Depuis 2000 ans, les chrétiens s'interrogent sur le sens de la souffrance humaine, mais depuis 60 ans, peut-être à la suite de la réflexion des Juifs sur la shoah, les chrétiens se posent aussi des questions sur la souffrance de Dieu. L'opinion dominante actuelle est favorable à une participation divine à la souffrance humaine. Pareille nouveauté ne va pas sans problèmes et G.Canobbio, professeur de théologie dogmatique et ex-président de l'assemblée théologique italienne, essaie de bien situer les problèmes.
La question est celle-ci: pour pouvoir nous sauver, Dieu doit-il être proche de nous et partager notre souffrance? Ou bien pareil Dieu, trop anthropomorphe et limité, serait-il incapable de rétablir l'ordre et nous sauver? Si on recourt à la Révélation pour trouver une solution, on s'aperçoit que l'Écriture permet de renforcer les deux points de vue: la compassion ou l'invulnérabilité divines. La pensée juive actuelle accepte un Dieu qui, par amour pour ses enfants, partage leurs souffrances et pleure en secret. Dieu pleure sans intervenir devant les péchés des hommes qu'il a créés libres et compatit à la souffrance humaine. Mais comment pareil Dieu pourrait-il nous secourir et nous libérer?
Le but de Canobbio est triple: comprendre les motifs qui portent à l'affirmation de la souffrance «de» Dieu ou même «en» Dieu; saisir pourquoi la tradition théologique n'osait pas attribuer à Dieu des «passions» et donc la souffrance; expliquer enfin en quel sens on pourrait parler de la souffrance «en» Dieu. C'est J. Moltmann qui a le plus contribué au changement de perspective à partir de la réflexion sur la kénose et la souffrance du Christ en croix qui révèle l'amour souffrant du Père. Pour Moltmann, un amour créateur est toujours un amour souffrant, puisqu'il laisse la liberté à sa création, avec les possibilités d'erreurs, d'échecs, de péchés et de souffrances. Au contraire, pour saint Thomas, Dieu est impassible et le Fils incarné souffre dans sa seule nature humaine. Dieu ne peut pas dépendre de quelque chose extérieur à lui. Dieu est Amour et les «passions» lui sont attribuées métaphoriquement. La souffrance du Fils de Dieu ne fait que nous révéler l'immensité de l'amour trinitaire pour nous. La croix est le moyen de nous manifester cet amour souffrant. Ce n'est pas la souffrance qui nous sauve, mais l'amour manifesté dans cette souffrance.
Si on veut affirmer la souffrance de Dieu, on ne peut pas la penser sur le mode humain. Qu'en reste-t-il alors? On en revient à saint Thomas. Notre souffrance est destinée à disparaître dans la béatitude divine. Dira-t-on que la souffrance divine est également passagère et accidentelle? Pouvons-nous attribuer à Dieu ce dont nous voudrions être libérés? Actuellement on a trop tendance à humaniser Dieu et on en fait un Dieu faible et dépendant. Il est vrai que Dieu aime infiniment, mais suit-il de là qu'il doive souffrir comme nous?
Théologien chevronné, Canobbio est réservé dans sa solution, même s'il penche pour saint Thomas. Ce bref résumé d'un livre concentré doit nous porter à lire de près son exposé pour bien saisir les difficultés d'un sujet qui nous concerne tous. - B. Clarot sj

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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