Voici les noces de l'Agneau. Quand l'incarnation passe par les pauvres, préf. É. Grieu

Laure Blanchon
Théologie - Recenseur : François Odinet

Fruit d'une thèse de doctorat défendue au Centre Sèvres, ce riche ouvrage vaut d'abord par sa méthodologie, un « tressage » (p. 31) explicité dans une introd. consistante et mis en lumière à chaque étape de la démarche : il s'agit de comprendre l'incarnation à partir d'une mise en écho des textes bibliques avec des paroles contemporaines de personnes très pauvres, grâce à un discernement fondé dans la tradition théologique.
L'hypothèse initiale consiste à penser l'incarnation comme un devenir-humain. Si la parole des plus pauvres est choisie comme source de l'analyse, c'est parce que « leur expérience, en précarisant leur existence, leur fait discerner ce qui est vital de ce qui l'est moins, et les conduit vers le plus fondamental de la vie humaine » (p. 43). Cette parole est travaillée dans des analyses très soignées, et mise en relation avec des traversées thématiques des différents corpus de l'Écriture, ainsi que par la référence plus précise à certains passages bibliquesdéterminés, eux-mêmes travaillés avec les concepts de théologiens anciens ou récents.
Les plus pauvres ont un accès tumultueux à ce qui rend la vie pleinement humaine. Ils dévoilent dans le lien humain - dans l'alliance - la condition de cet accès. Dès lors, l'incarnation est comprise dans une perspective relationnelle, au sein de l'alliance de Dieu avec l'humanité passant « de manière constitutive par un lien privilégié avec les pauvres » (p. 79) : en elle, Dieu mène l'alliance à son accomplissement en devenant lui-même humain, et en emmenant l'humanité vers la plénitude d'une vie humaine. L'A. caractérise l'existence du Christ comme « une vie donnée, au double sens de reçue et livrée » (p. 466). C'est dire que l'incarnation se joue dans toute l'existence du Christ, qui déploie sans cesse cette vie donnée, mais aussi qu'elle est toujours à l'oeuvre dans l'histoire, par l'appel à « devenir humain à la manière de Jésus » (chap. 9).
En prenant au sérieux le fait que Dieu choisisse la pauvreté (p. 80), l'A. propose un apport extrêmement stimulant à la christologie autant qu'à l'anthropologie théologique ; ce faisant, elle ouvre un chemin de pensée particulièrement prometteur. - F. Odinet

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