Des nations à évangéliser. Genèse de la mission catholique pour l'Extrême-Orient
R. JacquesMissions et jeunes Églises - Recenseur : Jacques Scheuer s.j.
La situation actuelle ne s'éclaire qu'à la lumière de l'histoire: la plus grande partie du livre analyse, textes à l'appui, la genèse du droit de l'Église catholique dans le champ de l'évangélisation des peuples. Il s'agit en particulier de comprendre ce que le droit dit des destinataires de la mission: les peuples et les personnes qui ne sont pas (encore) membres de l'Église ni sujets de devoirs et de droits selon sa législation. Se développant à la fois aux plans historique et terminologique, théologique et juridique, l'étude porte notamment sur la conversion et le baptême. Elle interroge d'abord les «Décrets» de Gratien et les «Décrétales» de Grégoire IX, ce qui permet de dégager quatre principes: non-contrainte, dialogue, délai du baptême (catéchuménat), progressivité ou gradualité. Vient ensuite l'examen des textes qui encadrèrent l'intense activité missionnaire des ordres mendiants auprès des Tartares et autres peuples de l'Asie (13e/14e s.), en l'absence de tout appui des pouvoirs séculiers. La 3e partie analyse la cohabitation malaisée du droit de la croisade et de celui de la mission dans le cadre de l'expansion maritime du Portugal: cette fois, «l'initiative est… pour l'essentiel dans le camp des laïcs» (257)! Il faudra du temps pour que Rome commence à reprendre la main, notamment par la création de la Congrégation De propaganda fide (1622). Certains privilèges liés aux patronats se perpétueront cependant jusqu'au 20e siècle…
Dans ces conditions, ce n'est que très lentement et imparfaitement que «le point de vue des destinataires», notamment en Extrême-Orient, ici retenu comme «point d'observation privilégié et paradigme fonctionnel» (399), pourra se faire entendre et se refléter dans le droit et les institutions de l'Église. Prenant l'exemple du Vietnam, l'A. examine le sens et la portée de catégories telles que nation, peuple, personne… dans la civilisation et la législation d'inspiration confucéenne, avant de rappeler les interdictions portées à l'endroit du christianisme, notamment en 1663 et en 1812: par-delà le fossé culturel, ce sont deux systèmes peu compatibles de valeurs et d'institutions qui s'affrontent. Certaines transpositions modernes en catégories marxistes font également problème. En conclusion, les situations actuelles «doivent entraîner une profonde réforme du droit canonique missionnaire» (473), ce qui suppose que les Églises locales disposent «d'une marge de manoeuvre bien plus ample» que dans la pratique actuelle (483). - Doyen de la Faculté de droit canonique Saint-Paul d'Ottawa, l'A. cite, dans le corps du texte ainsi qu'en annexes (533-645), de nombreux documents, dans la langue d'origine (latin, portugais, vietnamien…) et en traduction française. Il appuie son enquête et son plaidoyer sur une impressionnante documentation et fournit une bibliographie de 581 titres répartis en une vingtaine de sections. - J. Scheuer sj