Il cristianesimo di un non credente

S. Natoli
Ces deux petits livres exposent de manière profonde deux des axes majeurs de la réflexion de l'A., qui sont aussi des questions récurrentes dans la pensée philosophique italienne contemporaine: comment assumer aujourd'hui nos racines à la fois chrétiennes et grecques? Le premier ouvrage édite des conférences prononcées en forme d'interview à «Radio Tre». Il parcourt l'histoire de la pensée depuis les interrogations sur le destin qui pèse sur l'homme jusqu'à celles sur la liberté, un parcours idéal d'une Grèce dont nous sommes les contemporains. Les Bacchantes d'Euripide mettent en scène un Dionysos en sorte qu'apparaisse une tension, dans la vie humaine, «entre la force et la raison, entre le chaos et l'ordre» (19). L'homme, pris dans cette contradiction, se doit d'être vigilant. Avec l'OEdipe de Sophocle, il reconnaît qu'il est lui-même au coeur d'un ouragan, que le destin ne s'impose pas à lui de l'extérieur mais constitue sa propre intériorité. Notre existence est une énigme où la vie et la mort se défient. L'homme en arrive ainsi à se savoir de responsable de son futur. Chez Eschyle, il «est poussé à prendre une décision. Telle est la nouveauté du tragique: se disposer au futur et à sa contradiction, ce qui se transforme inévitablement en choix» (67). Le choix répète cependant la contradiction entre la vie et la mort; le sort de l'homme est d'assumer cette tension irréconciliable qui le constitue, de choisir en sorte que son mystère originaire soit maintenu. L'homme grec, selon l'OEdipe à Colonne de Sophocle, est libre parce qu'il est pas unilatéral; rompre sa tension originaire serait le livrer à un enchaînement mécanique, qui n'est pas le destin grec. L'homme grec sait garder la mesure, et vivre selon la pietas. La tragédie grecque n'est pas morte aujourd'hui. L'homme a à s'attacher à son destin sur fond d'une nature qui le soutient et qui est entrée dans le champ de ses décisions. Par ailleurs, comme en témoigne Simone Weil, la tension reconnue par les Grecs est vécue par la chrétienté, l'autre source de notre tradition, en terme de paradoxe plutôt que de contradiction, de sorte que l'expérience de l'invocation d'un salut soit possible, au lieu de se l'assurer soi-même en faisant sien le mystère de l'être et de sa contradiction immanente.
Le second texte est publié par les presses de la Communauté de Bose. L'A. y expose comment il se situe par rapport au christianisme tout en restant incroyant. Il entreprend une lecture païenne du christianisme. Il note que la modernité a sécularisé l'idée chrétienne de rédemption, l'homme devenant maître de lui-même. l'A. s'arrête souvent à la question du mal et de la douleur. Le christianisme et la modernité ont l'un et l'autre affronté cette question, et espéré en Dieu ou dans la science. Mais la question du mal peut ne pas être entendue avec profondeur dans ces seuls cadres. La thèse grecque nous enseigne toujours. Dans Libertà e destino (115-116), l'A. note que l'idée d'infini a vidé le fini de son sens immanent. Avec les Grecs par contre, le fini demeure sensé. Voilà pourquoi l'A. propose, une éthique de la finitude qui se situerait en deçà et par delà le christianisme. Cette éthique reprend l'exigence du don de soi à autrui, l'attention à l'amour pour notre terre, la tendresse pour tout ce qui est là, dans sa finitude. Bien sûr, il s'agira d'éviter les déformations qui menacent l'amour, qui demeure cependant «destructeur» (90) et qui contrarie jusqu'à la crucifixion. L'A. reconnaît en ces pensées un héritage du christianisme, mais qui n'est pas le tout du christianisme et qui ne fait donc pas de son A., confesse-t-il lui-même, un chrétien. - P. Gilbert sj

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