De la paternité spirituelle et de ses contrefaçons

Pavel Syssoev
Morale et droit - Recenseur : Alain Mattheeuws s.j.

Désireux de retrouver les repères adéquats pour l’accompagnement spirituel, Pavel Syssoev, dominicain, nous offre quelques pages fraîches et tranchantes. Tout en respectant l’articulation « nature-grâce » il nous remet d’abord en mémoire ce qu’est pour lui la paternité spirituelle enracinée dans la paternité divine, mise en œuvre par l’acceptation de notre naissance et des beautés de la paternité humaine. Il n’a pas peur de nous montrer la figure de saint Joseph comme exemplaire. Dans ce premier chapitre, il nous offre aussi brièvement des balises historiques de cette grâce dans l’Église.

Son deuxième chapitre met en évidence différents types d’accompagnement. Il décrit les liens entre sacerdoce et paternité spirituelle. Comment vivre en vérité et sans cléricalisme les missions du prêtre dans la confession habituelle, le conseil spirituel et la direction spirituelle ? Qui dit « participation à la paternité divine » dit également pour l’homme une assurance mais aussi l’acceptation d’une imperfection, d’une multiplicité et d’une complémentarité dans la relation. Il donne déjà un avis sur les abus et nous indique que la cause unique n’est certainement pas le cléricalisme.

Le troisième chapitre décrit brièvement les principales pathologies de paternité : d’abord par déni ou dévalorisation des situations abusives, ensuite des pathologies par défaut ou l’aveu d’une défaillance : « je n’ai pas appris à être prêtre ». Quand l’objectivité de la paternité divine n’est plus reconnue, la paternité spirituelle est tentée par la démission. Le formalisme aussi tue l’attitude paternelle : « une fonction ne suffit pas pour un engendrement dans la charité » (p. 82). Toute paternité est appelée à dire la bonté de Dieu pour chacune de ses créatures. Cette fécondité paternelle est pleine d’une chasteté sensible : elle est aussi accrochée au mystère de la croix. Pas de paternité sans renoncements et sacrifices. Le dilettantisme est « la volonté de se présenter comme un père sans en avoir l’étoffe » (p. 86). Ainsi cette grâce doit-elle se vivre dans la durée. Gardons-nous, dit encore l’A., de toute forme d’autoritarisme ou de séduction : ils blessent et pervertissent la relation de confiance et le spirituel ne devient plus que charnel. Les désirs de pouvoir (« Tu vivras par moi ») et les manipulations séductrices (« Tu vivras pour moi ») laissent peu d’espace à la conscience et à la liberté pour se développer et se manifester.

Le dernier chapitre est important, même s’il est court. Il s’attache aux causes des pathologies et aux voies de guérison. « L’idolâtrie et la prostitution sacrées sont deux images que l’Écriture utilise pour désigner un rapport faussé avec Dieu » (p. 99). Il faut viser une conversion permanente et « ne jamais nous poser en maîtres possédant la vie spirituelle une fois pour toutes » (p. 100). Ainsi refuser l’efficacité en ce domaine pour accueillir humblement une fécondité qui vient de Dieu est un chemin sûr et droit. Sur la question de l’homosexualité, l’A. montre que ces personnes sont appelées à la chasteté et peuvent exercer une mission de ce type « si le désir de Dieu est premier et la sexualité seconde » (p. 106) comme pour tous les hommes. Le célibat sacerdotal libre et conscient, marqué d’une ouverture et d’une disponibilité, n’est pas un obstacle à la paternité spirituelle. En fait, les « contrefaçons » se greffent souvent sur des attentes relationnelles démesurées : une conversion et un équilibre confiant sont à exercer. La place des vertus n’est pas à négliger : sans l’accent mis sur ces vertus « incarnées », la confusion et l’illusion peuvent régner en maîtres. De même que la vie mystique doit prendre appui sur le sol ferme, ainsi le respect et l’estime de la loi sont appelés à imprégner l’ordre de la charité et tout discernement. L’A. plaide également pour l’abandon du secret des sanctions. Mais il conclut à juste titre que l’accompagnement des victimes et le suivi des coupables ne peut se limiter à une action juridique. Des questions douloureuses du pardon demeurent à l’horizon. L’Église doit apprendre à porter le péché de ses membres. — A.M.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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