L'A., docteur en biochimie, imagine un dialogue avec Rousseau:
l'intérêt que tous deux portent à la nature les rend complices. Les
réponses de «Jean-Jacques» aux questions de «Philippe» ne sont pas
toutes inventées: certaines répliques, imprimées en italiques, sont
des citations littérales, références à l'appui, de divers écrits de
Rousseau. Pour le reste, le philosophe est «actualisé»: il
s'intéresse aux engrais de synthèse et s'interroge sur Cohn-Bendit.
Les deux interlocuteurs discutent d'abord de la religion naturelle:
«J'aperçois Dieu partout dans ses oeuvres… Tout est bien, sortant
des mains de l'auteur des choses; tout dégénère entre les mains de
l'homme.» Après avoir considéré les sciences naturelles (la
botanique), ils en arrivent au débat capital: l'homme naturel,
l'homme sauvage vs l'homme civil, «un état qui n'a
peut-être point existé» mais dont l'hypothèse s'avère nécessaire
pour distinguer ce qui vient de notre nature et ce que l'histoire
et la société ont ajouté. Ils échangent ensuite leurs vues sur
l'importance de la nature dans l'éducation, la politique,
l'écologie. Dans ce dernier chapitre, deux fois plus long que
chacun des autres, Philippe se montre particulièrement prolixe,
face à un Jean-Jacques présenté comme précurseur. Quant à l'opinion
de Jean-Jacques, selon laquelle «la femme est faite spécialement
pour plaire à l'homme», Philippe la trouve archaïque. L'ouvrage est
enrichi d'une cinquantaine de pages de textes rousseauistes
exaltant la nature. Le lecteur appréciera leur charme désuet
(«j'arrivai… nous vîmes… qu'il aimât…»). - P. Detienne sj