Bouleversante fragilité. L'Arche à l'épreuve du handicap, préf. J. Vanier

Christian Salenson
Spiritualité - Recenseur : Gonzague de Longcamp c.s.j.

De 2006 à 2010, l'A. offre à des permanents de l'Arche en France trois formations qui sont à l'origine des trois chapitres de cet ouvrage : l'expérience de la rencontre, la communauté, l'Arche comme signe sacramentel. L'analyse théologique est très pertinente, même si elle paraît parfois un peu superficielle. Comme si l'A., dans sa distanciation analytique, n'avait pas vraiment poussé la porte de l'Arche.
Un des plus beaux chapitres est peut-être celui qui est intitulé « l'expérience de la rencontre ». Il fait la différence, pertinente, entre une visite, où l'on ne reçoit rien de celui qu'on visite, et une rencontre, où chacun des deux partenaires apporte à l'autre.
Un lieu où il ressort que l'A. est, en quelque sorte, resté à la porte de l'Arche, est peut-être son chapitre sur le lavement des pieds. Certes, son analyse est juste et belle, mais donne l'impression de ne pas réfléchir à partir de la pratique de l'Arche. De la même manière que Jésus a inversé tous les codes en se mettant aux pieds de ses disciples, les membres de la communauté vivent une sorte « d'inversion » en se lavant les pieds les uns aux autres, particulièrement quand une personne accueillie va laver les pieds d'un assistant. L'assistant prend soin des personnes, les lave, les soigne, pénètre dans leur intimité. Et là, d'un seul coup, la situation peut se trouver inversée. On se trouve là devant la véritable inversion évangélique : « Les derniers seront les premiers ».
En même temps, l'A. montre bien comment la rencontre se fait dans la faiblesse. Il est effectivement bouleversant de voir comment le handicap des uns fait ressortir la fragilité de ceux qui se croyaient valides et bien portants. L'inversion qui se vit de manière « sacramentale » dans le lavement des pieds se vit au quotidien quand l'assistant devient capable de reconnaître et d'exprimer à la personne handicapée : « j'ai besoin de toi ». L'expérience de la limite consentie, exprimée devient non plus une fatalité, une souffrance, mais une sorte de cri d'espérance.
Il est évident pourtant que la grâce de la « rencontre dans la faiblesse » ne supprime pas le fait que le handicap est un mal que rien ne peut justifier. Comme l'A. le montre avec pertinence, le handicap est source d'un double mal : d'abord la douleur physique, et ensuite la lancinante douleur de la question du pourquoi, à laquelle « ni les mythes, ni les sagesses ne fournissent de réponse satisfaisante » (p. 70).
Le « mystère de l'Arche » consiste, précisément, comme l'a bien compris Salenson, à vivre de manière parfois cachée le mystère pascal, à travers chaque rencontre, chaque soin, chaque regard. Il n'y a pas de réponse au scandale du mal. Jésus lui-même est mort dans un cri. Mais, au pied de la Croix, une femme était présente pour l'accueillir. N'est-ce pas cela l'Arche ? Un lieu où le cri peut être tout simplement entendu et accueilli ?
Le Mystère pascal vécu interpelle l'Église et fait de l'Arche un signe prophétique. L'A. nous offre une des premières études théologiques sur l'Arche et c'est là son grand mérite, même si elle garde quelque chose d'insatisfaisant. - G. de Longcamp c.s.j.

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