L'A., professeur à l'université d'Artois, présente Péguy sous le
signe de l'hospitalité (de la religion, de la prière, de la
République…), un terme, nous assure-t-il, qu'il ne définira pas
complètement, mais qui implique que celui qui reçoit est reçu, et
que celui qui est reçu, reçoit. Dans ce texte, à la fois dense et
riche, glanons quelques propositions. Péguy est l'hôte (au double
sens de hospes) de la parole, entre littérature et
philosophie. L'argent, devenu appareil de mesure universel, est
l'hôte indésirable: le monde moderne met en place des dispositifs
qui lui masquent le fait qu'il trahit les principes politiques et
les valeurs morales qu'il prétend défendre.Le Christ (de compassion
et de colère) 'réside' de plus en plus dans les oeuvres de Péguy:
l'écrivain se christianise littéralement et littérairement. Dieu,
qui reçoit toutes ses créatures, est reçu par elles, par le
truchement de l'Incarnation. Deux tentations, docète et arienne,
imposent une double série de cléricalismes du christianisme, qui
inspirent la colère de Péguy. La prière, qui rassemble le temps et
l'espace, rend le monde habitable, lui donnant un sens. Prier
mécaniquement est le comble de l'esclavage. Chez Péguy, la
distinction entre poésie et prière finit par s'estomper. La
parabole de l'enfant prodigue, texte souverainement 'hospitalier',
aide Péguy à supporter le monde moderne. Ignorant le fils aîné, il
se reconnaît non seulement dans le fils cadet 'orphelin', mais
également dans le père: un bon pasteur qui, tout en pardonnant,
demande à être pardonné, et se fait lui-même fils prodigue.
L'ouvrage est enrichi d'une courte bibliographie utilement
sélective. - P. Detienne sj