Plus qu’elle n’envisage les contenus de l’éthique, la méta-éthique se préoccupe de définir la nature du discours éthique, ses présupposés épistémologiques, ses fondements métaphysiques. Sous cette étiquette, elle connaît actuellement de vigoureux développements, en particulier dans le monde anglo-saxon. S’inspirant des grandes figures « canoniques », de la Grèce antique à Kant et aux auteurs contemporains, il est rare toutefois que ses penseurs s’aventurent en dehors du domaine européen ou euro-américain. Issues d’un séminaire organisé par l’université de l’État de Washington à Seattle, les douze contributions à ce volume collectif ont pour objectif d’attirer l’attention sur les ressources philosophiques disponibles dans d’autres domaines de civilisation.

Sont explorés successivement : l’Égypte antique (la notion de maat), trois civilisations traditionnelles amérindiennes, trois classiques chinois (Confucius, Mengzi, Zhuangzi), la pensée japonaise contemporaine (K. Nishida, 1870-1945, fondateur de l’école de Kyoto, à l’interface de la pensée bouddhique et de la philosophie occidentale), l’Inde (B.K. Matilal, 1935-1991, historien et interprète des traditions philosophiques de l’hindouisme, du bouddhisme et du jaïnisme). Le monde occidental n’est pas tout à fait absent, mais représenté par des figures plus marginales ou peu connues : la philosophe anglaise Anne Conway (1631-1679), Susan Sontag (1933-2004, auteure de Devant la souffrance des autres) et le penseur péruvien Augusto Salazar Bondy (1925-1974). L’introduction signale honnêtement deux grands absents : l’Afrique et le domaine islamique. Si, conformément au projet de départ, les courants ou auteurs étudiés sont dispersés et fort différents, la manière de les traiter est homogène et cohérente : les douze études combinent un exposé de leurs conceptions relatives aux fondements de l’éthique et des réflexions critiques sur leur possible contribution à la recherche contemporaine occidentale dans le domaine méta-éthique. — J. Scheuer s.j.