Amoris laetitia ? I sacramenti ridotti a morale
Giulio Meiattini o.s.b.Morale et droit - Recenseur : Alain Mattheeuws s.j.
Prenons une des thèses : la mise en évidence d'une déficience de la réflexion dans le primat accordé à la morale sur la sacramentaire. De fait, selon l'A., à force de lutter contre les morales de situation et d'obligation, la perspective de l'exhortation s'est affaiblie en ne prenant que l'angle moral pour discerner les situations des divorcés remariés. Cette morale du discernement ou du « cas par cas » présente une faiblesse originaire : le déracinement de la morale matrimoniale de son humus naturel qui est d'abord liturgico-sacramentel. Quelques citations peuvent, sans dénaturer la pensée de l'A., mettre en relief l'argument. « Une éthique fondée sur le liturgico-sacramentel ne peut pas être réduite au seul for interne ni à une éthique de la responsabilité subjective dans une évaluation entre normes et circonstances » (p. 69). Dans le cas du sacrement de mariage, on ne peut pas faire abstraction du sacrement et de sa morale « spécifique ». En effet, « la logique sacramentelle du signe visible et objectif possède des exigences supplémentaires et plus amples, que l'on ne peut pas réduire à la situation intérieure du sujet et de la conscience quant au respect de la norme (respectée ou transgressée) ou à la grâce invisible (présente ou absente) » (p. 70). Les sacrements sont concernés par la visibilité de la grâce, et non par son invisibilité intérieure. Au fond, c'est le caractère spécifique du sacrement qui est ignoré par l'usage unique des critères moraux. Or ce niveau sacramentel est originaire et fondateur : c'est lui qui unifie les autres critères (extériorité-intériorité, sujet-objet, etc.). L'aspect moral est insuffisant pour rendre compte de l'unité d'un geste sacramentel.
Une réflexion originale est aussi offerte sur le lien entre l'intrinsecum malum et l'ordre symbolique qui, par définition, est mis en acte dans tout sacrement (p. 111). Elle confirme l'importance pour l'A. d'une morale spécifique à l'économie sacramentelle. Nier la possibilité d'existence de l'intrinsecum malum, c'est affaiblir la force unificatrice du symbole et délier le lien classique entre la res et le sacramentum. L'exhortation met en évidence deux modèles de pensée difficiles à unifier : l'un centré sur le sujet qui s'auto-explique et qui est pauvre en extériorité, et l'autre dans lequel l'être-agir est un processus de symbolisation qui unifie intérieur-extérieur, sujet-objet, etc. (p. 118). L'A. conclut ces réflexions par plusieurs observations (p. 134) qui donnent à penser et situent les débats actuels dans l'histoire de la théologie.
Ce livre n'est pas polémique : il éveille à la réflexion théologique et montre la complexité des diverses problématiques du chap. 8 d'Amoris laetitia. La compréhension de certains débats passe souvent par un approfondissement lent mais profond de la Révélation de Dieu dans l'histoire. - A. Mattheeuws s.j.