L'Écriture, âme de la théologie. La parole et le langage chez Albert Chapelle, préf. J. Radermakers
Benoît de BaenstThéologie - Recenseur : Alban Massie s.j.
Cette synthèse, B. de B. l'exprime ainsi : la pensée de Ch. est une « théologie de la Parole, du Corps glorieux, une herméneutique chrétienne » (p. 647). Dans cette triple formule, la 1re expression, empruntée à Verbum Domini 27, renvoie sans doute au 1er sens spirituel des Écritures, l'allégorie ; la 2e, qui désigne le Christ dans l'accomplissement de ses mystères, vise l'anagogie ; la 3e ouvre à la perspective tropologique, missionnaire, du dialogue entre l'Église et le monde. Mais on y décèle avant tout le fil rouge du livre, à savoir la vie et la recherche d'A. Ch. récapitulée en 3 étapes : sa retraite de trente jours au 3e An jésuite en 1957 ; la lecture de Fessard et Lubac les années suivantes ; la fondation en 1968 et l'enseignement de la philosophie et de la théologie à l'IET. D'où les 3 parties de l'ouvrage qui étudient la triple dimension de la parole. Celle-ci est d'abord une expérience, selon le rythme des Exercices spirituels de St Ignace où se manifeste le Verbe (1re partie). C'est aussi la compréhension philosophique (2e partie) et enfin théologique (3e partie). Le langage est finalement compris comme la réponse à cette parole, ecclésiale, au plus haut point dans la théologie, dont l'âme est l'étude de l'Écriture sainte, selon l'adage de Vatican ii repris en titre de l'ouvrage.
La 1re partie se montre accessible, de manière surprenante, car elle raconte l'inracontable, à savoir l'expérience spirituelle, toujours singulière (dont Ch. disait lui-même qu'elle l'avait laissé « sans mot dire », cité p. 22). Il s'agit d'accueillir la révélation de Dieu qui révèle l'homme à lui-même et le met en liberté. La 2e partie s'efforce de reprendre la philosophie du symbole et du corps de Ch., dont l'analyse du langage est le coeur, puisque s'y livre la liberté corporelle dans l'histoire. Là se déploie une féconde discussion avec les philosophes (Hegel, Heidegger, mais aussi Fessard, Ricoeur, Bruaire…). Cette 2e partie, entre l'étude du langage des Exercices et celle de la théologie, montre que Ch. est tout autant un philosophe qu'un théologien, sachant discerner dans l'aventure intellectuelle du xxe s. la monstration de la vérité, jusqu'en son déni. La 3e partie déploie alors, selon l'ordonnancement des disciplines théologiques, dont le départ est l'exégèse scripturaire et non l'interrogation mondaine, le caractère théologal de la théologie selon Ch., à savoir « une théologie qui, tout en les intégrant, n'est pas recouverte par des structures de savoir qui lui sont étrangères » (p. 627).
Cette étude ne fait pas nombre avec celles qui sont récemment parues sur la pensée de Ch. (en dernier lieu A. Comte, La Parole de Dieu dans les mots de l'homme, voir ci-dessus). L'A. dialogue avec d'autres commentateurs (p. ex. p. 267, n. 109, avec M.-L. Calmeyn sur la place de l'intercession et de l'invocation dans les séquences du langage selon Chapelle. Cette note mériterait de préciser le sens de l'intercession en tant qu'elle concerne autrui, dans la théologie morale, mariale, étudiée par son interlocutrice). Résolument synthétique, la thèse de B. de B. sera appréciée par sa recherche d'articulation des thèmes de la pensée chapellienne. Elle constitue ainsi une belle introd. à la « théologie anagogique de l'histoire » (p. 631), autrement dit, à une « théologie eucharistique » (p. 634). - A. Massie s.j.