Sous l'influence surtout de Berdiaev, le théologien grec Christos Yannaras veut manifester son entrée dans un monde nouveau, dans une signification nouvelle de la loi chrétienne (celle de la «vraie orthodoxie»)… À travers divers écrits, il met en lumière de plus en plus clairement ce qu'il considère comme la différence radicale entre l'Orient gréco-chrétien et l'Occident, à savoir l'affirmation orientale de ce que colporte l'expérience de la relation par rapport à sa formulation linguistique, c'est-à-dire l'apophatisme (ce qui, sans doute, justifie le jugement sévère sur le succès de la Philocalie).
Il en arrive ainsi à se situer par rapport à ce qu'il considère comme les cas les plus géniaux de la philosophie euro-occidentale: Kierkegaard, Heidegger, Wittgenstein. Ainsi naît son écrit Contre la religion. Qu'y enseigne-t-il? Pour l'A., l'instinct religieux est inné en l'homme, mais il représente une fonction de son expérience naturelle. (Or l'événement de l'Église s'autodétermine aux antipodes de la religiosité naturelle.) Mais l'événement de l'Église peut aussi devenir religion, s'aliéner dans une religiosité déterminée par les besoins de la nature. Peut-être même sans que soient supprimées quelques caractéristiques visibles extérieurement de la particularité chrétienne.
Si le christianisme n'est pas une religion, c'est qu'il est un nouveau mode d'existence dans la communion. Or l'instinct religieux a toujours cherché à en faire une institution religieuse: la foi y devient alors une idéologie, l'expérience du salut un fait psychologique, le salut à son tour un mérite individuel, l'eucharistie un rite sacré, l'art esclave des impressions; la paroisse est éclipsée, la tradition idolâtrée, la sexualité diabolisée. Quelle réforme, quelle conversion pourraient donner à l'Église de redevenir l'actualisation de la nouveauté chrétienne, lamanifestation dans l'histoire de l'appartenance à Dieu, une expérience infinie de liberté dans une communion d'amour inépuisable?
J'en resterai là quant à l'évocation du texte. J'avoue avoir été étonné de la reproduction en couverture du tableau de Max Ernst se proposant comme une évocation de la«Vierge châtiant l'enfant Jésus».- S. Decloux sj

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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