Il est aujourd'hui de bon ton de critiquer le dualisme qui
infecterait en particulier la pensée occidentale moderne ainsi que
le christianisme. Le pari de l'A. est qu'un travail comparatif
permet tout à la fois de nuancer et d'enrichir le débat. Nuancer:
la pensée occidentale ne se réduit pas à des dualismes quelque peu
caricaturaux, tandis que la tradition hindoue, par ex., connaît
bien d'autres enseignements que ceux d'une stricte non-dualité. Et
enrichir: la comparaison attentive des écrits spirituels de
Mechtilde de Magdebourg, béguine puis moniale du xiiie siècle, et
des chants de Lalla ou Lalleshvarî, une ascète et mystique hindoue
du xive siècle, située dans la tradition shivaïte du Cachemire,
fait apparaître, de part et d'autre, une riche diversité de
'dualités' ou de 'différences' qui ne se durcissent pas en concepts
dualistes ni en hiérarchies sociales et sexistes. L'A. démontre ou
plutôt illustre cela avec bonheur et un grand sens de la nuance, au
long de quatre chapitres consacrés aux types de relations à
l''autre': l'union avec le Divin, le rapport à la Terre et au
cosmos, le rapport au corps, la relation à autrui. Chez Mechtilde
assurément (Das fliessende Licht der Gottheit) mais aussi chez
Lalla, bien que de manière différente, de nombreuses métaphores de
fluidité, ancrées dans l'expérience multiple du corps vécu,
suggèrent un style autre, plus 'féminin', de vie spirituelle et de
théologie. La conviction de l'A. - et le plaidoyer argumenté de ce
livre - est que ces deux figures médiévales, par-delà la distance
historique qui nous sépare d'elles et en dépit de certaines
conceptions désormais inassimilables, ont beaucoup à apporter à la
réflexion théologique des femmes et des hommes d'aujourd'hui. - J.
Scheuer sj