Dans Abbà Padre, Adolfo Lippi, Passioniste titulaire de la
chaire de théologie de la croix à l'Ateneum Pontificium Antonianum
(Roma), présente un essai de rapprochement entre un Dieu Père et un
Sauveur crucifié. Dans ce but, il montre Dieu comme Père dans la
Bible. Il étudie ensuite la conception onto-théologique du Dieu
Père et la critique de cette présentation à l'époque moderne, puis
le pathos et la souffrance du Dieu Père dans la théologie actuelle.
Il montre ensuite que le Fils unique manifeste ainsi le Père. Après
avoir examiné chez Freud la paternité de Dieu et la névrose
religieuse qui en découle, il s'interroge sur une phénoménologie de
la condition d'orphelin. Il décrit le chemin sur lequel se fait
l'expérience de la réconciliation psychologique avec le Dieu Père.
Il développe ensuite la pédagogie et la sociologie de la paternité
ainsi que la prière adressée au Père. Il recherche les rapports mis
entre la paternité, la croix et l'oecuménisme par le judaïsme et
les Églises chrétiennes. Il examine aussi la relation entre une
théologie du Père et la theologia crucis chez Luther et dans
l'Ur-Kenose (kénose fondamentale) selon H.U. von Balthasar. En
conclusion, il invite son lecteur à partager la paternité de Dieu
dans le souci pour l'humanité, dans une conception évolutive de
l'éthique et dans la responsabilité envers l'univers de la
création.
Le plan est grandiose et traité avec une remarquable connaissance
des courants philosophiques et théologiques de notre époque. Les
aperçus intéressants ne manquent pas. Nombre de critiques adressées
à des systèmes du passé sont loin d'être dépourvues de fondement.
Nous craignons toutefois que, si l'A. a eu raison de rejeter le
«moteur immobile» d'Aristote et son impassibilité glaciale, l'idée
d'un Dieu souffrant - même d'une souffrance librement assumée par
amour - ne soit guère plus acceptable. N'est-ce pas tomber de
Charybde en Scylla? La difficulté est double: celle d'un langage
significatif sur Dieu, surtout si l'on abandonne les affirmations
classiques sur la nature analogique de nos concepts appliqués à
Dieu; le fait que certains termes humains sont tellement liés à des
aspects négatifs qu'il devient malaisé de les appliquer valablement
à Dieu. N'en donnons qu'un exemple: parler de la «discrétion» de
Dieu plutôt que de son «humilité» n'est-ce pas orienter mieux notre
pensée vers ce que nous visons en fait? - L. Renwart, S.J.