Comment la Bible est devenue sacrée, préf. T. Römer, trad. J.E. Jackson

Michael L. Satlow
Écriture Sainte - Recenseur : Didier Luciani
L'original américain de ce livre (2014) a bénéficié, en son temps, d'une certaine réception et c'est sans doute cela qui justifie sa traduction française (pourquoi traduire le « holy » du titre par « sacrée » et non pas « sainte » ?), accompagnée d'une préface de Thomas Römer. Aussi déroutante paraîtra-t-elle à certains, la thèse principale est simple à comprendre : les textes bibliques qui, dans le judaïsme comme dans le christianisme, finissent par constituer le corpus de référence faisant autorité ne sont parvenus à ce statut bien plus tard que ce qui est supposé habituellement. Ils n'ont « que des genres d'autorité très limités et très spécifiques jusque fort avant dans le iiie siècle de notre ère et même au-delà » (p. 26).
Pour démontrer son hypothèse, l'A., prof. d'études juives à Brown University (Providence, Rhode Island), commence par distinguer trois types d'autorité : normative, littéraire et oraculaire. Il mène ensuite son enquête historique depuis le ixe s. (chap. 1 : « Le royaume du Nord : Israël, 922-722 av. J.-C.) jusqu'au iiie s. de notre ère (chap. 19 : Les rabbins : Judée, 100-220 ap. J.-C). Si cette enquête, en 19 étapes, suit une trajectoire assez communément admise, elle invite, p. ex., à reconsidérer l'importance (dans le sens d'une dévaluation) du scribe Esdras dans le processus de « canonisation » de la Torah de Moïse (chap. 4 : « Esdras et le Pentateuque : Perse et Yehud, 520-458 av. J.-C. »). Un peu plus loin et un peu plus tard (chap. 10 : « Les sadducéens et les manuscrits de la mer Morte : Juda, 104-103 av. J.-C. »), l'A. adopte une position tout à fait minoritaire en faisant d'un groupe sadducéen dissident l'origine de la communauté de Qumrân. Ainsi, par une série de légers infléchissements successifs, par une compréhension finalement assez élitiste de l'accès à l'écriture et aux Écritures (p. 259 : même Jésus n'avait qu'un rapport « distant à cette Écriture qu'il ne connaissait que de loin ») et par une priorité conférée aux traditions et aux enseignements oraux, il parvient à étayer sa position. Reste néanmoins, parmi d'autres questions, celle de savoir pourquoi les livres bibliques ont été traduits en grec si ceux-ci ne bénéficiaient pas déjà d'une certaine forme d'autorité (chap. 9 : « La Septante : Alexandrie, iiie s. av. J.-C. - ier s. ap. J.-C. »). On l'aura compris : si cet ouvrage stimulant, agréablement écrit et plein de remarques captivantes conduit, après d'autres, à comprendre le processus de canonisation des Écritures de façon nuancée et progressive, il n'oblige en rien à valider toutes ses hypothèses. - D. Luciani

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