L'A., des Missionnaires d'Afrique, islamologue, après avoir, à
partir des versets coraniques mecquois et médinois, reconstitué une
vie Jésus (son origine, sa mission, sa fin dramatique, son
identité), se tourne vers les sources contemporaines. Laissant de
côté tant les homélies (khutba) du vendredi et les conférences de
ramadan que les émissions de radio et de télévision, cassettes et
vidéo-cassettes, il suit la trace de Jésus dans les textes
imprimés. D'abord les manuels et les catéchismes (jordaniens,
syriens, marocains); puis les quatre grands commentaires (tafsîr)
du XXe siècle; ensuite, les traités et les publications des
théologiens contemporains; enfin les oeuvres littéraires, surtout
égyptiennes, et les poèmes (irakiens et palestiniens). L'A. relève
quelques constantes: Jésus, célibataire, né d'une vierge, accomplit
des miracles «avec la permission d'Allah»; toute idée d'incarnation
et de rédemption est exclue. L'A. recherche les sources des
ouvrages analysés: les évangiles canoniques, les écrits modernistes
(Sabatier, Renan, Loisy), le très intéressant Évangile de Barnabé,
dans lequel Jésus joue le rôle de Jean-Baptiste par rapport à
Muhammad, qui est le Paraclet: lors de son arrestation, «des anges
ont enlevé Jésus par la fenêtre» et c'est Judas qui a été crucifié.
La référence à un sosie est fréquente: «Jésus changeait d'aspect
comme il voulait», comme à la transfiguration.
Tous les textes étudiés sont écrits en arabe, sauf la Compréhension
du Coran, dont se réclament divers courants fondamentalistes, que
le Pakistanais Mawdûdî a composé en urdu; et le Traité moderne de
théologie islamique (1985), que Si Hamza Boubakeur, recteur de
l'institut musulman de la mosquée de Paris, a rédigé en français:
il nous y apprend que «Salomé, fille de Zébédée, s'attacha à Jésus
et l'accompagna jusqu'au supplice». L'A. cite de beaux passages:
«l'ange souffle dans le pli de son corsage et Marie est enceinte de
Jésus» Retenons surtout La Cité inique (1954) de Kâmil Husayn, qui
est une très émouvante évocation du Vendredi Saint, et le roman
allégorique Le Fils de la Medina, de Nagîb Mahfûz, prix Nobel de
littérature, mal reçu en Égypte, publié à Beyrouth en 1967. L'A.
conclut: le dialogue islamo-chrétien, possible au niveau de la
mystique, ne peut s'instaurer autour de Jésus. La première édition
datait de 1996; la présente mise à jour inclut une analyse de Un
musulman nommé Jésus, de Tarif Khalidi, professeur à Cambridge.
Recommandé. - P. Detienne sj