Egidio Romano (1243-1316) est l'un des grands penseurs du XIIIe s., que la renommée de Thomas d'Aquin a relégué dans l'ombre. Il a largement contribué à la formation philosophique, juridique et politique de l'Occident chrétien. Ce petit ouvrage veut introduire modestement à sa connaissance.
Né à Rome vers 1243, il entre chez les ermites augustiniens et est envoyé étudier à Paris. Maître ès Arts, il suit probablement les cours de Thomas d'Aquin entre 1269 et 1272, puis enseigne en 1272. En 1277, l'évêque de Paris censure quelques-unes de ses thèses averroïstes. Il refusa de les renier et dut quitter Paris. En 1280 il rédige son oeuvre la plus fameuse, De regimine principum, dédiée au futur Philippe le Bel. En 1285, le Pape lève sa condamnation. Entre 1286 et 1292, il publie six Quodlibet et des recueils de Quaestiones disputatae; en 1287 son Ordre le proclame docteur et impose sa doctrine à ses enseignants. Il reçut le surnom de «Doctor fundatissimus». La pensée d'Egidio est imprégnée de celle de Thomas, mais avec des différences notables allant parfois jusqu'à la nette opposition. Sa conception de l'être comporte trois éléments: le thème platonicien de la participation, le rapport aristotélicien entre acte et puissance et l'idée chrétienne de la création. Il commenta plusieurs oeuvres d'Aristote. Egidio dit que la connaissance est «l'assimilation» de l'objet par l'intelligence, car, à strictement parler, la vérité se trouve dans le jugement et non dans les objets.
Egidio admet la supériorité du pouvoir papal sur tout autre pouvoir et ses arguments deviendront des lieux communs au XIIIe s. Il ne distingue pas nettement vérité rationnelle et vérité révélée; pour lui, le droit naturel doit reconnaître la supériorité du droit surnaturel. C'est à peu près la pensée d'Augustin affirmant dans La cité de Dieu que «la vraie justice n'existe que dans un État fondé et dirigé par le Christ». Egidio en conclut que le baptême et l'état de grâce fondent le droit de gouverner les hommes et de posséder des biens matériels. Il s'ensuivrait que l'Église serait la seule source du vrai pouvoir et de la propriété légitime. Or ceci dénature la pensée d'Augustin qui ne croyait pas réalisable sur terre la Cité céleste. En outre, la distinction que fait Egidio entre la charge et la personne va conférer au pape un pouvoir sacré, et en insistant sur l'aspect impersonnel de la fonction, on en arrive à affirmer que c'est Dieu qui lie les consciences à travers des lois.
Après une introduction de 80 pages, le volume présente en autant de pages quelques textes de Romano, les uns tirés du De regimine principum, les autres de De differentia rhetoricae, ethicae et politicae. Ce petit livre donnera peut-être envie de mieux connaître ce penseur qui a tant influencé en son temps les rapports entre le Vatican et les États chrétiens. - B. Clarot sj

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