Bien qu'anciennes, les traditions relatives aux débuts du
christianisme en Inde et à l'activité missionnaire de l'apôtre
Thomas doivent être correctement contextualisées. L'argument
central de cet ouvrage fort érudit est que la diffusion de la foi
chrétienne était tributaire de réseaux économiques, sociaux et
culturels. La simple attestation de contacts commerciaux ne suffit
pas : encore faut-il que de petits noyaux de christianisme
aient acquis assez de consistance en des régions nouvelles avant
que la vie chrétienne ne puisse se diffuser plus loin. Un nouvel
examen critique des nombreux documents littéraires et
archéologiques relatifs aux contacts entre le Proche-Orient et le
monde indien, que ce soit par la Mer Rouge ou par le Golfe
Persique, s'impose. On a trop souvent demandé à des textes tels que
les Actes de Thomas des informations sur les
réseaux de marchands des premiers siècles de notre ère ;
c'est, au contraire, ce que nous pouvons savoir par des sources
plus objectives qui doit nous aider à lire ces traditions
textuelles, interpréter leur genre littéraire et reconnaître tant
bien que mal la distance entre leurs représentations et les
conditions sociales de l'époque.
Du iiie au ve s., le
déclin des relations commerciales par la Mer Rouge ne plaide pas en
faveur d'une diffusion du christianisme par cette voie ;
à cela s'ajoute que le terme « Inde » désignait
fréquemment des régions de la péninsule arabique ou de l'Éthiopie…
C'est plutôt à partir de la Mésopotamie que le message chrétien
s'est répandu vers l'Est, mais il est peu probable qu'une présence
chrétienne se soit fermement établie sur le plateau iranien (et, de
là, vers l'Asie centrale ainsi que vers l'Inde) avant
le ive s. L'A. formule en outre l'hypothèse
suivante : la communauté d'Édesse revendiquant
l'évangélisation de la Perse pour ses propres missionnaires (Addai
et ses disciples), l'activité de l'apôtre Thomas fut, dans la
rédaction des Actes qui nous est parvenue,
repoussée plus loin vers l'Est… - J. Scheuer s.j.