Écrit dans le cadre de la rencontre chrétienne des cultures, nous
avons là le témoignage interpellant d'un prêtre au travail qui
réfléchit sur son expérience et prend la parole pour nous la
confier, espérant qu'elle suscitera notre réaction. Il part du
mythe camerounais des «femmes au pilon» affirmant que plus l'humain
se redresse, plus il renvoie Dieu au ciel et peut prendre librement
sa place sur terre et y engager sa propre responsabilité. Ainsi
dans notre cité moderne, les sciences ont congédié Dieu; aussi
l'homme doit-il se situer à ce propos et prendre son destin en
mains: c'est l'athéisme «positif». Par ailleurs, l'apport de la
«théologie de la libération» nous rappelle que Dieu entend les cris
de son peuple opprimé; de la sorte, c'est davantage dans les
hommes, et singulièrement dans les déshérités et les blessés de la
vie, que Dieu se laisse rencontrer.En vingt chapitres denses, l'A.
nous fait suivre un itinéraire décapant, à la fois de rupture et
d'enracinement, pour la première partie, puis de ruptures
culturelles pour la seconde, qui nous conduit vers la question,
essentielle aujourd'hui, des rapports entre foi et modernité. Le
texte se déroule comme une méditation personnelle se greffant sur
des questions posées par des interviewers, prêtres-ouvriers de la
première génération.C'est tout un travail sur la mémoire qu'il nous
invite à faire avec lui: qu'est-ce qu'un croyant, un prêtre?
Qu'est-ce que la tradition et notre référence à celle-ci? Questions
brutales qui nous taraudent et qu'il faut décanter. Pour cela,
laisser le silence advenir à la parole, mettre en question la
dogmatique pour retrouver Jésus et son mystère, la vie
sacramentelle et ses pièges, le sens de la célébration, éviter
l'écueil du «pouvoir» dans l'Église et s'y positionner dans la
fidélité à Jésus et à soi-même, en instituant une authentique
contemplation. Parvenus au milieu du livre, nous faisons une pause,
mais pour être repris par les interrogations des sciences modernes
et les défis qu'elles apportent à la théologie. Une bonne part du
texte qui suit parcourt les principaux de ces défis, à partir de la
recherche dans le domaine de l'infiniment petit, de l'infiniment
grand et de l'infiniment profond. L'A. fait ici une incursion dans
le domaine de la pensée mythique avant d'accueillir la collision
frontale entre sciences et Bible, puis celle des religions et des
cultures. Comment la théologie va-t-elle à la rencontre des
cultures et des religions plurielles? Et le peuple, a-t-il voix au
chapitre, ou bien voit-il sa parole confisquée, manipulée,
étouffée? Ces questions et les considérations qui les accompagnent
débouchent sur l'interrogation majeure: comment portons-nous ces
difficultés de la foi aujourd'hui?
Au terme de ces considérations, nous pouvons nous demander: Ces
interrogations répétées ont-elles fait de nous un «autre» homme, à
force de nous travailler la pensée et le coeur? Ont-elles creusé en
nous un «ailleurs» où nous pouvons trouver la paix, dans
l'engagement et la mise en route? L'A. n'apporte pas de «réponses».
Son but est avant tout de nous partager ses questionnements et de
nous laisser interpeller à notre tour. C'est donc à un travail
sérieux que nous convie ce livre: un examen de conscience, un
discernement, un rejet de nos idoles et de nos solutions toutes
faites. Prendre distance par rapport à un certain ronron ecclésial
est nécessaire. Merci à l'A. de nous y introduire. Gens «rangés» ou
impressionnables, s'abstenir! - J. Radermakers, S.J.