Déjà, Platon, dans le Phédon, nous avertissait que «l'homme
s'enchaîne lui-même par son désir» (Phédon, 82e) Aussi, c'est à un
exercice bien périlleux auquel nous invite M. de Solemne. Elle
organise, avec une série de questions qui reviennent peu ou prou
dans les quatre rencontres (mais intelligemment adaptées à
l'horizon des intervenants) un volume d'interviews centré sur le
thème du rapport entre le désir et le renoncement. Au simple énoncé
de la problématique et la considération des horizons culturels des
personnes interrogées, on peut s'attendre à une lecture diversifiée
et hautement contrastée. En effet, sauter des réflexions d'un
professeur de philosophie spécialiste de Spinoza (R. Misrahi), pour
qui «nous ne désirons pas un objet parce qu'il est bon; il est bon
parce que nous le désirons» (21) à la perspective psychanalytique
(J. Kristéva) où, en régime de manque, il importe de «savoir
différer pour mieux désirer» (77) nous aide pour le moins à
admettre qu'«il y a renoncement et renoncement». Pris simplement
pour lui-même, le très beau dialogue, sensible et modeste aussi,
avec une romancière et essayiste (S. Germain) limite prudemment son
propos à l'exploration de cette contrefaçon du désir qu'est
l'envie. Cela nous préparait à «apprécier» la sagesse bouddhiste
(Dagpo Rimpoché) où la sérénité du «savoir apprécier sans
s'attacher» semble possible à qui n'est «pas trop égoïste». Restait
à l'éditrice de ces textes de nous offrir (avec un poème) quelques
pages - qui ne pouvaient être que trop rapides - pour mettre en
perspective historique la question soulevée. - J. Burton sj