’« École nationaliste », ou le mouvement du « nationalisme intégral ».

  • 28 Pie XI, Misericordia Domini, p. 300.

  • 29 Rémond R., « Pie XI un grand pape », dans Deux mille ans de christianisme (cité supra n. 22), p. 114-118, retient cette aptitude au discernement dans l’histoire comme le déterminant du pontificat de Pie XI.

  • 30 Pie XI, Lettre encyclique Non Abbiamo Bisogno (1931), §51-2, p. 207-208. L’encyclique, dont la version originale est en italien, utilise l’expression « statolatria pagana », qui signifie « culte païen de l’État ».

  • 31 « Ultimo discorso di Pio XI, scritto nelle notti del 31 gennaio et del 1° febbraio 1939 », dans les Appendice documentaria de Fattorini Em., Pio XI, Hitler e Mussolini. La solitudine di un papa, Torino, Einaudi, 2007, p. 240-244 (texte original du discours). La parution de ce livre a provoqué entre les historiens un débat qui porte sur deux points : le cardinal Pacelli, Camerlingue, avait-il le droit de détruire les épreuves de ce discours ? Y avait-il véritablement une opposition entre Pie XI et son Secrétaire d’État Pacelli ?

  • 32 Sur la diffusion de l’encyclique Mit Brennender Sorge (1937), cf. Renouvin P., Histoire des relations internationales, t. VIII, Les crises du XXe siècle, II, De 1929 à 1945, Paris, Hachette, 1958, p. 142-144.

  • 33 Sur l’histoire du Concordat entre le Vatican et l’Allemagne, voir p. ex. Fourcade M., « Introduction à Mit Brennender Sorge », dans PIE XI, Nazisme et Communisme. Deux encycliques de mars 1937, éd. M. Sales sj, Fr. Rouleau sj et M. Fourcade, coll. Essai, Paris, Desclée, 1991, p. 35-40.

  • 34 Mit Brennender Sorge, §12, p. 14. Voir aussi Caritate Christi Compulsi (1932), §23, p.50.

  • 35 Mit Brennender Sorge, §18, p.18-19, §22, p. 22-25 et §24-2, p. 27-28.

  • 36 Ibid. §12, p. 14.

  • 37 « Allocution prononcée par Notre Saint-Père le Pape Pie XI, le 24 décembre 1937, veille de Noël, en présence des membres du Sacré Collège et des évêques et des prélats de la Curie romaine », dans AAS 30 (31 janvier 1938) 20-25. L’Allocution est écrite en italien.

  • 38 Ibid. p. 136-137. L’expression fait jouer l’italien : « Noi facciamo della Religione, non facciamo della politica ». Dans le contexte où parle le pape, « faire de la Religion » signifie proclamer la vérité, comme le Christ devant Pilate.

  • 39 Le pape Pie XI voulait aller plus loin sur ce point et projetait une encyclique sur le racisme et l’antisémitisme. Il avait demandé en juin 1938 des textes préparatoires à trois jésuites. L’encyclique ne verra jamais le jour. On en retrouvera seulement les textes préparatoires. Cf. Passelecq G. et Suchecky B., L’encyclique cachée de Pie XI, Une occasion manquée de l’Église face à l’antisémitisme, coll. L’espace de l’histoire, Paris, éd. La Découverte, 1995.

  • 40 Sur la rencontre ratée entre Pie XI et Hitler, voir Agostino M., Le Pape Pie XI et l’opinion (1922-1939), coll. de l’Éc. Française de Rome 150, Rome, École Française de Rome, 1991, p. 708-717.

  • 41 Cf. Pie XI, Allocution Consistoriale Vehementer Gratum du 11 décembre 1922, dans AAS 14 (1922) 609-614. Voir aussi d’Herbigny Mgr M., « L’aide pontificale aux enfants affamés de Russie », dans Orientalia Christiana Analecta Tome IV, no 14 (avril-mai 1925) 1-80. Mgr Michel d’Herbigny (1880-1957), jésuite, ordonné prêtre en 1910, évêque en 1926, excellent connaisseur de la Russie, fut l’homme de confiance de Pie XI pour toutes les questions liées à la Russie entre 1922 et 1933 (il fut président de l’Institut des Études Orientales de 1922 à 1931, Rapporteur puis président de la Commission Pro Russia de 1927 à 1933, Recteur du Russicum de 1929 à 1933, Délégué de Pie XI pour la Russie de 1930 à 1933). Éloigné de Rome en 1933, il dut renoncer en 1937 à la dignité épiscopale pour des raisons complexes (imprudence de l’homme, jalousie devant ses grandes responsabilités, man œuvre du Guepeou voulant le mettre en difficulté, etc.). Cf. Wenger A., Rome et Moscou 1900-1950, Paris, DDB, 1987.

  • 42 Cf. Fouilloux É., « Le Vatican entre Hitler et Staline », dans Les années trente : De la crise à la guerre, dir. M. Winock, coll. Points – Histoire 128, Paris, Seuil, 1990, p. 193-204.

  • 43 Cf. « Lettres au nom de Pie XI du Cardinal Pacelli à Mère Agnès de Jésus, 26 mars 1930 », dans Archives du Carmel de Lisieux (ACL). La lettre remercie pour la neuvaine qui avait été proposée à Pie XI par le Carmel pour s’unir à une messe que le pape a célébrée à l’intention de la Russie le 19 mars 1930. En 1929, le Carmel de Lisieux avait reçu la mission de prier pour la Russie.

  • 44 Cf. « Lettres au nom de Pie XI du cardinal Gasparri à Mère Agnès de Jésus, 24 avril 1929 », dans ACL.

  • 45 Plusieurs encycliques ont pour visée des pays où le communisme est présent : le Mexique (encycliques Iniquis Afflictisque, du 18 novembre 1926 ; Acerba Animi, du 29 juin 1932 et Firmissimam Constantiam, du 28 mars 1937), l’Espagne (Dilectissima Nobis, du 3 juin 1933), l’Union Soviétique (Divini Redemptoris).

  • 46 Divini Redemptoris, §33-2, p. 62.

  • 47 Ibid. §24, p. 54. Voir aussi §32, p. 59-61, qui énonce « […] l’origine première et transcendante de l’État et de son pouvoir, l’horrible abus de l’autorité publique au service du terrorisme collectiviste ».

  • 48 Ibid. §12, p. 43. L’impiété est comprise ici comme le refus, le rejet de Dieu lui-même.

  • 49 C’est dans cette ligne spirituelle qu’il faut comprendre l’affirmation de l’encyclique : « Le communisme est intrinsèquement pervers […] » (§60, p. 83).

  • 50 Divini Redemptoris, §30-1, p. 58.

  • 51 Ibid. §86, p. 98-99.

  • 52 Cette métaphore biblique porte avec elle l’action de Dieu et son travail pour l’humanité.

  • 53 Pie XI, Lettre encyclique Caritate Christi Compulsi (1932), §16, p. 46-47.

  • 54 Mit Brennender Sorge, §52, p. 52.

  • 55 ID., « Il Radiomessagio natalizio al mondo » du 24 décembre 1936, dans AAS 29 (1937) 5-9 ; ID., « Radiomessagio al mondo per la pace » du 29 septembre 1938, dans AAS 30 (1938) 309-310.

  • 56 ID., « Al Sacro Collegio Cardinalizio » du 24 décembre 1938, dans l’Osservatore Romano, 25 décembre 1938, no 299, p. 1, col. 1-2.

  • 57 P. ex. les conférences faites en Allemagne par le jésuite G. Lenhart en 1927-1928 et éditées en 1937 : Lenhart G., Tu rex gloriae, Christe ! Kurze Zeitpredigten (Prédications sur la Royauté du Christ et sur le Sacré Cœur de Jésus à la messe de 11 h, Cathédrale de Mayence, du 6 mars 1927 au 19 août 1928, du 26 août au 7 octobre 1928), éditée en 1937, Saarbrücken, Saarbrüker Druckerei u. Verlag ; L’ Œuvre de la Royauté du Christ fondée à Milan par Agostino Gemelli, recteur de l’Université catholique de Milan ami de Pie XI (cf. Lettre au Cardinal Eugène Tisserant, du 29 novembre 1940 [dans AAACT, 10/1]).

  • 58 « Lettre d’Édith Stein, du 12 avril 1933 », dans Archives Secrètes du Vatican (ASV), Affaires Ecclésiastiques Extraordinaires (AES), Germania, 1933-1945, POS. 643, Fasc. 158, ff. 16-17.

  • 59 Stein Éd., La Science de la Croix. Passion d’amour de Saint Jean de la Croix, coll. Les œuvres d’Édith Stein I, Louvain - Paris, Nauwelaerts - Béatrice-Nauwelaerts, 1957.

  • 60 Stein Éd., La puissance de la Croix, éd. W. Herbstrith, Paris, Nouvelle Cité, 1982, p. 124.

  • 61 Cf. Bonhoeffer D., Résistance et soumission. Lettres et notes de captivité, éd. E. Bethge, nouv. éd. tr. B. Lauret avec H. Mottu, Genève, Labor et Fides, 2006, « Ébauche d’une étude », p. 452.

  • 62 Cf. ibid., Lettre du 18 juillet 1944 à E. Bethge, p. 432-434.

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