J’écouterai leur cri. Cinq regards de femmes sur la crise des abus. Avec N. Becquart, C. Danel et P.C. Goujon

Monique Baujard Geneviève Comeau Agata Zielinski Joëlle Ferry Thérèse de Villette
Morale et droit - Recenseur : François Odinet

La « crise des abus » – dont plusieurs A. de ce livre disent que c’est mal la nommer que d’en parler ainsi – et les prises de conscience qu’elle engendre suscitent, à côté des dénégations ou des évitements, des paroles nécessaires et, au sens propre, édifiantes. On en trouvera dans ce livre, à travers cinq voix féminines, dont quatre xavières. Chacune des A. part de son expérience personnelle, sa réaction au rapport de la CIASE. L’aspect bouleversant n’en est pas masqué, pas davantage que les questions qu’il pose à tous les catholiques.

Praticienne de la justice réparatrice, T. de Villette défend l’idée qu’il faut cheminer avec les agresseurs et avec les victimes. Dans une telle démarche, les victimes peuvent « retrouver le pouvoir du langage, mettre des mots sur les émotions et arriver à une libération personnelle profonde » (p. 37). En parallèle, il ne s’agit pas de reléguer les agresseurs dans la monstruosité : cela ne permet pas d’« arrêter l’hémorragie » des agressions (p. 39). Cette démarche peut permettre la sortie du déni, la prise de conscience du mal commis et la capacité à trouver dans la vérité une force nouvelle.

La théologienne G. Comeau invite à s’interroger sur les racines théologiques du silence qui a entouré la commission des crimes : elle pointe comment la théologie du mal s’est davantage souciée de l’agresseur que de la victime. Sa lecture de J.B. Metz l’invite à noter aussi le rôle de la communauté dans une théologie du mal qui place les victimes au centre.

La bibliste J. Ferry partage sa conviction que les Écritures ouvrent des chemins pour faire face à la violence sans la masquer – y compris la violence sexuelle. On ne cherchera pas dans les textes bibliques un « message théologique ou éthique que l’on pourrait exprimer clairement » (p. 86), mais on se laissera embarquer dans des récits, des textes prophétiques ou poétiques qui travaillent, questionnent et transforment leurs lecteurs.

La philosophe A. Zielinski propose une remarquable méditation sur la vérité qui rend libre. Elle montre comment l’entrée en dialogue est nécessaire au surgissement de cette vérité libératrice. À ce titre, les voix expertes qui ont contribué au rapport de la CIASE constituent une aide absolument nécessaire. Dans un tel dialogue s’ouvre un espace de reconnaissance des souffrances subies, où la parole entendue peut transformer. Le climat de l’amitié le favorise et donne à la relation sa justesse.

M. Baujard approfondit l’aspect systémique de la « crise des abus ». Celle-ci révèle combien l’Église peine à appliquer ad intra les principes d’éthique sociale qu’elle promeut ad extra. Les « impensés de l’Église institutionnelle » ainsi découverts constituent une sérieuse contribution à la réflexion en cours.

Les ouvertures de C. Danel et de P. Goujon, ainsi que la relecture de N. Becquart, aident à percevoir à quelle profondeur ces voix nourrissent le débat, et combien ces « regards de femmes » ainsi que ce croisement des compétences sont fondamentaux pour qu’aucune des conversions nécessaires ne soit évitée. — F. Odinet

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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