Causalité et création. Réflexion libre sur quelques difficultés du thomisme

J. Decossas
Philosophie - Recenseur : Hubert Jacobs
Avec Béatrice Decossas, l'A. nous avait récemment présenté le Commentaire du « Livre des Causes » de Thomas d'Aquin (Vrin, 2004). Il nous offre ici un ouvrage où Thomas et Hegel sont conjoints dans une analyse spéculative d'une lumineuse densité. Par miséricorde pour son lecteur, J.D. a rédigé un bref préambule où il expose avec clarté et brièveté la question que veut élucider son étude. On ne peut affirmer Dieu que si l'on peut penser les relations entretenues, l'un avec l'autre, par l'Absolu et le monde créé. En fait, l'idée d'acte créateur ne peut se réfléchir qu'en termes de relation causale.
Dans la perspective aristotélicienne, celle-ci désigne une communication d'actualité. Pour Thomas d'Aquin, Dieu est Acte pur. Comment peut-il communiquer quelque chose de soi sans se perdre dans son don? On sait que pour Plotin, c'est parce que l'Un n'est pas que l'émané peut en procéder sans que sa Source ne s'épuise dans ce qui en procède. Mais pour Thomas, l'Un est Être. Comment alors comprendre que toute causalité, à la manière de la Cause dont elle reçoit sa propre causalité, puisse avoir ce qu'elle est? Quelle pensée de l'être s'impose-t-elle en pareille pespective?
La tentative de l'A. est d'intégrer, à la pensée aristotélicienne, le concept néoplatonicien, puis hégélien, de réflexion ontologique. Malgré les apports du néoplatonisme à l'aristotélisme chrétien, Thomas d'Aquin n'avait pas voulu de ce concept pourtant essentiel à la philosophie de Proclus. C'est que, pour l'Aquinate, l'autonomie substantielle du dérivé n'est pas garantie par la réflexion ontologique proclusienne car n'est alors reconnue qu'au dérivé la responsabilité de son autoconstitution. Mais Thomas, on le sait, s'interdit de faire du creari une maximisation de l'opération causale. L'A. va dès lors, dans une inspiration hégélianisante, mais hétérodoxe par rapport aux canons hégéliens, prolonger la pensée de saint Thomas et manifester la fécondité de l'intromission du concept de réflexion ontologique au réalisme thomasien.
Évidemment, contrairement au théorème 20 de Proclus, cette notion ne peut être féconde et opératoire que si elle s'applique d'abord à l'Un. La richesse de l'ouvrage de J.D. nous paraît résider dans l'arrachement à un certain objectivisme ontologique du thomisme et au système qui en découle pour donner tous ses droits à l'idée d'autonomie. Mais pour le créé, celle-ci ne peut être en même temps qu'abnégation. Cette abnégation l'arrache à lui-même en l'ordonnant à sa fin. Le secret de l'être en tant qu'être gît dans cette identité concrète de la liberté et de l'abnégation. - H. Jacobs sj

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