Célibat des prêtres: la discipline de l'Église doit-elle changer?

Jean Mercier
Morale et droit - Recenseur : Alain Mattheeuws s.j.
Poser la question risque de laisser penser qu'on y est favorable. Tel n'est pas l'objectif de l'auteur qui offre au lecteur de nombreux éléments historiques, théologiques et pastoraux pour élaborer lui-même sa propre réflexion sur les diverses significations du célibat sacerdotal.
Dans un premier temps (i), l'histoire nous enseigne : dans l'Écriture (AT et NT), les exigences vécues au fil des siècles, l'importance de la mission d'intercession, les divers débats (Réforme grégorienne, Réforme et Contre-réforme, Lumières et Révolution), Vatican ii, les prises de position des trois derniers papes. L'histoire décrite est aussi porteuse d'un enseignement théologique qui met en lumière les enjeux les plus importants avant d'affronter les questions actuelles (ii) : le célibat n'est-il pas un « coupable idéal » de nombreux maux ; est-il une « contrainte disciplinaire ou une réalité mystique » ? ; que dire de l'affectivité et de la sexualité du prêtre ? ; quel regard poser sur les différences culturelles intra-ecclésiales, sur les échecs ?
Mais alors, qui sont-ils, finalement, les prêtres mariés (iii) ? Cette partie est constituée de témoignages riches et sobres à la fois (11 prêtres) et d'un bilan sur la vie du « couple sacerdotal » aujourd'hui dans l'Église latine, où l'on voit apparaître la réalité complexe des prêtres mariés (la question des enfants, la vocation spécifique de l'épouse, l'argent, la mobilité restreinte, l'acceptation du peuple de Dieu, la continence conjugale). Cet apport original reste sobre, mais il est éclairant pour les partisans d'une thèse ou d'une autre. Sans militantisme, il introduit à la description de la grandeur et des difficultés du clergé marié (iv). Nous parcourons cette thématique de l'Orient à l'Occident, en réfléchissant sur le statut des diacres permanents, et en écoutant l'expérience des protestants et des orthodoxes.
Une révolution n'est-elle pas nécessaire ? Les passions sont fortes dans les médias, dans des Églises particulières (Allemagne), face à la pénurie du clergé et aux risques d'une révolution culturelle au sein même de l'Église romaine. La conclusion de J. Mercier est « lumière et vérité » : elle unifie les problématiques et suggère un célibat prophétique en communion avec le sacrement de mariage. Ne faut-il pas aussi retrouver la source baptismale des missions ecclésiales et prendre soin à la fois des défis pastoraux et de l'équilibre des personnes à l'intérieur de leur vocation ?
Ce livre est intéressant à plus d'un titre : par ses apports divers, dans les témoignages recueillis, par l'équilibre de la présentation. Il éclaire des problématiques qui sont, le plus souvent, parasitées par des a priori, des ignorances, des idéologies, des traditions culturelles et pastorales. Il met en évidence l'hiatus entre le charisme du célibat tel qu'il a été donné et reste offert dans l'Église et la précompréhension culturelle et anthropologique de notre temps. Il dit régulièrement que la continence et le célibat ont été distingués à l'intérieur de la vie sacerdotale. Il montre avec clarté les exigences liées au célibat tout en soulignant qu'il ne s'agit pas d'une pure discipline « arbitraire » de l'Église latine. L'enjeu est mystique ou charismatique : « Le sacerdoce est reçu d'en haut, reconnu dans sa vie par le candidat au sacerdoce au fil d'un long travail de discernement, et ce don est validé et entériné par l'Église à travers l'ordination » (p. 106). Le célibat n'est solitude que pour être habité par le Christ car le prêtre est appelé à être comme Lui l'époux de l'Église.
La question des viri probati en surgit avec plus d'acuité ! À chacun son avis. Mais, dans un cadre plus théologique, parmi les diverses difficultés et processus modérés présentés, ne faut-il pas souligner l'absence d'un langage unifié sur l'articulation gracieuse des deux sacrements : le mariage et le sacerdoce ? Si ces réalités peuvent être vécues de diverses manières, aujourd'hui nous ne savons pas bien « dire pourquoi et comment » la grâce sacerdotale transforme le sacrement de mariage et l'enrichit en le spécifiant. - A. Mattheeuws s.j.

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