orale aux éditions du Cerf. Ses nombreux essais et romans
témoignent d'une vraie connaissance de l'homme et de la société
contemporaine. Avec une lucidité sans concession et un regard
critique d'une grande finesse, elle dirige notre attention sur ce
que nous vivons en ce xxie siècle et sur les perspectives qui
s'ouvrent à notre réflexion présente et à notre avenir.Quel est cet
«âge du renoncement» qu'elle diagnostique et qu'elle annonce?
Renoncement à l'univers culturel dont nous avons vécu et qui
soudain se dérobe. Nos enfants sont sans repères fermes et
nous-mêmes hésitons sur ce qu'il y a à faire et à être. Allons-nous
à la dérive? Faut-il sonner le glas de notre religion, vieille de
2.500 ans? Ou bien, rejoignons-nous l'existence de l'humanité
d'avant la culture religieuse qui nous présentait un avenir
salutaire, au temps où nous avions besoin de Dieu? Certes, avant la
révélation du Dieu unique, il y avait cette vieille sagesse de
toujours. Mais, à présent, la violence et la technique nous
laissent un goût amer qui nous fait déserter nos croyances
ancestrales, et nous sommes en passe de retrouver cette sagesse de
vie qui nous ferait passer à une culture inconnue dans un monde
sans Dieu?Le 1er chapitre s'intitule «Foi et sagesse»: la foi
engendrait la certitude; les sagesses contemporaines y renoncent et
se demandent comment bien vivre. On se dirige vers une sorte de
panthéisme dans un lâcher prise sans plus d'engagement. Dans cette
désillusion du vrai, on se porte vers l'utile, qui prend la place
du bien et devient outil du comportement. C'est l'objet du chap. 2.
Alors reparaissent les mythes qui viennent sacraliser les formes de
l'agir, comme substituts des dogmes de jadis; ne faut-il pas donner
ou rendre un contenu à ces «droits de l'homme» auxquels on
s'accroche sans savoir ce qu'est le sujet de ces droits? Le mythe
n'est pas rationnel; il favorise l'incantation ou les fantasmes du
rêve. La finalité, l'eschatologie, l'espérance ont disparu (chap.
3). Alors, où va le temps? Va-t-il quelque part, ou engendre-t-il
le retour au même? Nous retrouvons ainsi le temps cyclique,
répétitif, et le progrès, pour ne pas périr, se porte plutôt sur la
moralité et le bonheur qui devraient bien revenir, sans qu'on sache
ce qu'ils signifient et, dans l'incertitude, on cherche de quelles
catastrophes il faut se garder (chap. 4). Que devient la société
dans ce vide des croyances et la fragilité des appuis? Elle est aux
prises avec différentes visions du monde et le débat va bon train
sans que les personnes arrivent à se comprendre et les énergies
s'avèrent incapables de s'unir pour construire. Alors le consensus
remplace le vrai face à face démocratique et invente des modes
divers d'application suivant les pays et la culture; le peuple perd
peu à peu sa compétence et les techniciens règnent en maîtres. Que
vaut cette démocratie qui s'enlise de multiples manières? (chap. 5)
Le sens de la vie s'est effrité sous les idéologies, incapable de
rendre à l'homme sa colonne vertébrale: décomposition et
déstructuration de la personne et de sa communauté. Y a-t-il un
remède, ou bien faut-il considérer cette image du futur comme une
fatalité? Les sagesses fournissent-elles une ou des alternatives?
Quoi qu'il en soit, nous avons à affronter l'avenir qui nous guette
et à le traverser, si possible dans la liberté. Peut-être
rejoignons-nous ainsi l'expérience de Job qui se voyait interrogé
sur la Sagesse inaccessible et finissait par avouer à Dieu: «Je ne
te connaissais que par ouï-dire, mais maintenant mes yeux t'ont
vu».Si le diagnostic de l'A. est exact, nous avons la possibilité
de nous forger une vraie liberté personnelle, en retrouvant,
autrement peut-être, la transcendance immanente que nous avons
délaissée: nous voilà propulsés dans l'au-delà, quitte à nous
laisser investir à neuf par Celui qui nous a fait vivre et que nous
portons en nous. - J. Radermakers sj