La question est la suivante: la philosophie qui offre à la théologie des preambula fidei ne devrait-elle pas considérer le «fait religieux», universel, comme une porte d'accès au discours de la révélation? La question, banale, n'est cependant pas sans déterminer l'essence de la révélation. L'ouvrage ici présenté se divise en deux parties: la première retrace le parcours de D., la seconde reprend les discussions de ses thèses par des philosophes et théologiens chrétiens de première valeur. Il pointe de manière fort remarquable en direction du problème. Georges van Riet (qui était professeur à Louvain) critiqua D. pour avoir trop distendu les liens entre le sens et l'opinion, le doxique; le noeud du problème est en fait là. Selon les orientations de D., le sens pourrait être reconstruit de manière transcendantale ou, pour mieux dire, à la façon de Blondel (mais les corrections de Bouillard à l'interprétation de Blondel par D. sont célèbres, et toujours d'actualité); les expressions du sens appartiendraient par contre à l'opinion, au transitoire, à l'historique.
Or D. laisse entendre que l'Église ne serait qu'une expression du sens, même si c'est avec une densité que les autres religions ne connaissent pas. Puisque donc l'originalité de l'Église n'était pas reconnue en son unicité, le Vatican dût prendre les mesures signalées plus haut. On voit les enjeux de la question: si l'opinion est dans l'histoire et peut donc être abordée par la phénoménologie, des pans entiers de la réflexion chrétienne devraient passer d'une philosophie «scientifique» certaine de ses propositions à une réflexion plus tâtonnante, riche en histoire, révélatrice de l'existence humaine, mais moins de l'absolu de Dieu. La pensée contemporaine n'en a pas fini avec les thèses de D. - P. Gilbert sj