L'ange obstiné. Ténacité de l'imaginaire spirituel

Anne-Marie Reijnen
Spiritualité - Recenseur : Paul Lebeau s.j.
Ce petit livre, riche de substance théologique et de réminiscences littéraires, est un des joyaux d'une collection consacrée à «des essais, des ouvrages d'actualité religieuse, historique et contemporaine à l'intention d'un large public». De l'aveu de son auteur, professeure à la Faculté de théologie Protestante de Bruxelles, il est né de «l'obstination d'une théologienne à remettre en question le divorce moderne entre la raison et l'imagination», face à ce «christianisme 'raisonnable' qui a fini par reléguer les anges parmi les superstitions d'un autre âge». Quant à l'indifférence, voire la réprobation protestante à l'égard des anges, elle provient sans doute, selon l'A., de la «centralité du message comme Parole - de plus en plus comprise comme un savoir livresque, de surcroît - qui semble rendre superflus les messagers». Là en effet où s'obscurcit le principe d'une participation de sujets personnels à la manifestation de l'unique Médiateur, les «esprits envoyés en service pour le bien des élus» (He 1,14) sont nécessairement méconnus. Or, en Occident, nous signale l'A., «aucune réalité spirituelle n'a été représentée aussi souvent que les anges. Ils figurent dans la plupart des 'narrations' bibliques et postbibliques (vies de saints…). D'où ce paradoxe: si nous devons penser que les anges n'existent pas, jamais réalité inexistante n'aura été aussi abondamment illustrée!» L'ange est d'ailleurs une donnée familière aux monothéismes «abrahamiques». Jésus, en particulier, est visité par un ange, au début (Mc 1,13) et à la fin (Lc 22,43) de sa vie publique. Et ce sont des anges qui sont les messagers de sa résurrection. Autre remarque pénétrante et, me semble-t-il, originale: «Les anges remplissent une fonction littéraire aux conséquences théologiques considérables: l'unité narrative des deux volets de la Bible chrétienne (Premier et Second Testament) est en quelque sorte garantie par les personnages - anges et prophètes - qui circulent d'un livre à l'autre». Si donc, comme l'écrit plaisamment l'A., l'ange n'est pas «une denrée de luxe», comment définir théologiquement sa pertinence? Nous ne pouvons que renvoyer ici le lecteur aux développements savoureux et pénétrants d'une théologienne poète, en nous bornant à quelques indications pour le mettre en appétit: «les anges 'extériorisent' la nature impalpable de Dieu, ce qui, dans une approche pédagogique de la foi, est licite et utile»; «l'Ange du Seigneur» est quasiment synonyme de Dieu, et sa mention constitue une sorte de respect: elle permet de décrire «une action dont l'origine est bien la volonté divine, sans impliquer Dieu dans un contact direct ou une manipulation»; l'ange a également pour fonction de donner corps aux désirs primordiaux de l'être humain: «l'attente d'une bonne nouvelle, dont les anges seraient les avant-coureurs surprenants», ou «la soif d'une justice qui vienne à bout de l'injustice impunie», et finalement «le désir de beauté gratuite et surabondante». En un mot, en conclusion: «Aujourd'hui, la figure de l'ange signale obstinément que la foi est aussi attente de l'inespéré ». - P. Lebeau, S.J.

newsletter


la revue


La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

contact


Nouvelle revue théologique
Boulevard Saint-Michel, 24
1040 Bruxelles, Belgique
Tél. +32 (0)2 739 34 80