Avitus est l'une des figures marquantes de l'Antiquité tardive.
Évêque de Vienne entre 490 et 518, il se consacre avec ardeur à son
ministère épiscopal et met la richesse de sa culture classique au
service de la foi. Parmi ses nombreux écrits, le De spiritalis
historiae gestis, épopée biblique en cinq chants, apparaît sans nul
doute comme l'un de ses chefs-d'oeuvre. Le but du présent ouvrage
de N. Hecquet- Noti est précisément de mettre en lumière le talent
littéraire avec lequel Avit a fait de «La geste de l'histoire
spirituelle » un des exemples les mieux réussis de la
réconciliation entre culture classique et spiritualité chrétienne.
Dans cette perspective, N. Hecquet- Noti se consacre à l'édition
complète de l'oeuvre, publiant déjà ici les trois premiers chants,
centrés sur le péché originel (De initio mundi, De originali
peccato, De sententia Dei) - les chants 4 et 5 traitant
respectivement du déluge et du passage de la Mer Rouge. Comme de
coutume dans la collection Sources Chrétiennes, il s'agit avant
tout d'une édition du texte. Celle-ci est fondée sur un apparat
critique précis, qui témoigne d'une étude minutieuse des différents
manuscrits existants. Elle s'accompagne d'une traduction inédite -
seules deux traductions fragmentaires existent à ce jour -, tout
aussi rigoureuse et enrichie de nombreuses notes qui, avec le plan
précédant chacun des trois chants, illustrent de manière détaillée
les caractéristiques du poème exposées dans l'introduction.
Celle-ci met notamment en évidence les sources d'Avit, et tout
d'abord la Genèse et l'Exode. Le sujet du De gestis est l'histoire
de la rédemption et du salut de l'homme. L'oeuvre apparaît avant
tout comme une glorification du Christ à travers les héros de
l'Ancien Testament: Adam, Noé et Moïse. L'hymne christique de la
fin du chant 3, largement influencée par l'hymnodie chrétienne
(Ambroise, Prudence, Paulin de Nole), en est l'illustration:
passage central, il donne la clé de lecture typologique de
l'ensemble, soulignant tout à la fois la nature divine du Fils de
Dieu et sa médiation indispensable pour obtenir la rémission des
péchés et la grâce divine. Le De gestis ayant comme source
d'inspiration les premiers livres de l'Ancien Testament, Avit
utilise l'exégèse figurative comme fondement de sa glorification du
Christ sauveur de l'humanité, alternant excursus didactiques
expliquant le propos moral de l'A. - tel celui consacré à la femme
de Loth au chant 2 - et digressions symboliques illustrant les
mystères qui fondent la théologie chrétienne - comme celle du chant
1 consacrée au sommeil d'Adam (qui préfigure la mort du Christ) et
à la naissance d'Ève (qui symbolise l'avènement de l'Église). Mais
l'oeuvre d'Avit est surtout fondée sur l'imitatio poetarum dont
seuls des lettrés possédant une bonne culture classique peuvent
percevoir le sens métaphorique ou allégorique caché dans la
littéralité du récit. Écrite en hexamètres dactyliques dans la
tradition virgilienne, l'épopée se voit émaillée de nombreuses
références aux auteurs anciens, particulièrement aux poètes épiques
Virgile, Lucain, Stace, ou encore au poète augustéen Ovide. Avit
s'inspire également de l'éloquence classique pour la construction
de certaines parties, comme dans le dialogue entre Ève et le
serpent au chant 2. Enfin, poètes chrétiens (Juvencus, Prudence,
Sédulius, Dracontius, …) et Pères de l'Église (Augustin, Ambroise,
Lactance, …) sont également évoqués, notamment à travers les
digressions exégétiques qui traversent l'oeuvre. N. Hecquet-Noti
mentionne finalement les caractéristiques lexicales du De gestis,
dont la richesse du vocabulaire utilisé apparaît clairement dans
les termes désignant le paradis, l'enfer et le péché originel. Les
particularités syntaxiques sont pour leur part celles de la langue
tardive. Les qualités de sérieux et de rigueur du présent ouvrage
transparaissent clairement dès son abord. Elles permettent au
lecteur de goûter pleinement la richesse d'une oeuvre qui célèbre
avec originalité et talent la gloire du Christ. - A. de Bels.