Michel Remaud, l'A. de ce nouveau livre publié par Lessius, a enseigné pendant de nombreuses années à l'Institut Ratisbonne, centre chrétien d'études juives à Jérusalem (cf. NRT 120 [1998] 489), maintenant supprimé. Il est à présent directeur de l'Institut français Albert Decourtray d'Études juives à Jérusalem (I.F.A.D.E.J.J.), qui en a pris la relève.
Nous avons recensé ses précédents ouvrages (cf. NRT 107 [1985] 742; 120 [1998] 490; 122 [2000] 110; 124 [2002] 452) focalisés sur les relations entre chrétiens et juifs ou consacrés à l'éclairage que l'interprétation juive peut apporter à notre compréhension des textes du Nouveau Testament. C'est ce dernier sujet précis que touche le livre que nous présentons. Ayant fait lui-même l'expérience, dans sa remarquable thèse de doctorat intitulée À cause des Pères, de l'apport enrichissant de la tradition rabbinique sur le plan de l'herméneutique des textes chrétiens, il peut nous en faire part à titre exemplatif.
Comme l'écrivait le P. Roger Le Déaut, cité par l'A.: «Le christianisme a hérité d'une Bible interprétée, déjà orchestrée» (p. 9). Le N.T., en effet, abonde en allusions qui nous échappent souvent, parce que nous ne connaissons plus les traditions familières à leurs auteurs, transmises d'abord oralement, puis intégrées dans la rédaction de la Mishna, du Talmud et des Midrashim. D'où cette question importante: Qu'apporte la connaissance des sources juives à l'intelligence de nos Écritures? Peut-on faire appel à ces sources pour éclairer les récits apostoliques? C'est possible, mais dans certaines limites, et si l'on en a une connaissance approfondie, car les mêmes mots cachent souvent une différence que l'on est tenté de méconnaître. Dès lors s'impose «un discernement que seules l'étude et l'expérience permettent d'acquérir » (p. 25). À partir de cette connaissance, certains textes que nous avons en mémoire prennent une coloration plus proche de leur milieu d'origine.
Ainsi l'A. nous fait découvrir le sens de quelques expressions évangéliques ou de coutumes dont parle le N.T. et qui échappent à nos esprits modernes. Il aborde ainsi des thèmes ou des images dont nous croyons souvent qu'ils émanent de Jésus, comme «pas un yod ne disparaîtra de la Torah», ou le thème de l'âne, l'aveugle et le boiteux, la prophétesse Anne, fille d'Asher, les eaux, le jardin, l'appel aux tribunaux païens, l'expression «le troisième jour», le sens de la circoncision dans la vie de Jésus, le titre «le chef de la foi» donné au Christ, la reprise de traditions juives dans les chap. 9 à 11 de la lettre de Paul aux Romains, le pronom «Moi» interprété comme nom propre de Dieu.
Sa conclusion montre comment la lecture chrétienne de la Bible prend place dans la continuité de la lecture juive, car elle est de type «midrashique», c'est-à-dire qu'elle exhume du texte ses significations cachées et le sens littéral n'en épuise pas le contenu. Pour le judaïsme, en effet, toute l'Écriture est divine, en tant que Parole de Dieu: elle contient tout, si bien qu'on peut l'expliquer par elle-même, d'où ces multiples rapprochements entre les passages bibliques pour les éclairer les uns par les autresQu'est-ce qui fait, dès lors, l'originalité de la lecture chrétienne? C'est son «accomplissement» en Jésus, et spécialement dans sa résurrection déjà victorieuse de la mort. Ainsi, au lieu de rapprocher simplement des textes, on s'adresse à l'événement Jésus: Dieu vivant apparu dans l'histoire humaine. Pour être reconnu, Jésus doit coïncider avec l'Écriture, tout en lui apportant une nouveauté de sens: ainsi la lecture chrétienne manifeste la conformité de la personne et de l'action de Jésus à la tradition biblique.
Ce livre est à consulter par les exégètes du Nouveau Testament, mais aussi par tout lecteur formé qui désire entrer dans une compréhension plus riche et plus profonde des écrits du christianisme naissant. Espérons que des étudiants en théologie y trouveront le goût d'approfondir la tradition juive. Merci à l'A. de reprendre le geste du «scribe devenu disciple du Royaume des cieux… qui tire de son trésor du neuf et du vieux» (Mt 13,51). - J. Radermakers, S.J.

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